Katrina Nokleby, ministre de l’industrie, du tourisme et de l’investissement des Territoires du Nord-Ouests. Avec l’aimable autorisation de Katrina Nokleby

Katrina Nokleby, la nouvelle ministre de l’industrie, du tourisme et de l’investissement des Territoires du Nord-Ouest (T.N.-O.), avait déjà du pain sur la planche face à la perte de vitesse du secteur de l’extraction des diamants et à l’incertitude concernant ce qui viendrait le remplacer. L’arrivée du COVID-19 a propulsé le degré de difficulté de la situation à un tout autre niveau.

Heureusement, Mme Nokleby est habituée à apprendre « sur le tas ». Ingénieure en géologie appliquée, elle a obtenu son diplôme de sciences appliquées à l’université de la Colombie-Britannique (UBC) en 2001, puis a emménagé à Yellowknife il y a 13 ans pour travailler comme conseillère. Les sociétés minières ont tendance à ne pas embaucher beaucoup de personnel dans leurs bureaux de Yellowknife (rarement plus de deux ou trois employés), aussi les conseillers sont très demandés pour un large éventail d’activités. « On se retrouve à toucher un peu à tout », déclarait Mme Nokleby. « On nous confie toute sorte de projets. »

Le travail a emmené Mme Nokleby dans le Nord, notamment pour des visites de mines en production ou anciennement en exploitation. Pendant un temps, elle était chargée de faire respecter la réglementation environnementale sur le site d’assainissement de la mine Giant. Elle a aussi mené des travaux d’ingénierie des glaces sur la route d’hiver reliant Tibbitt à Contwoyto, qui serpente sur quelque 400 kilomètres au nord de Yellowknife vers Diavik, Ekati et Gahcho Kué, les trois mines de diamants de la région.

Mme Nokleby s’est alors fait une idée des particularités de la planification logistique dans un territoire notoirement hostile aux budgets et aux calendriers. Elle a aussi constaté à quel point le gouvernement pouvait être plus réactif et efficace. Parce qu’elle souhaitait, entre autres, apporter la perspective du secteur privé au sein du gouvernement, Mme Nokleby a déposé à l’automne dernier sa candidature pour un siège à l’assemblée législative territoriale, qu’elle a remporté. Lors de cette élection, des députés fraîchement élus ont pris la place des titulaires, et neuf femmes siègent désormais à l’assemblée législative, ce qui représente près de la moitié des 19 sièges.

Ce nouveau gouvernement a été élu en plein carrefour économique. Les mines de diamants devraient fermer leurs portes avant la fin de la décennie et aucun projet sûr n’est prêt à prendre leur place. « L’industrie admettait qu’elle avait plus que jamais besoin de porte-parole », indiquait Mme Nokleby, expliquant que ses collègues l’avaient encouragée à se présenter à un poste ministériel.

Le gouvernement de consensus du territoire ne repose pas sur un régime des partis. Au contraire, les candidats au poste de député mènent leur campagne à l’échelle locale par le biais de leurs propres plateformes. Les 19 députés élus forment ensuite un gouvernement en sélectionnant un Premier ministre et

un conseil des ministres dans leurs rangs. Initialement, Mme Nokleby n’a pas fait campagne dans le but d’intégrer le conseil des ministres, sachant que les sièges sont traditionnellement réservés aux députés expérimentés. Cependant, avec seulement deux ministres dont le mandat a été reconduit, elle a annoncé sa candidature.

Mme Nokleby a été nommée ministre de l’infrastructure, ainsi que ministre de l’industrie, du tourisme et de l’investissement. Peu de temps après son investiture, elle s’est rendue à l’AME BC Roundup (le tour d’horizon sur l’exploration minière de l’Association for Mineral Exploration British Columbia) à Vancouver, puis au congrès de la Prospectors and Developers Association of Canada (PDAC, l’association canadienne des prospecteurs et entrepreneurs), à Toronto ; elle n’avait pas participé à l’AME BC Roundup depuis ses années de bénévolat en premier cycle. Durant ces conférences, elle a présenté les priorités de son gouvernement portant sur la résolution des revendications territoriales en suspens, la construction de nouvelles routes praticables en toute saison et la promotion d’un développement majeur du réseau hydroélectrique, des efforts qui, selon le gouvernement, aideront les sociétés minières et encourageront les investissements. Les sociétés minières, quant à elles, l’ont sommé d’harmoniser les exigences en matière de déclaration et les échéanciers dans le processus réglementaire des T.N.-O.

Mais tout ceci paraît bien lointain. La pandémie de COVID-19, qui a jeté une ombre sur le déroulement du congrès de la PDAC, a depuis semé la confusion dans les marchés mondiaux et a paralysé l’économie des T.N.-O. Dans l’incapacité de vendre l’équivalent de 180 millions de dollars américains de diamants sur les marchés mondiaux, Dominion Diamond Corp. (le propriétaire de la mine Ekati et de 40 % de la mine Diavik) a bénéficié de la protection des créanciers début avril. Le fait est que la principale source d’exportation du territoire est un produit de luxe qui ne fera pas partie des priorités des millions de personnes se retrouvant soudain au chômage. Par ailleurs, les premières estimations relatives à l’investissement dans l’exploration pour cet été s’annoncent peu réjouissantes, aggravant par là même le problème de l’écart entre la production effective et la production potentielle du territoire.

Cependant, Mme Nokleby s’est dévouée corps et âme aux exigences de cette nouvelle réalité requérant toutes les ressources nécessaires. Elle a assuré la distribution d’équipements de protection individuelle (ÉPI) à l’ensemble du territoire et a fermé toutes les frontières pour endiguer la propagation du virus. « J’ai eu l’impression de revenir en arrière, à l’époque où j’étais conseillère », déclarait-elle. « C’est le plus grand projet que j’ai jamais géré. » Dans une entrevue en direct sur Facebook, elle a même encouragé les résidents à la contacter directement par courrier électronique au cas où ils ne recevaient pas de réponse de son ministère.

Et si tout cela n’était pas suffisamment stressant, elle a été mise sur la sellette, fin mai, au titre d’une motion mystérieuse et secrète présentée par des députés anonymes demandant sa destitution du conseil des ministres. Lorsque l’avis de cette motion a été présenté à l’assemblée législative, le groupe de députés a fait face à un grand mouvement d’opposition du public. La chambre des mines a lancé une pétition et envoyé une lettre de soutien à Mme Nokleby, ne laissant d’autre choix aux députés que de retirer leur motion.

Mme Nokleby est bien consciente qu’elle doit jongler entre les crises à court terme et les questions à long terme, y compris les préoccupations immédiates en termes de santé publique liées au COVID-19, tout en faisant son possible pour maintenir l’économie à flot. Cette pandémie est un territoire totalement nouveau pour les politiciens et politiciennes du monde entier, qui requiert une action rapide et des décisions fondées sur les données. Bien qu’elle soit novice dans son nouveau rôle de ministre, les expériences professionnelles de Mme Nokleby semblent l’avoir bien préparé à cet épisode. Traduit par Karen Rolland