Dans le cadre de ses fonctions chez New Gold, Mme Manuel utilise les enseignements traditionnels de son peuple pour bâtir des relations avec les communautés des Premières Nations. Kristopher Grunert

En 2008, quand New Gold a offert pour la première fois à Mme Manuel le rôle de coordonnatrice auprès des Premières Nations à la nouvelle mine de New Afton, la réponse fut un non catégorique. En effet, sa famille a toujours ouvertement défendu les droits et les titres de la communauté autochtone, et Mme Manuel était opposée à l’idée de travailler dans une mine. Son père, le défunt Grand Chef George Manuel de la Nation Secwepemc , était un important militant autochtone et une figure clé du « Constitution Express », un mouvement organisé au début des années 1980 en réponse au manque de considération accordé aux droits des Autochtones par le projet du gouvernement de Pierre Trudeau de rapatrier la constitution. Toutefois, après des efforts considérables, un autre dirigeant influent de la communauté, le regretté John Jules des Tk’emlups te Secwepemc, a réussi à convaincre Mme Manuel à se joindre à New Gold et à l’aider à ouvrir la porte à une nouvelle ère propice aux relations participatives entre les sociétés minières et les communautés des Premières Nations.

Depuis, dix ans se sont écoulés, et Mme Manuel a récemment été promue au poste de conseillère principale des relations avec les communautés autochtones chez New Gold. Elle est chargée d’assurer la fluidité de la communication entre l’entreprise et les communautés touchées par les activités d’exploitation menées en Colombie-Britannique. En février, elle a accordé un entretien à CIM Magazine, dans lequel elle parle de la décision difficile prise dix ans auparavant d’accepter ce rôle, de la façon dont les comités mixtes de mise en œuvre aident à maintenir la part autochtone de la main-d’œuvre de New Afton à 23 pour cent, ainsi que des obstacles qui persistent à la création d’une industrie favorisant véritablement l’intégration.

ICM : Est-ce qu’il y a un épisode de votre passé, un tournant particulier, ou encore un mentor qui vous a menée là où vous êtes aujourd’hui?

Mme Manuel : Toute ma vie, j’ai essayé d’établir des relations entre les communautés des Premières Nations, l’industrie forestière et minière, et le gouvernement en adoptant une approche différente inspirée des enseignements de mon père. Tout au long des années qu’il a passées à la tête de notre communauté, il avait le don de nouer des rapports avec le gouvernement et d’ouvrir la porte à toutes formes de communication. Une grande partie de ce que j’ai accompli à New Gold jusqu’à présent est fondée sur les enseignements et les conseils que me prodiguait John Jules lors de mes premières années dans ce rôle. Il était une véritable source d’inspiration.

Parmi tous les conseils offerts par John, les aînés et les membres de la communauté que j’ai consultés avant d’accepter l’offre d’emploi de New Gold, le plus important fut de garder en mémoire nos connaissances traditionnelles, notre culture et nos croyances, et de les inclure autant que possible à mes discussions avec New Gold.

ICM : Avez-vous parfois l’impression d’être prise entre deux feux?

Mme Manuel : C’est difficile. Je m’appuie sur les enseignements et le soutien des aînés, en particulier lors des moments difficiles, quand je suis prise entre New Gold et les communautés des Premières Nations avec qui je travaille. Je me retrouve souvent à devoir concilier deux mondes différents, et il m’arrive de me heurter à mes propres croyances et aux enseignements traditionnels de mes grands-parents et de mon père.

Plus récemment, j’ai échangé avec d’autres femmes qui travaillent dans le secteur minier et font face à des défis similaires dans leur rôle. Plus nous partageons, plus nous nous rendons compte que nos défis se ressemblent, et plus nous élargissons ce réseau de femmes fortes, plus nous serons en mesure de surmonter les moments difficiles. J’ai récemment participé à une table ronde autour des femmes autochtones travaillant dans le secteur minier, lors du Congrès AME Roundup organisé à Vancouver plus tôt cette année. À l’occasion du congrès qui aura lieu en novembre cette année, je suis aussi en train de collaborer avec la Canadian Aboriginal Mining Association (CAMA) pour préparer une table ronde sur le même sujet.

ICM : Dans le cadre de l’expansion du projet d’exploration de Blackwater, parvenez-vous à tirer parti de l’expérience acquise lors de la négociation et de la mise en œuvre des ententes de participation conclues à New Afton pour établir un climat de confiance avec les Premières Nations?

Mme Manuel : Pour bâtir des liens avec les communautés des Premières Nations, je m’appuie sur les enseignements traditionnels de mes grands-parents, tout comme à l’époque où je commençais à travailler avec la Nation Stk’emlupsemc te Secwepemc (SSN). [New Afton est située au sein de la SSN, qui comprend Skeetchestn et Tk’emlups te Secwepemc.] Le temps que je passe au sein des communautés et en présence de leurs dirigeants permet aux deux parties de se rapprocher l’une de l’autre et d’établir un climat de confiance.

Cela me permet de rassembler tout le monde au sein d’un même cercle. Tant que nous continuons à communiquer, à discuter et à nouer des liens, nous allons continuer à devenir plus forts et à travailler ensemble pour renforcer notre capacité, tout en encourageant la transparence et la responsabilisation. Je crois fermement que les ententes de participation sont le résultat de solides relations.

ICM : Quelles approches se sont avérées véritablement efficaces pour établir des ententes de participation avec les Premières Nations?

Mme Manuel : Dans les sites de New Afton, Rainy River et Blackwater, nous avons mis en place des comités mixtes de mise en œuvre, composés de représentants de la communauté et de New Gold. Les comités veillent à ce que les communications soient correctement transmises aux communautés et à leurs dirigeants, et permettent aux communautés de poser des questions ou de soulever des préoccupations au sujet de toutes les activités d’exploitation en cours.

Grâce à la considération accordée au choix des représentants, ceux-ci bénéficient de la confiance de la communauté. C’est ce qui a fait la réussite des comités mixtes de mise en œuvre de New Gold. En nous assurant que l’information est correctement transmise, nous arrivons à faire une différence. Les comités sont des groupes de travail techniques. Ils fournissent des recommandations pour nous aider à surmonter les situations difficiles qui peuvent survenir entre New Gold et les communautés. Quand il est nécessaire de renseigner les communautés au sujet d’une situation, les comités mixtes de mise en œuvre sont responsables de la communication de ces renseignements.

ICM : Quel rôle les comités mixtes de mise en œuvre ont-ils joué pour accroître la part autochtone de la main-d’œuvre de New Gold?

Mme Manuel : 23 % des employés de New Gold sont autochtones. Les préoccupations étant soulevées lors des réunions des comités mixtes de mise en œuvre, ceux-ci jouent un rôle crucial dans la résolution des problèmes liés à l’embauche, à l’éducation et à la formation. Ils encouragent New Gold à sortir des sentiers battus pour former les employés et améliorer leurs compétences.

Même si nous avons conclu une entente de participation, cela ne signifie pas pour autant que la situation ne peut pas évoluer. Si les réunions tenues avec les comités ou les dirigeants de la SSN dénichent une nouvelle occasion, New Gold prendra le temps de déterminer si celle-ci améliorera de quelque façon que ce soit la durabilité, qu’il s’agisse d’un emploi pour un membre du groupe, ou d’une opportunité d’affaires ou écologique.

ICM : Y a-t-il des erreurs que l’industrie minière ne cesse de répéter et qui l’empêchent de devenir réellement favorable à l’intégration?

Mme Manuel : Le principal obstacle est l’idée reçue que l’industrie minière sait ce qui est mieux pour les communautés. Ces suppositions peuvent parfois donner naissance à de nouveaux défis au sein des communautés, même si elles partent de bonnes intentions. Au lieu d'améliorer la situation, l’absence de discussions avec les communautés, d’une planification adaptée et d’une gestion des attentes ne ferait que l’empirer.

Il faut aussi tenir compte des différences culturelles qui existent entre les communautés, et il ne faut surtout pas oublier que celles-ci ne partagent pas toutes les mêmes croyances traditionnelles ou protocoles.

ICM : Ressentez-vous ce sentiment d’appartenance?

Mme Manuel : Dans l’ensemble, oui. Ma famille a commencé à me soutenir à mesure que j’ai progressé dans ce rôle, mais j’ai perdu de nombreuses relations familiales au fil des ans. C’est un sacrifice que j’ai dû faire pour accomplir mon travail actuel. Je sais que j’aurais déjà arrêté si ce n’était pour le soutien de mes proches et des relations que j’ai bâties au fil des ans au sein des communautés des Premières Nations.

Ce qui me procure le plus de satisfaction est de parler avec les jeunes. Notre peuple se projette toujours sept générations dans le futur. La fierté que mes fils ressentent à mon égard et à l’égard de mon travail me réchauffe le cœur, compte tenu des sacrifices que j’ai dû faire. Armés de mes enseignements, ainsi que de l’héritage transmis par leur grand-père et par les autres membres travailleurs de notre famille, ils pourront à leur tour aider à bâtir ces relations entre les Premières Nations, l’industrie et le gouvernement.