Avec l’aimable autorisation de De Beers Group

Il a suffi d’un mot. En supprimant un adjectif dans une directive fédérale, un organisme gouvernemental américain a redéfini une forme élémentaire et a contraint le secteur de la vente au détail d’Amérique du Nord, ainsi que ses clients, à revoir leur compréhension de l’un de ses produits traditionnels parmi les plus anciens et les plus traditionnels, les diamants. Ce changement a engendré une incertitude encore plus marquée pour un volet de l’industrie minière déjà enclin aux cycles haussiers et baissiers. « Naturel », voilà le terme qui a été supprimé.

Avant cette modification en 2018, les Jewelry Guides (les guides des bijoux) de la Federal Trade Commission (FTC, la commission fédérale américaine du commerce), que l’organisme publie pour structurer le marché des métaux précieux, de l’étain, des diamants, des pierres précieuses et des perles, décrivaient les diamants comme des « pierres naturelles formées de carbone pur cristallisé dans le système isométrique, à condition qu’elles aient été façonnées symétriquement avec au moins 17 facettes polies. En outre, les pierres doivent avoir une dureté de 10, une densité relative d’environ 3,52 et un indice de réfraction de 2,42 ».

Le changement est survenu après que The Diamond Foundry, une société de San Francisco qui fabrique des diamants de synthèse, a fait pression sur l’organisme gouvernemental en stipulant que seules les propriétés optiques, chimiques et physiques de la pierre précieuse comptaient, pas leur origine. La FTC a accepté cette modification, à la condition qu’un qualificatif soit utilisé après le terme « diamant » afin de préciser l’origine de la fabrication de la pierre. Les sociétés vendant des diamants qui ne sont pas produits ou extraits de manière naturelle doivent l’indiquer clairement, sous peine de sanctions.

Si les règles relatives à ce qui caractérise un diamant naturel ou de synthèse ont été clarifiées par le décret gouvernemental, ce même niveau de clarté n’est pas encore évident concernant les implications pour l’industrie d’extraction des diamants de ces pierres créées en laboratoire, fabriquées en usine, naturelles ou de culture. Ce sont les consommateurs qui décideront. Les acquéreurs de bijoux commencent à se familiariser avec la version fabriquée de cette pierre précieuse, dont le prix au carat est inférieur à son homologue obtenu par extraction minière. Toutefois, la question est de savoir si les acheteurs seront encouragés à renoncer au mystique et à l’allure des pierres naturelles au profit de diamants de synthèse, plus gros et plus brillants, pour le même prix. Par ailleurs, si les diamants deviennent un produit de base, comment l’industrie diamantifère peut-elle rester compétitive ? Il est trop tôt pour donner une réponse définitive à ce jour, mais il faut indéniablement poser ces questions.

Imiter la nature

Dans leur forme la plus basique, les diamants sont des atomes de carbone organisés en groupes de huit dans ce que l’on appelle une structure cristalline cubique ou en maille. Les diamants peuvent également contenir des quantités infimes (généralement jusqu’à 0,05 %) d’autres éléments traces tels que de l’azote ou du bore. Ce sont ces éléments traces qui produisent les diamants colorés. Le bore, par exemple, crée des pierres aux nuances grises ou bleutées. L’azote crée des tons allant de nuances de jaune très clair (ce que l’on considère indésirable dans un diamant blanc) à jaune canari brillant (très prisé dans une pierre colorée).

Les diamants se forment à une profondeur de 150 à 170 kilomètres sous la surface de la Terre et sont transportés vers la surface par des éruptions volcaniques de magma. Seule une fraction de ces diamants arriveront jusqu’à la surface et seront extraits.

La technologie offre cependant une source plus fiable.

Des recherches sur le processus technologique permettant de synthétiser les diamants ont été menées en Suède et en Union soviétique dès les années 1940. Toutefois, ce n’est qu’en 1954 que le premier diamant de synthèse est fabriqué par un centre de General Electric à Schenectady, dans l’État de New York. L’équipe de recherche du Project Superpressure de la société avait construit une presse pouvant générer et maintenir des pressions de 100 000 atmosphères à des températures supérieures à 2 000 degrés Celsius sur de longues périodes. Les germes cristallins du diamant placés dans du sulfure de fer et soumis à un traitement à haute pression et haute température (HPHT) se sont transformés en petits diamants de teinte marron.


Avec la synthèse par HPHT, une presse applique de très hautes pressions et températures dans une cuve de croissance qui contient les ingrédients nécessaires. Ceci entraîne la formation de cristaux de diamants synthétiques, qui présentent des faces à la fois cubiques et octaédriques. Avec l’aimable autorisation de Gemological Institute of America Inc.

Il est important de noter que, malgré les honneurs accordés à GE en tant que « pionnier » dans ce domaine, une autre société américaine, Union Carbide, avait produit deux ans auparavant deux petits diamants à l’aide d’une méthode différente. Le dépôt chimique en phase vapeur (DCPV) implique une température et une pression bien inférieures. Ces conditions avaient empli de doutes les plus sceptiques, qui avaient peine à croire la véracité des allégations d’Union Carbide, et la société avait finalement abandonné le projet.

Le HPHT et le DCPV restent les deux techniques utilisées pour produire des diamants fabriqués en usine, même si la capacité de production des installations modernes est considérablement supérieure à la taille et aux types de diamants créés dans les années 1950.

Compter les carats et nuancer les couleurs

Aujourd’hui, la production de diamants s’est éloignée des laboratoires de recherche et se fait désormais en usines à grande échelle. Le groupe ALTR basé à New York, par exemple, dirige une installation de près de 7 500 mètres carrés (m²) en Inde qui produit, taille (à l’aide de robots), polit et sertit des diamants de laboratoire sur des bijoux. Le président de la société, Amish Shah, indiquait qu’ALTR produit 300 000 carats par an (dont 90 % des pierres font plus de 0,7 carat), et la production devrait doubler en 2022 et 2023. ALTR utilise principalement des réacteurs à DCPV pour cultiver les diamants.

L’usine d’ALTR abrite des réacteurs internes, des cuves rondes hermétiques à vide. De petits germes de diamants très polis (mesurant entre 8 et 20 millimètres) sont placés dans la cuve et exposés à un mélange de gaz, notamment du méthane contenant du carbone.

« Lorsqu’on commence à mesurer la température dans cette cuve, le gaz se divise et le carbone se trouve dans un état d’excitation. À une certaine température, le carbone commence à se lier comme une maille au germe de diamant au fond de la cuve, et le diamant commence à pousser couche par couche », indiquait M. Shah.

Le résultat est un diamant couvert d’une couche de polycarbonate foncé, laquelle est retirée à l’aide d’un laser à jet d’eau pour révéler la gemme blanche. Si une pierre blanche a une teinte trop marquée de jaune, ALTR peut donner à la pierre une nuance plus « mature » à l’aide d’un traitement HPHT afin d’améliorer de manière permanente la couleur. La société produit aussi des diamants colorés, notamment dans les tons bleutés, jaunes et roses. Le HPHT entre également en jeu à ce moment-là.

Avec la synthèse par DCPV, les hyperfréquences divisent les molécules d’hydrocarbure envoyées dans le réacteur. Ces fragments migrent au fond de la cuve vers le germe de diamant plus froid et se fixent sur la surface croissante du diamant. Avec l’aimable autorisation de Gemological Institute of America Inc.

Si les diamants créés par DCPV sont bien des diamants, ils ne se développent pas de la même façon que les pierres naturelles, expliquait James Shigley, chercheur universitaire distingué au Gemological Institute of America (GIA, l’institut américain de gemmologie) situé à Carlsbad, en Californie. Selon lui, le HPHT produit des diamants dont la structure est plus naturelle, c’est-à-dire avec des faces à la fois octaédriques et cubiques. Les diamants fabriqués par DCPV poussent en couches plates, résultant en une plaque aplatie et rectangulaire.

« Quand on taille une pierre, la surface supérieure de la plaque est généralement la table du diamant, donc la distance entre la table et la colette dans le diamant fabriqué par DCPV est limitée, tout simplement de par la manière dont il a été cultivé », indiquait M. Shigley.

Ceci signifie essentiellement que la pierre brute issue du DCPV devra être plus grosse qu’une pierre issue du traitement HPHT pour tailler un diamant brillant et rond de la même taille.


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La production en chiffres

Malgré la production et la croissance communiquée par ALTR, le rendement de l’industrie des diamants de laboratoire est relativement modeste par rapport à celui de l’industrie d’extraction des diamants. The Global Diamond Industry 2020-2021, le rapport faisant autorité dans l’industrie publié par Bain & Company, indique que 111 millions de carats ont été extraits en 2020, parmi lesquels 41 % de la production est destinée au marché des diamants industriels. Quant au reste, 7 % sont de grosses pierres (2 carats ou plus), 18 % des pierres de taille moyenne (de 0,4 à 2 carats) et 34 % des petites pierres (moins de 0,4 carat).

Au total, ces 111 millions de carats ont une valeur de production estimée entre 9 et 9,5 milliards de dollars américains. Les pierres de deux carats ou plus grosses représentent entre 40 et 45 % de cette valeur totale. Les pierres de taille moyenne représentent entre 30 et 35 % de la valeur, les petites pierres entre 20 et 25 % de la valeur de la production, et le plus grand segment par carat métrique, les diamants industriels, ne représentent que 3 % de la valeur.

Par comparaison, le rapport expliquait que « la production de diamants de laboratoire a atteint six à sept millions de carats en 2020, dont 50 à 60 % étaient fabriqués en Chine à l’aide de la technologie de traitement haute pression et haute température. La part de la technologie de dépôt chimique en phase vapeur commence à augmenter, l’Inde et les États-Unis émergeant en tant que centres de production importants ».

À mesure qu’augmentait la disponibilité des diamants de laboratoire, leurs prix baissaient et l’écart entre les prix des diamants naturels et des diamants de laboratoire grandissait. Comme l’indiquait Bain & Company dans son rapport, au quatrième trimestre 2017 (T4 2017), le prix de vente d’un diamant de laboratoire d’un carat très légèrement inclus (VS, de l’anglais very small inclusion) de couleur grise était d’environ 65 % celui d’une pierre de qualité identique issue de l’extraction. Durant le T4 2020, ce prix était de 35 %.

Marché de détail

Lightbox est la marque de De Beers pour ses propres bijoux en diamants produits par DCPV. La société vend des produits en fonction d’un prix du diamant fixé à 800 dollars américains par carat. Ainsi, une paire de boucles d’oreilles à trois pivots de type dormeuse en or de 14 carats, avec un poids de diamant total d’un carat, vaudra 1 250 dollars américains. Blue Nile, un détaillant américain en ligne renommé qui vend des bijoux finis ainsi que des pierres en vrac issues de l’extraction ou de laboratoire, propose une paire de boucles d’oreilles à trois pivots en diamant et en or de 14 carats, avec un diamant d’un poids total d’un carat issu de l’extraction, pour 2 300 dollars américains. Les diamants de Blue Nile sont de catégorie I en couleur et I1 en pureté. Les diamants des boucles d’oreilles proposées par Lightbox ont une très belle taille, sont pratiquement incolores et ont une pureté de catégorie VS, une pierre de bien meilleure qualité.

« La grande différence entre les diamants de laboratoire et les diamants naturels réside dans leur proposition de valeur », expliquait David Johnson, directeur des communications en entreprise pour le groupe De Beers, détenu à 85 % par Anglo American. « Nos recherches montrent que les consommateurs perçoivent les diamants de laboratoire comme totalement adaptés à la bijouterie fantaisie à un tarif accessible et pour des occasions moins importantes sur le plan émotionnel que celles pour lesquelles on choisirait un diamant naturel… [On] constate que de plus en plus de sociétés proposant des diamants de laboratoire présentent le produit comme un bijou fantaisie, avec des prix moyens en baisse. Cette tendance devrait se poursuivre et suivre une trajectoire identique à celle des autres gemmes de laboratoire tel que les rubis, les émeraudes et les saphirs, qui sont aujourd’hui vendus pour 10 % de la valeur de leurs homologues naturels, presque exclusivement comme bijoux fantaisie. »

Au Canada, un nombre croissant de commerces de détail d’articles de bijouterie proposent des bijoux créés avec des diamants de synthèse. Ceci ne s’applique pas seulement à des articles fantaisie comme les pendants et les bracelets, mais aussi aux parures de mariage, le pilier de l’industrie. Même la vénérable Maison Birks prévoit d’ajouter des bijoux créés avec des diamants de laboratoire dans ses vitrines, et elle a conclu un marché avec ALTR.

Le coût du luxe

Toutefois, les experts se demandent si les pierres de laboratoire parviendront à percer dans le domaine des parures nuptiales et des cadeaux pour des occasions tels que des anniversaires et des célébrations importantes. Les personnes faisant des achats personnels pourraient être plus faciles à convaincre si elles souhaitent acquérir un bijou de grande valeur pour le meilleur rapport qualité/prix. Même la génération Y, souvent présentée comme un groupe peu susceptible d’acquérir des diamants, préférait une bague de fiançailles ornée d’un diamant naturel, déclarait Paul Zimnisky, analyste de l’industrie du diamant basé à New York.

En 2020, 111 millions de carats de diamants ont été extraits par des sociétés minières, dont près de 66 millions de carats étaient destinés à la bijouterie. Par comparaison, entre six et sept millions de carats ont été fabriqués en laboratoire pour le secteur de la bijouterie cette même année. Avec l’aimable autorisation de De Beers Group

« Il est intéressant de constater que si les jeunes femmes de cette génération ne veulent pas admettre qu’elles préfèrent un diamant naturel, c’est indéniablement ce dont elles rêvent en fin de compte. J’ai étudié la psychologie des produits de luxe et des bagues de fiançailles offertes en cadeau, et la signalétique humaine est bien présente. Des études psychologiques ont été menées sur le sujet. Offrir une bague de fiançailles en diamant naturel implique un certain niveau de prix qui la rend importante dans le sens où elle constitue un sacrifice. »

Il ajoutait qu’actuellement, le prix moyen d’une bague de fiançailles achetée aux États-Unis se trouvait dans la gamme des 4 000 à 6 000 dollars américains.

Arguments écologiques et développement durable

Au-delà du prix, l’une des raisons pour lesquelles les consommateurs, et particulièrement les plus jeunes, indiquent envisager les diamants de laboratoire, est que ces derniers n’ont pas à supporter la stigmatisation inhérente aux « diamants de la guerre » et aux répercussions sur l’environnement dont l’industrie du diamant naturel essaie de se détacher. Pourtant, ce secteur a aussi un impact.

La production en masse de diamants provenant d’usines alimentées par des centrales à charbon a une empreinte environnementale considérable. ALTR étudie les possibilités d’utiliser l’électricité solaire ou éolienne dans l’espoir, un jour, d’atteindre la neutralité carbone. Lightbox a installé son usine à Portland, dans l’État de l’Oregon, car cette région bénéficie d’un approvisionnement intéressant en énergie hydroélectrique. La société The Diamond Foundry proclame qu’elle est certifiée producteur sans émissions de dioxyde de carbone, et qu’elle utilise de l’énergie hydroélectrique. Ainsi, tout comme les émissions de dioxyde de carbone propres à chaque mine sont différentes, l’empreinte carbone et les critères de durabilité ne sont pas identiques pour tous les diamants de laboratoire.

En outre, l’industrie des diamants de laboratoire n’est pas réglementée, alors qu’en fonction de chaque juridiction nationale, l’exploitation diamantifère a tendance à être soumise à un contrôle réglementaire. L’industrie d’extraction des diamants naturels a également l’expérience des programmes et procédures de certification tels que le processus de Kimberley aux fins du commerce international des diamants bruts ou l’Initiative for Responsible Mining Assurance (IRMA, l’initiative pour l’assurance d’une extraction minière responsable).

La FTC fait partie des organismes qui prêtent attention aux revendications des producteurs de diamants. Dans ses Green Guides (les guides écologiques), elle définit les arguments qui peuvent être utilisés ou pas. Spécifiquement, elle recommande aux « annonceurs d’avoir une base raisonnable pour toute revendication concernant les bienfaits pour l’environnement de leurs produits ». Elle établit également que les annonceurs doivent qualifier de manière adéquate leurs revendications afin d’éviter les supercheries.

Les futures tendances d’exploration : diamants colorés et superprofonds

Si la production de diamants de laboratoire ne cesse d’augmenter, la tendance opposée se produit dans le monde de l’extraction de diamants naturels. Depuis les années d’abondance en 2017 et 2018, la production mondiale de diamants naturels a chuté à un taux d’environ 5 % par an, comme l’indique le rapport de Bain. En 2020, ce déclin était de 20 % (ou 28 millions de carats), bien que la majeure partie du déclin soit attribuable aux fermetures liées à la COVID-19. La Russie, le Canada, le Botswana ou l’Australie ont connu les plus forts déclins. Au Canada, les mines Ekati et Renard ont été temporairement fermées en raison de la pandémie.

Avec la fermeture de la mine australienne Argyle en novembre 2020 et de mines au Canada atteignant leur fin de vie, l’avenir de l’industrie semble incertain.

« Une grande part de la production va sortir de la chaîne d’approvisionnement en raison de la fermeture de la mine d’Argyle. Prenons par exemple Diavik, l’une des grandes mines des Territoires du Nord-Ouest. Il ne reste probablement plus que quatre ou cinq années de production. Le remplacement de ses actifs s’annonce très difficile », déclarait M. Zimnisky.

En outre, la mine Victor de De Beers, en Ontario, est entrée en mars dans ce que la société appelle « la prochaine phase de fermeture après la désignation de Golder en tant qu’entrepreneur principal qui se chargera de la démolition restante et de l’assainissement du site ». À la fin de l’année 2020, De Beers avait démoli 65 % de l’infrastructure et réhabilité 40 % du site.

« Selon moi, l’industrie a rencontré des problèmes au cours des dix dernières années en raison d’un marché saturé. Les prix élevés rendaient le développement attirant, mais au moment où arrivait ce nouvel approvisionnement, le marché saturait », expliquait M. Zimnisky. « La nature de ce domaine fait que le délai d’approvisionnement est relativement long. Après la découverte, il faut parfois envisager entre 15 et 20 ans pour qu’une mine entre en phase de production. On ne peut pas vraiment décider de la mettre en service puis de suspendre les opérations en fonction des cours. »

Ces délais d’approvisionnement, auxquels viennent s’ajouter les dépenses liées à l’exploration, font partie des raisons pour lesquelles les petites sociétés d’exploration ont diminué leurs activités d’exploration des diamants, indiquait John Kaiser, rédacteur de Kaiser Research Online, une plateforme d’informations pour les sociétés canadiennes et australiennes cotées en bourse menant des activités d’exploration et d’exploitation minière et abritant le KRO Diamond Resource Center (le centre de ressources en diamants KRO).

« Il n’y a eu aucune découverte importante et rémunératrice ces dix dernières années. En outre, les critères auxquels sont habitués les investisseurs, à savoir un nombre élevé de microdiamants à haute teneur, ont été annihilés lors du rachat de Peregrine Diamonds par De Beers pour 115 millions de dollars au comptant, après que 100 millions de dollars ont déjà été injectés dans le projet Chidliak, une découverte importante classique menant jusqu’à une évaluation économique préliminaire qui suggérait une valeur de 450 millions de dollars. » D’après M. Kaiser, Chidliak a rencontré un certain nombre de problèmes, à commencer par ce qu’il qualifie d’évaluation préliminaire « bâclée », de résultats d’échantillonnage massif en vrac de faible teneur « qui ont contribué à l’effondrement du marché », d’un partenaire de financement qui s’est retiré du projet diamantifère, d’un ralentissement économique dans le marché des diamants et d’une perte de confiance chez les investisseurs.

Outre Chidliak, M. Kaiser indiquait d’autres situations dans des mines canadiennes qui ont rendu les investisseurs hésitants, notamment des problèmes d’abattage à la mine Renard menant ultérieurement à la banqueroute de Stornoway Diamond, et des faibles teneurs dans les concessions minières de Fort à la Corne de Star Diamond Corp.

M. Kaiser expliquait que, contrairement aux filons aurifères par exemple, dont la teneur et les estimations de ressources sont faciles à déterminer, les diamants sont bien plus complexes et requièrent multiples étapes. Il faut notamment trouver la kimberlite, forer et recueillir les échantillons pour effectuer les essais à la recherche de microdiamants, réitérer le forage pour définir la géologie interne de la kimberlite, « parce que les kimberlites ne se résument pas à une simple grande éruption », obtenir une prévision de la macroteneur et procéder à l’échantillonnage massif.

Le coût de cette approche, indiquait-il, est de l’ordre de 20 à 30 millions de dollars, ce qui représente un investissement considérable pour une petite société minière, notamment si elle n’est pas en partenariat avec une plus grande société.

Avec des coûts aussi élevés, l’industrie évite les gisements de petits diamants à faible teneur qui se trouvent dans la lithosphère terrestre. La préférence est plutôt accordée aux diamants CLIPPIR (de l’anglais Cullinan-like, large, inclusion poor, pure, irregular, resorbed) ou de type IIa, que l’on trouve à des profondeurs allant de 400 à 700 kilomètres sous la croûte terrestre. Les diamants superprofonds, tels qu’on les appelle également, ont tendance à être plus gros et plus colorés, souvent dans les teintes bleutées. Ils ont également une grande valeur monétaire. De fait, un seul diamant se vend pour des millions ou des dizaines de millions de dollars. Le problème est de les trouver, expliquait Karen Smit, chercheur universitaire de l’université de l’Alberta, et basée en Afrique du Sud.

« L’objectif de notre industrie dans son ensemble est d’essayer de perfectionner nos modèles d’exploration de manière à ce que l’on soit mieux préparé pour trouver des diamants superprofonds. Le problème est que l’on ne sait pas comment cibler spécifiquement ce type de gisements. »

La mine Karowe de Lucara au Botswana fait partie de celles qui produisent des diamants superprofonds, y compris deux diamants de plus de 1 000 carats et 19 de plus de 300 carats. En comparaison, expliquait Mme Smit, « la HPHT permet de développer des diamants bruts de 100 carats… Toutefois, les diamants créés par HPHT deviennent plus gros, tout comme ceux créés par DCPV. Au cours de la dernière décennie, on a observé une croissance presque exponentielle dans la taille des diamants fabriqués par DCPV ».

Si les producteurs de diamants de laboratoire ne peuvent pas encore faire concurrence à égalité avec les producteurs de diamants superprofonds gigantesques, ils règnent cependant en maîtres dans un domaine particulier, celui des mêlées et des pierres de petite taille. Utilisées comme ornements, les mêlées font moins de 0,2 carat et peuvent atteindre 0,001 carat.

« La vaste majorité de la production de diamants de synthèse concerne de minuscules pierres qui servent souvent de pierres de taille d’un centième de carat. En d’autres termes, des pierres que l’on considère comme subsidiaires », indiquait M. Shigley.

Trouver sa place

Si la FTC affirme que les diamants de laboratoire sont bien réels, les consommateurs semblent avoir une perception légèrement différente aujourd’hui. En mars, De Beers publiait les résultats d’une étude dans laquelle était demandé à quelque 5 000 Américains ce qu’ils pensaient des diamants de synthèse. Le résultat a montré que, bien que « 47 % des consommateurs ne considèrent pas les diamants de laboratoire comme de vrais diamants, ils étaient prêts à en acheter car ils constituent une option plaisante et à la mode, moins onéreuse que les diamants naturels, et considérée comme une bonne alternative pour un achat personnel au lieu d’un vêtement ou d’articles en cuir ». Les personnes interrogées ont cependant fait mention d’un plafond qu’ils étaient prêts à payer pour un article plaisant et à la mode. Sept personnes sur dix ont indiqué ne pas souhaiter dépenser plus de 1 000 dollars pour un bijou orné de diamants de laboratoire.

Pour les personnes travaillant dans l’industrie de l’extraction de diamants comme Mme Smit, dont l’étude des diamants constitue l’œuvre de toute une vie, il est évident que les pierres fabriquées en laboratoire ont bien leur place, comme le suggère le sondage.

« En tant que géologue, je préfère les diamants naturels car ils nous apprennent des choses sur la Terre. Ce sont des échantillons intéressants et naturels que l’on peut utiliser pour étudier la planète. C’est pour cette raison que j’aimerais beaucoup avoir un bijou orné d’un diamant naturel car pour moi, cela représente quelque chose. »

En revanche, elle reconnaissait que d’autres personnes peuvent apprécier les pierres de synthèse pour leurs qualités en tant qu’exemples d’innovation technologique et d’initiatives scientifiques. Elle faisait également remarquer que même si tout un chacun a un budget, et particulièrement les jeunes, l’attirance pour les produits de luxe ne change pas. « Tout le monde souhaite porter de beaux bijoux, et les diamants de synthèse constituent de bonnes options. Ne les méprisons pas car ils ont leur place aujourd’hui et ne sont pas prêts de disparaître. Il faut simplement les accepter et les adapter. Il faut leur trouver une place. »

De la même façon, M. Shah est d’avis qu’à partir du moment où les consommateurs peuvent choisir entre les diamants naturels et de laboratoire, les profits sont indéniables pour le secteur de la joaillerie.

« Notre concurrence, ce sont les voyages, les produits de luxe comme les sacs, les chaussures, les robes, ou encore l’électronique. Nous devons travailler main dans la main pour que [notre client potentiel] ne finisse pas par offrir à son être cher une tablette pour son anniversaire », déclarait M. Shah. « Concentrons-nous sur le contexte plus global d’un secteur de la joaillerie plus vaste et plus prospère. La pire chose que nous pouvons faire est de nous battre au sein même de l’industrie et de perturber le consommateur, car on sait bien ce qu’il advient des consommateurs perturbés : ils vont acheter autre chose. »Traduit par Karen Rolland