Un employé se sert d’une tablette connectée au réseau LTE dans la mine Coleman de Vale. Avec l’aimable autorisation de Vale Canada

Des communications souterraines fiables, une réduction du temps passé à localiser les travailleurs en cas d’urgence, le contrôle à distance depuis la surface de l’équipement automatisé fonctionnant sous terre. Voici les objectifs, entre autres, que se fixent les exploitations minières subissant une transformation numérique dans l’espoir de réduire leurs coûts et de renforcer la sécurité et la productivité. Mais comment les réaliseront-elles ?

Les sociétés minières envisagent les options possibles pour que les réseaux de génération plus récente puissent appuyer la transition d’une mine souterraine vers le numérique. Deux technologies sont apparues, le Wifi et la technologie d’évolution à long terme (LTE, de l’anglais Long Term Evolution) privée. Une exploitation minière déterminera si le Wifi est la meilleure solution pour sa nouvelle plateforme de communications sur la base de considérations pratiques relatives à la topographie souterraine, l’ancienneté de la mine et la relative jeunesse de l’infrastructure de réseau existante. Une autre exploitation peut décider d’utiliser la technologie LTE privée dans plusieurs mines souterraines dans le cadre de l’initiative de transformation numérique générale adoptée par la société.

S’appuyer sur un réseau fédérateur

L’exploitation Kidd de Glencore à Timmins a opté pour le Wifi en juin 2018, lorsque la société a commencé à distribuer des dispositifs équipés du Wifi à tous les employés de la mine afin d’améliorer les communications sous terre. Au total, la mine Kidd a distribué plus de 400 téléphones portables aux employés, et plus de 30 ordinateurs portables aux superviseurs. Avant ces changements, la communication à la mine Kidd reposait sur un système de communication radio par câbles rayonnants, encore utilisé dans la descenderie. Par ailleurs, les abris de la mine utilisent encore des lignes téléphoniques fixes.

« Le câble rayonnant est difficile à entretenir », expliquait Ryan Roberts, directeur des activités minières à la mine Kidd. « Dans notre mine, on n’en trouve pas dans les galeries d’avancement. Auparavant, si l’on souhaitait communiquer avec quelqu’un, il fallait sortir de la galerie pour communiquer. »

Le but de la nouvelle plateforme de communications de la mine Kidd était de parvenir à une couverture Wifi au front de taille, indiquait M. Roberts.

« De nombreuses mines essaient d’obtenir une couverture Wifi de 100 % partout dans la mine. Sous terre, nous avons 100 kilomètres de galeries d’accès, aussi nous devons nous concentrer sur des zones où l’on travaille activement. »

Cette mine de 53 ans utilise un puits de mine et une descenderie interne pour accéder au chantier minier, actuellement situé à environ trois kilomètres sous terre. On utilise le Wifi jusqu’au niveau le plus bas de la mine, expliquait M. Roberts. Grâce aux dispositifs équipés du Wifi, les employés et les superviseurs de la mine peuvent échanger des messages écrits, prendre des photos et accéder à des documents dans le système de messagerie, une fonctionnalité que n’offrait pas le précédent système de communication radio par câbles rayonnants.

La mine Kidd dispose d’un réseau de fibre optique relativement récent, installé initialement lors de l’agrandissement de la mine D en 2006 et développé en 2015-2016 dans le cadre de l’installation du système d’aérage à la demande (VOD, de l’anglais ventilation-on-demand). Le système VOD offrait quatre ou cinq points d’accès permanents au Wifi à chacun des 32 niveaux en activité de la mine, mais pas dans les galeries d’avancement actives. Chaque niveau est équipé d’un décodeur fibre/alimentation électrique par câble Ethernet (POE, de l’anglais Power-over-Ethernet) et le Wifi arrive dans les galeries à l’aide d’un câble PoE. La mine Kidd utilise environ 60 points d’accès portables que l’on peut amener dans les galeries d’avancement actives, expliquait M. Roberts.

Iain McKillip, directeur des services techniques de la mine Kidd, vantait la flexibilité et la simplicité d’utilisation du système Wifi. « N’importe quel(le) employé(e) ou mineur(e), indépendamment de sa formation, peut amener seul le point d’accès portable et le raccorder au système afin de connecter sa zone de travail », déclarait M. McKillip.

Il ajoutait que l’un des avantages du Wifi réside dans le nombre de solutions toutes prêtes pouvant être utilisées, par exemple des caméras Wifi pour surveiller les capteurs ou les lieux. En outre, la mine Kidd utilisait déjà un système Wifi de suivi du personnel, un élément supplémentaire en faveur du Wifi pour la plateforme de communications, indiquait M. McKillip.

« La raison pour laquelle nous avons opté pour cette voie et non pas pour la technologie LTE est que nous avions déjà un réseau fédérateur existant », ajoutait M. Roberts. « Si la mine était plus récente, nous aurions sans doute envisagé une solution intermédiaire entre les différents systèmes, mais le développement du système dont nous disposions a été très simple. »

Au cas par cas

Pour déterminer la technologie sans fil la plus adaptée à chaque cas, il faut bien comprendre les besoins du client du secteur minier, déclarait Jeremy Bernstein, conseiller en solutions techniques pour le prestataire de solutions 3D-P de Calgary. La société 3D-P offre des solutions « indépendantes des fournisseurs » et propose multiples options sans fil aux clients de l’industrie minière, dont le Wifi, la LTE et la technologie radio maillée (réseaux mesh).

En comparant les technologies, M. Bernstein faisait remarquer que le Wifi est une technologie à visibilité directe offrant des signaux à portée limitée. « Dans certains cas, il n’est simplement pas logique d’avoir un réseau [Wifi] classique répondant aux normes 802.11 », indiquait M. Bernstein. « Dans l’ensemble, il est important de voir vos points d’accès. »

Par comparaison, la technologie LTE offre une couverture à longue portée grâce à sa plus grande sensibilité de réception, indiquait M. Bernstein. Si la technologie LTE est intéressante pour télécharger des données vers des dispositifs, elle ne se prête cependant pas particulièrement à l’envoi de grandes quantités de données en amont, ajoutait M. Bernstein. Il s’avère que les applications minières ont tendance à être axées sur les téléchargements en amont.

D’après M. Bernstein, les mines doivent commencer à envisager le recours à des variantes hybrides de ces réseaux sans fil. « L’autonomie reposera sur la technologie LTE et le reste de la mine fonctionnera avec le Wifi standard, ou inversement. »

Vale Canada a décidé d’utiliser la technologie LTE privée dans plusieurs de ses mines souterraines au Canada, dont cinq mines à Sudbury (Coleman, Creighton, Copper Cliff, Garson et Totten) ainsi qu’à la mine Thompson dans le Manitoba et pour l’agrandissement souterrain de sa mine de la baie Voisey au Labrador.

Le déploiement du réseau LTE privé s’inscrit dans la stratégie de transformation numérique de Vale visant à offrir aux travailleurs un niveau élevé de sécurité et à assurer une hausse de la productivité, déclarait Brad Atkins, directeur du programme de transformation numérique pour les exploitations de l’Atlantique Nord de Vale.


À DÉCOUVRIR: Les fabricants de véhicules électriques à batterie dressent une liste détaillée des considérations en matière de sécurité pour l’équipement souterrain de prochaine génération


« Dans une perspective de changement et d’innovation dans notre manière de travailler à Vale, nous souhaitons accélérer la commercialisation et l’utilisation des technologies innovantes », indiquait M. Atkins.

La plus grande valeur de la LTE réside dans l’aspect productivité relatif à l’automatisation de l’équipement souterrain, qui a généralement lieu au point le plus éloigné de la mine, expliquait M. Atkins. « Obtenir une couverture au front de taille est réellement problématique avec le Wifi. Du point de vue financier également, et on peut en débattre pendant des heures, la LTE affichera globalement un coût de propriété moins élevé que la Wifi pour la couverture qu’elle offre », ajoutait-il.

Comme il l’expliquait, la LTE est une meilleure solution que le Wifi au front de taille, où a souvent lieu l’abattage à l’explosif. « Le choc de l’explosion détruirait l’infrastructure Wifi, alors que la LTE n’est pas affectée car elle est suffisamment éloignée et a une couverture satisfaisante. »

À ce jour, Vale a acheté 78 kilomètres de câble rayonnant, qu’elle utilisera comme antenne pour les réseaux LTE dans quatre de ses mines de Sudbury, expliquait Richard Deisinger, directeur de projet du réseau fédérateur LTE chez Vale. Quelque 20 kilomètres de câbles ont été installés, et trois des mines (Garson, Creighton et Coleman) de Vale sont dotées de réseaux LTE en service ; la mine Copper Cliff Nord n’est pas encore équipée de cette technologie.

Vale a mené un essai de validation de principe à sa mine Garson durant l’été 2018, et le réseau LTE de près de deux kilomètres de long dans la descenderie a été mis en service en janvier 2019. « La descenderie à la mine Garson n’est pas très profonde. Nous sommes descendus d’environ 30 [mètres] à 200 mètres. Notre installation la plus profonde [actuellement] se trouve à la mine Creighton, à 2 460 [mètres] sous terre », indiquait M. Deisinger. « C’est à Coleman que nous aurons sans doute l’installation la plus longue, sur près de 10 kilomètres, ce qui nous permettra d’activer le réseau sans fil dans une descenderie. »

Chris MacDonell, analyste réseau principal préposé à la transformation numérique chez Vale, expliquait que la LTE a amélioré le contrôle de l’équipement automatisé dans les mines souterraines. « Étant donné que l’équipement produit des vidéos en temps réel et contrôle la circulation, il doit sans cesse être connecté au réseau. Nous avons rencontré des difficultés sur les longues distances ; en effet, on assistait à des pertes intermittentes de connectivité lorsque l’équipement se déplaçait d’un point d’accès à l’autre. La LTE apaisait ce problème ; une cellule permettait de couvrir jusqu’à un kilomètre, et on pouvait assurer la couverture d’un niveau entier avec une seule cellule. »

Concernant l’avenir, M. MacDonell expliquait que Vale s’intéresse à la technologie 5G, bien que la société minière n’ait pas encore trouvé de cas d’usage préconisant le recours à cette technologie à ce jour. « Le moment venu, l’ensemble de notre infrastructure pourra être équipé de la 5G ; à l’heure actuelle cependant, le réseau 4G et ce qu’il nous apporte couvre largement nos besoins. »

Prise de conscience

Ambra Solutions, intégrateur de systèmes et fabricant d’équipement d’origine (FEO) basé à Trois-Rivières, est le prestataire de solutions préposé à la mise en place du réseau LTE pour Vale Canada. D’après Eric L’Heureux, directeur général et fondateur d’Ambra, la LTE est plus rentable que la technologie Wifi en termes de dépenses d’investissement et d’exploitation.

« Une seule radio LTE couvre jusqu’à six kilomètres de tunnel ; avec la Wifi, il faudra compter entre 60 et 80 points d’accès Wifi pour couvrir la même zone », expliquait M. L’Heureux.

Ambra Solutions a mis en œuvre un réseau LTE sous terre pour Agnico Eagle. Avec l’aimable autorisation d’Agnico Eagle

En outre, l’équipement installé sous terre est facile à mettre en œuvre et à gérer car il ne requiert pas d’attribution d’adresse de protocole Internet (adresse IP) ou de configuration complexe. « Les électriciens sont formés pour procéder à la mise en œuvre ; pour eux, l’utilisation du câble LTE est identique à celle d’un câble électrique, aussi leur formation est simple », ajoutait-il.

D’après Redline Communications, un autre FEO spécialisé dans le commerce de réseaux LTE basé à Markham, en Ontario, les sociétés minières spécialisées dans l’exploitation souterraine commencent tout juste à s’intéresser à la LTE pour les besoins en réseau de la prochaine génération.

« C’est ce que j’appelle une prise de conscience », expliquait Reno Moccia, vice-président exécutif des ventes et du marketing chez Redline.

« Pour ce qui est de la large bande dans l’industrie minière et du fait qu’elle devient essentielle, le secteur ne s’y intéresse que depuis un an et demi ou deux ans. Et ce n’est que ces six derniers mois que nous avons assisté à ce tournant, que les sociétés minières reconnaissent que la LTE répond aux besoins de leurs applications commerciales bien mieux que certaines autres technologies. »


Mots-clés en termes de communications

5G : technologie de réseau cellulaire de cinquième génération, considérée comme l’évolution de la LTE. Elle offre une connectivité plus rapide et plus régulière avec un temps d’attente réduit par rapport à la LTE ; la norme en vigueur est développée par le 3rd Generation Partnership Project (3GPP, le projet de partenariat de troisième génération)

Point d’accès : équipement d'interconnexion de réseau informatique qui permet aux dispositifs Wifi de se connecter sans fil à un réseau fédérateur câblé

Décodeur fibre/alimentation électrique par câble Ethernet (PoE) : équipement d'interconnexion de réseau informatique qui raccorde un réseau fédérateur à fibres à une alimentation électrique par câble Ethernet ; la technologie PoE permet au câble de fournir une chaîne de connexion et de l’énergie électrique à des points d’accès sans fil

Câble rayonnant : câble coaxial dans lequel on a fait des trous à intervalles réguliers pour propager les ondes radio sur toute la longueur du câble ; il sert d’antenne pour les communications radio portables analogiques

LTE : la technologie d’évolution à long terme, ou technologie LTE, est une norme de télécommunications sans fil en 4G pour la transmission de données sur les réseaux cellulaires ; la norme est développée par le 3GPP

Wifi : technologie de mise en réseau sans fil répondant à l’ensemble des normes 802.11 ; on l’utilise généralement pour la connectivité sans fil à faible portée dans des réseaux locaux (réseaux LAN)