Ce R100 pour 4 passagers de Rokion fait partie du parc de véhicules électriques à batterie que Vale utilise à sa mine de Creighton. Avec l’aimable autorisation de Rokion
L’électrification bouleverse plusieurs industries dans le monde entier, et le secteur minier canadien ne fait pas exception. Les sociétés minières explorent les moyens d’électrifier leurs parcs. Toutefois, l’utilisation croissante des véhicules électriques à batterie (VÉB) entraîne une augmentation des stocks de batteries lithium-ion nécessaires à leur fonctionnement. Tout comme les accumulateurs au plomb-acide traditionnels, des métaux à grande valeur peuvent être récupérés, recyclés et transformés.
Préparer la fin de vie
Actuellement, 32 VÉB sont en service dans les mines souterraines de Vale, et plusieurs autres devraient commencer à être utilisés d’ici quelques mois.
La société a commencé à adopter les VÉB il y a peu de temps. Ses plus vieilles batteries n’ont que quelques années et leur performance ne présente à ce jour aucun problème grave.
Toutefois, comme avec toutes les batteries, il faut tenir compte de leur durée de vie limitée. Avec le temps, face à l’usure naturelle des cellules de batteries à la charge, leur capacité de charge se dégradera inévitablement.
« Une fois qu’une batterie dépasse le seuil de 80 % de sa capacité de charge initiale, on peut encore utiliser la cellule de batterie en deçà d’une capacité ne demandant pas une grande consommation d'énergie. Mais à ce stade, même si l’on peut encore effectuer des milliers de cycles après une perte de 20 % de la capacité initiale, la perte de capacité suivante de 20 % pourrait ne permettre d’effectuer que 200 cycles », expliquait William Hughes, ingénieur en chef à Rokion, un fabricant de véhicules miniers de Saskatchewan.
Ainsi, Vale garde un œil sur la performance de ses parcs de véhicules électriques.
« D’un point de vue opérationnel, il faut tenir compte de la performance de la batterie de la même manière que l’on tient compte de la santé des moteurs à combustion et des transmissions », déclarait Alex Mulloy de l’équipe Technologie et innovation de Vale, qui gère le programme dédié aux véhicules à énergie verte de Vale. « Pour maintenir des niveaux adaptés de disponibilité des véhicules, il faudra surveiller les batteries, les entretenir et les remplacer à mesure que leur capacité commence à décliner. »
Vale commence à signer des accords de location de batteries et d’achats d’immobilisations avec des fabricants d’équipement d’origine (FEO) afin que ces derniers lui offrent une assistance pour son stock de batteries et le recyclage de ses batteries en fin de vie.
« En observant nos partenaires de l’industrie, nous prenons conscience que la gestion durable et responsable des batteries en fin de vie est et sera un aspect important de l’intégration des véhicules électriques », expliquait M. Mulloy. « Nous nous engageons à procéder à une gestion durable de nos batteries lorsqu’elles ne seront plus viables pour nos équipements lourds. »
Location de batteries et applications pour une seconde vie
La mine de nickel de Creighton de Vale, située à Sudbury, abrite la plus grande série de ce que la société appelle des véhicules à énergie verte (VÉV). Dans le cadre de son programme pilote, la société descend encore plus bas sous terre dans des zones de la mine où règne une chaleur extrême et où l’aérage est limité. Afin de mieux comprendre les avantages de la technologie VÉV pour le programme, Vale remplace ses véhicules de transport, de chargement et utilitaires au diesel par des véhicules à batterie, fournis par un éventail de FEO, dont Epiroc et Rokion.
Avec Epiroc, Vale a signé un accord sur les batteries en tant que service (BaaS, de l’anglais batteries-as-a-service). En 2019, ce FEO a commencé à proposer le système BaaS comme une approche visant à louer des batteries à ses clients à un tarif mensuel. La facture inclut un kilowatt de charge par heure, des visites d’entretien trimestrielles, une surveillance à distance et une garantie sur les coûts, les réparations et les pièces des batteries, indiquait Shawn Samuels, directeur des produits du département Rocvolt Canada d’Epiroc.
Au titre du modèle économique d’Epiroc, une fois que l’état de charge de la batterie commence à décliner et qu’elle n’est plus adaptée à une utilisation sur des véhicules miniers, la société les destinera à une application secondaire où les capacités de stockage de l’énergie de la batterie serviront à des utilisations dont le rendement est inférieur et moins énergivore. D’après M. Samuels, Epiroc utilisera ses vieilles batteries pour des applications d’usage de stockage d’énergie, par exemple pour des panneaux solaires ou pour l’écrêtement des pointes de consommation, qui consiste à stocker l’énergie pendant les heures creuses et à l’utiliser pendant les heures de pointe afin d’atténuer les coûts.
« Différentes applications secondaires sont envisagées en ce moment. Nous sommes en plein bouillonnement d’idées », indiquait M. Samuels.
Composition chimique de la batterie
Rokion, la section fabrication des VÉB de Prairie Machine, est également partenaire de Vale. Tous les camions miniers de Rokion utilisent des batteries lithium fer phosphate (LiFePO4) qui sont assemblées, programmées et contrôlées en interne. Les cellules des batteries, qui sont composées d’anodes et de cathodes chargées positivement et négativement, liées les unes aux autres par un électrolyte, sont achetées auprès de fournisseurs divers.
« Nous utilisons les cellules LiFePO4 principalement car elles constituent le choix le plus sûr du point de vue chimique », indiquait M. Hugues. « Les cellules LiFePO4 fonctionnent à basse température, elles sont extrêmement efficaces et ont un seuil d’emballement thermique très élevé. Ainsi, ce sont selon nous les cellules présentant le moins de risques dans un véhicule souterrain, car il est primordial qu’aucun feu ne se déclenche [en raison] des conséquences terribles que cela pourrait avoir. »
Une fois que la batterie tombe en dessous des 80 % de sa capacité initiale, ou lorsqu’elle ne peut plus accomplir les missions auxquelles elle est destinée dans une mine, Rokion vend au client une nouvelle batterie en remplacement, ou récupère la batterie, la remet à neuf et la rend au client.
« Nous ramenons la batterie à Rokion, retirons les cellules, nettoyons et mettons des cellules neuves, rééquilibrons le tout et la replaçons dans le véhicule. Le coût est considérablement inférieur au rachat d’une nouvelle batterie, car il se transforme en un coût opérationnel », indiquait M. Hugues.
Il ajoutait que Rokion envoie les anciennes batteries à une société locale d’élimination, qui dispose de la technologie pour recycler certaines pièces.
Développer un processus de recyclage
La première étape dans le processus de recyclage des batteries est relativement simple, expliquait Jean-Christophe Lambert, responsable du développement commercial à Lithion, une société montréalaise. Lithion est en activité depuis février 2020 et offre son expertise en matière de recyclage des batteries à partir de toute une gamme d’applications de batterie avec des compositions chimiques différentes. Au commencement du processus de recyclage, un bloc-pile est tout d’abord démonté en son groupe de modules. Les modules sont envoyés dans un broyeur qui sépare les paillettes d’aluminium, de fer et de cuivre et de plastique pour produire une fraction poudreuse que l’industrie appelle « masse noire », à savoir les contenus minéraux des anodes et des cathodes qui constituent la batterie.
Au cours de la deuxième étape, les choses se compliquent un peu car les matériaux contenus dans la masse noire sont récupérés par un processus de pyrométallurgie ou d’hydrométallurgie.
« Chacun a sa manière de procéder. Tout dépend des objectifs de chacun en termes de récupération des métaux de ces batteries. Certains diront qu’ils veulent recycler au maximum, d’autres penseront aux facteurs économiques », déclarait David Anonychuk, vice-président international à la métallurgie et conseiller à SGS.
La technique de pyrométallurgie consiste à soumettre la masse noire à un procédé de fusion et d’affinage où les scories nickélifères et les métaux du cobalt peuvent être récupérés et vendus comme matière première.
« Le problème est que lorsqu’on associe le broyage à la pyrométallurgie, le taux de récupération des métaux présents dans une batterie neuve ne dépasse pas 40 % à 50 % », indiquait M. Lambert. « Ce processus ne permet de récupérer ni le graphite ni le lithium, donc on perd une grande partie des composantes au cours du processus. »
Lithion, quant à elle, a recours à un processus moins courant d’hydrométallurgie, avec un taux de récupération de 95 %. Dans ce processus, la masse noire est placée dans une solution et ses matériaux sont séparés sous une forme et une pureté adaptées afin de pouvoir être réutilisés par l’industrie de fabrication des batteries, dans le respect de l’approche en faveur d’une économie circulaire.
Pour ce qui est de l’avenir, M. Lambert est d’avis que les technologies de recyclage des batteries seront un thème central dans le monde entier.
« Dans le cas des batteries, elles touchent à deux des plus grands thèmes au cœur du secteur de l’énergie en ce moment, à savoir l’utilisation de l’énergie renouvelable et l’électrification des transports », indiquait-il.
D’ici la fin de l’année 2030, environ 200 méga-usines de batteries auront vu le jour. Ce nombre inclut celles qui sont déjà en service, en cours de construction ou qui ont été annoncées, ajoutait M. Anonychuk.
« Désormais, de nombreuses sociétés se demandent quelle carte jouer dans le domaine du recyclage. Toutes ces batteries vont être produites, et elles n’arriveront en fin de vie utile que d’ici 10 ou 15 ans… Mais du point de vue du fabricant, il faudra déjà recycler des déchets de fabrication qui ont été produits dans le passé… Les sociétés doivent envisager la question des batteries en fin de vie, car ce n’est pas quelque chose qu’elles vont pouvoir ignorer sur le court terme. »
Traduit par Karen Rolland