Le succès important qu’ont rencontré les véhicules utilitaires électriques à batterie de MacLean Engineering tels que ce camion à flèche s’est avéré fondamental dans l’évolution de leur conception. Avec l’aimable autorisation de MacLean Engineering

À l’heure actuelle, un parc pratiquement complet d’équipement électrique mobile, depuis les boulonneuses et véhicules utilitaires jusqu’aux jumbos, se déplace discrètement dans les galeries souterraines de la mine Borden Lake de Newmont Goldcorp, en Ontario.

Il s’agit d’une véritable révolution pour les fournisseurs de véhicules électriques à batterie (VEB), dont les modèles sont utilisés dans des mines du Canada après des années de recherche et de développement. C’est une victoire pour les exploitants qui dépensent des sommes astronomiques chaque année pour envoyer de l’air par force dans la mine afin d’éliminer les particules diesel cancérigènes, et également pour les mineurs de fond qui travailleront désormais dans des environnements plus calmes et plus sains.

Si les VEB sont une révélation dans l’environnement de travail souterrain, ils ne sont toutefois pas exempts de risques et s’accompagnent de leur propre lot de considérations en termes de sécurité.

Le principal mode de défaillance dans les VEB est le glissement thermique dans les systèmes de batterie, lorsque la température d’une des cellules augmente à tel point que l’électrolyte liquide prend feu, entraînant une réaction en chaîne dans les cellules adjacentes qui, dans le cas de figure le plus sombre, déclenche un incendie. Dans le secteur minier, le glissement thermique peut se produire si une batterie est mal montée, si elle se remplit de liquide de refroidissement, si elle subit une perforation ou un fort impact, ou encore si un court-circuit se développe à l’intérieur de la cellule. Le court-circuit interne est le sort réservé à la plupart des batteries anciennes en raison de formations microscopiques de lithium semblables à des pics, les dendrites, qui s’accumulent dans une cellule pendant sa durée de vie. Une fois qu’elles sont suffisamment longues, les pointes peuvent provoquer un court-circuit dans la batterie. Si la cellule est complètement chargée et l’accumulation de dendrites suffisamment importante lors du court-circuit, la réaction tant redoutée de glissement thermique se produira alors.

« Un court-circuit provoqué par une accumulation de dendrites est le mode de défaillance le plus redouté », expliquait Brian Huff, vice-président de la technologie à Artisan Vehicle Systems. « Pratiquement tout le reste peut être surveillé et évité. Le court-circuit se produit officieusement et est difficile à prévoir. » Les batteries doivent être remplacées relativement tôt ou chargées plus lentement afin de réduire les chances d’un court-circuit entraîné par une accumulation de dendrites, indiquait-il.

Les méthodes de prévention ont cependant leurs limites. « Essentiellement, la plupart des considérations en matière de sécurité et les évaluations des risques doivent envisager la probabilité qu’un [glissement thermique] se produise, et elles doivent être en mesure de le contenir », déclarait M. Huff. « L’objectif pour la conception des systèmes de batterie est de s’assurer que les conditions de glissement thermique restent à l’intérieur de la boîte. »

Les feux de batterie qui s’échappent de la boîte peuvent avoir des conséquences graves en raison de leur proximité à l’huile hydraulique, au fluide de transmission et aux tuyaux en caoutchouc, expliquait-il.

Composition chimique de la batterie

Artisan a opté pour une composition chimique de batterie au lithium-fer-phosphate (batterie LFP ou LiFePO4) qui ne brûle pas autant afin de contenir le risque de glissement thermique. Par rapport aux cellules au lithium-nickel-manganèse-oxyde de cobalt (NMC), les cellules LFP supportent aussi des températures plus élevées avant que ne se déclenche le glissement thermique.

L’équipement souterrain d’Artisan Vehicle Systems fonctionne avec des batteries lithium-fer-phosphate. Avec l’aimable autorisation d’Artisan Vehicle Systems

Indépendamment du choix de la composition chimique des batteries, indiquait M. Huff, il est important que toutes les batteries utilisées dans l’environnement souterrain restent utilisables. Les prudents préféreront une batterie entièrement scellée et boulonnée ; cependant, « si, une première fois, on retire 30 boulons pour n’en remettre que 29, la batterie ne sera plus scellée », expliquait-il. « On ne peut pas garantir la sécurité totale ni s’attendre à ce que le concept de sécurité ne repose que sur l’absence de fuites. Il faut bien comprendre que des défaillances risquent de se produire, et le dispositif doit tout de même rester sûr. »

Plus de la moitié des véhicules en service d’Artisan Vehicle Systems se trouvent au Canada. On trouve les véhicules de ce fabricant d’équipement d’origine (FEO), fondé en 2010 et récemment acquis par Sandvik, dans les exploitations de Vale et de Kirkland Lake Gold en Ontario.


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Avancez lentement et testez la résistance de vos machines

Miller Technology, un FEO basé à la baie North qui a commencé ses essais sur prototypes de véhicules miniers électriques en 2010, fait partie des nouveaux acteurs qui commercialisent leur série de VEB. Après des années de « tests d’endurance » sur son VEB phare, un véhicule utilitaire souterrain léger de soutien, ce dernier sera utilisé dans une mine en Ontario cet automne, aux côtés d’un autre produit VEB de Miller, un Land Cruiser Toyota rénové fonctionnant au diesel.

Cet automne, Miller Technology utilisera sous terre son véhicule utilitaire électrique à batterie, un produit phare de la société. Avec l’aimable autorisation de Miller Technology

Comme l’expliquait le développeur principal Paul Summers, la société a délibérément adopté une approche lente à la commercialisation de ses deux modèles. « Nous étions trop en retard pour être les premiers, et avons voulu nous assurer que nos solutions étaient impeccables », indiquait-il. « Dans le secteur minier, il suffit d’un seul gros échec pour qu’on redoute à jamais la technologie. »

Miller Technology, ajoutait-il, « a une série de pistes dont le degré de pente est semblable à celui d’une mine souterraine, de 17 à 12 %. Nous avons mis [le véhicule utilitaire VEB] à l’épreuve en désactivant le système de refroidissement, en le chargeant rapidement en plein soleil, en faisant tout notre possible pour l’exposer aux pires conditions qui pourraient affecter son fonctionnement. Nous n’avons pas eu beaucoup de succès. C’est pourquoi nous sommes convaincus qu’il fonctionnera parfaitement sous terre. »

En ce qui concerne le contrôle du glissement thermique, Miller Technology adopte une approche différente d’Artisan Vehicle Systems. La société a opté pour un système de batterie NMC de 50 kW décomposé en blocs‑batterie de 7,6 kW. D’après M. Summers, l’approche modulaire implique que le glissement thermique sera moins agressif et moins long. « Si un événement thermique se produit, on pourra au moins le contenir dans une zone plus restreinte, et éviter qu’il endommage le bloc‑batterie entier », déclarait-il.

Miller Technology collabore avec XALT, une société du Michigan spécialisée dans les batteries, qui met à l’essai des systèmes de batterie en suivant des spécifications propres aux industries militaire, du transport (par autocar, routier et ferroviaire) et de la marine.

« Lorsque j’ai découvert XALT, j’ai vraiment été impressionné par la quantité d’essais que menait la société », indiquait M. Summers. « Elle effectuait des essais en charge sur l’intégrité structurelle du boîtier, la vibration, l’amortissement, l’indice de protection… et particulièrement des essais exhaustifs sur le glissement thermique qui impliquaient de soumettre les modules à un feu de source externe, à une fuite forcée de liquide de refroidissement en interne, à une surcharge déséquilibrée de la pile, à des courts-circuits externes et même à un glissement thermique interne forcé afin de s’assurer que la condition ne se propage pas dans le véhicule ou dans des modules adjacents. »

L’industrie minière ne dispose pas de normes spécifiques de mise à l’essai pour les batteries, ce que M. Summers attribue à l’utilisation relativement récente des VEB dans l’industrie, ainsi qu’au manque de visibilité publique du secteur minier.

Le Global Mining Guidelines Group (GMG, le groupe sur les directives mondiales en matière d’exploitation minière) a publié deux lignes directrices à l’intention de l’industrie pour les véhicules électriques à batterie, la plus récente datant de 2018. Heather Ednie, directrice exécutive du GMG, indiquait qu’il est certes prévu de convertir la liste des normes de sécurité du guide en norme juridique, mais il est peu probable que cela se fasse dans l’immédiat.

« On se pose des questions quant au degré de préparation et au fait que l’on ne souhaite pas créer de norme avant d’avoir bien compris ce thème », écrivait Mme Ednie dans un courriel à l’équipe du CIM Magazine. « Nombre d’exemples montrent que ce processus a engendré de réels problèmes. »

À l’avant-garde

MacLean Engineering est l’un des plus grands fabricants de VEB dans le secteur ; cette société a construit et prévoit de mettre en service 30 véhicules sur 8 sites miniers d’ici la fin de l’année 2019. Sa clientèle, dont font partie Newmont Goldcorp, Vale et Glencore, utilise des VEB équipés de batteries NMC haute performance.

« En tant que FEO, nous avons été, aux côtés de quelques autres, des pionniers de cette forme d’équipement que l’on qualifiera de première génération », déclarait David Jacques, vice-président technique de MacLean Engineering.

MacLean a été l’une des premières sociétés à mettre à l’essai les VEB dans des environnements miniers souterrains plus qu’austères. « Nous avons adapté notre système de surveillance à bord du véhicule, comme nous l’a enseigné la pratique, de manière à avoir des systèmes de détection des défaillances plus complets, et avons actualisé les protocoles de sécurité sur nos véhicules à batterie afin qu’ils s’alignent davantage sur la réalité des environnements souterrains pour ces véhicules », indiquait M. Jacques. Pour ce faire, les systèmes de batterie devaient supporter l’humidité et les variations de température de - 25 à + 40 degrés Celsius.

Les systèmes de détection des incendies des VEB de MacLean détectent les feux en dehors du véhicule à l’aide du système automatique Checkfire. Si un câble de détection autour de la batterie fond en raison d’un feu se produisant à l’extérieur de la batterie, le système Checkfire déclenche un disjoncteur dans le circuit électrique et un agent d’extinction du feu est projeté sur la batterie de manière à la protéger et à maîtriser le feu. Les batteries, achetées auprès d’Akasol, un spécialiste allemand de la fabrication de batteries, sont emballées de manière à ce que chaque section de la batterie soit isolée de l’autre pour éviter la propagation d’un feu en interne.

Être à l’avant-garde de cette technologie signifie également que l’on sera le premier confronté à des imprévus au niveau du fonctionnement. C’est ce qui s’est produit à la mine Borden Lake de Newmont Goldcorp début 2019. Une batterie de deux ans a dû être retirée d’un véhicule après l’apparition d’une défaillance interne. En attendant que le véhicule soit récupéré pour procéder au diagnostic et aux réparations nécessaires en surface, un arc électrique s’est développé dans l’un des plateaux en interne, générant un feu. La source de ce feu était une fuite de liquide de refroidissement dans l’un des trois plateaux qui constituent l’assemblage intégral d’une batterie. Cette fuite a créé un nouveau chemin conducteur qui a permis à l’énergie électrique interne de se décharger. D’après M. Jacques, MacLean a fait face au problème en renforçant la capacité de ses véhicules à détecter cette condition, et elle met actuellement au point une solution permanente.

« En plus du logiciel standard du fabricant de la batterie, nous avons créé un système de détection de pointe de tout fluide conducteur qui pourrait s’accumuler à l’intérieur de la batterie. Cela nous permettra désormais de détecter le problème suffisamment tôt pour disposer du temps et de l’espace nécessaires pour gérer la situation sans entraîner de dommages graves, par exemple un arc électrique ou autre pouvant entraîner un feu », expliquait-il.

Dans un contexte où la demande en matière de performance augmente et où l’utilisation des VEB devient toujours plus fréquente sous terre, M. Jacques espère trouver « un cadre commun pour des normes appropriées selon lesquelles seront conçues et créées toutes les batteries dans les mines souterraines ». Ce cadre viendrait s’ajouter aux réglementations géographiques auxquelles adhèrent les fabricants de batteries.

« En utilisant les machines et en obtenant une expérience concrète, nous allons tous commencer à découvrir d’autres réalités qui vont au-delà de ce que les réglementations spécifient », déclarait M. Jacques.

Newmont Goldcorp, société cliente de MacLean, indiquait à l’équipe du CIM Magazine que toutes les personnes travaillant sur son site récemment inauguré de Borden Lake ont suivi une formation sur les procédures de sécurité des VEB et les plans d’urgence.

« Par rapport à un réservoir de diesel, une batterie contient bien moins d’énergie et a beaucoup plus de commandes », indiquait Maarten van Koppen, directeur de la durabilité et de l’énergie, à l’équipe du CIM Magazine dans un courriel. « Les renseignements dont nous disposons sur les machines indiqueront si quelque chose ne fonctionne pas normalement ; un message se déclenchera ensuite sur l’interface opérateur. En fonction de la nature et de la gravité de la question, la machine sera rendue inutilisable jusqu’à ce qu’un(e) technicien(ne) effectue le diagnostic. »

M. Van Koppen indiquait que la société adopte un rôle actif dans la formation et la collaboration avec d’autres acteurs de l’industrie concernant la sécurité et l’utilisation des VEB.

« Newmont Goldcorp a généreusement partagé ses grandes connaissances avec quiconque dans l’industrie est disposé à écouter lors de conférences, d’ateliers et de débats bilatéraux. » Récemment, la société a partagé cette expertise lors du Mining Diesel Emissions Council (MDEC, le conseil dédié aux émissions de diesel dans l’industrie minière), et en fera de même à l’occasion de l’Energy and Mines World Congress (la conférence mondiale sur l’énergie et les mines), qui se tiendra à Toronto en décembre.

Traduit par Karen Rolland