L’exploitation de Goldcorp à Borden Lake utilisera le nouveau jumbo de forage à batterie de Sandvik, le DD422iE. Avec l’aimable autorisation de Sandvik
Les parcs électriques font leur entrée dans l’industrie minière. Kirkland Lake utilise des chargeurs-transporteurs et des camions de transport électriques sur ses sites Macassa et South Mine Complex depuis 2012, tandis que Glencor prévoit faire appel uniquement à des véhicules électriques à son gisement de nickel-cuivre du projet Onaping Depth à Sudbury. Goldcorp est la dernière société à surfer sur cette tendance. En effet, en septembre Sandvik a annoncé un partenariat avec Goldcorp pour concevoir le projet de Borden Lake à Chapleau, en Ontario, en tant que mine entièrement électrique.
« Le parc mobile entier sera alimenté par des batteries ou de l’équipement électrique ancré », a affirmé Marc Lauzier, directeur général de mine de Porcupine Gold Mines (PGM), la coentreprise formée par Goldcorp Canada ltée et Goldcorp inc. qui exploitera le projet de Borden Lake. « Cela comprendra les pelles, les camions et tout l’équipement auxiliaire, dont les jumbos de forage et les boulonneuses, ainsi que les camions à flèche et même les véhicules de transport de personnes. »
On s’attend à ce que la durée de vie de la mine de Borden Lake, qui en est toujours à l’étape de l’exploration avancée, soit d’environ sept ans, ce qui devrait stimuler l’économie d’une région en proie au ralentissement du secteur forestier. Goldcorp a acquis le projet de Probe Mines en 2015.
À sa connaissance, pour M. Lauzier, la mine souterraine entièrement électrique qu’ils prévoient construire ici sera la première du genre en Ontario, voire au monde. « Nous utilisons de l’équipement d’exploitation minière électrique de temps en temps depuis un certain temps; habituellement, on parle d’un assortiment d’appareils diesel et électriques », a-t-il noté. Mais la technologie de batterie est nouvelle et nous permet d’exploiter une mine sans aucun appareil diesel. »
La grande amélioration technologique des 10 dernières années qui permet de concrétiser cette vision, c’est l’arrivée d’équipement à recharge rapide. « Ce qu’on recherche, ce sont des prises à tension élevée où l’on peut brancher de l’équipement, comme des foreuses et des boulonneuses, pour les recharger, habituellement selon un cycle de 30 à 40 minutes », a expliqué M. Lauzier. « Donc, lorsqu’un employé dîne, par exemple, l’équipement se recharge et la batterie est ensuite prête pour un autre demi-quart ou plus de travail. »
Lorsque la production atteindra son apogée, PGM estime qu’on utilisera 35 appareils électriques mobiles sur le site, la plupart dotés d’un chargeur intégré. La mine fera également appel à deux types d’appareils électriques sous terre : des modèles ancrés lors de l’utilisation et d’autres munis d’un moteur électrique alimenté par l’énergie stockée dans une batterie. Ces premiers, par exemple des foreuses ou des boulonneuses, seront branchés au réseau en permanence à l’aide d’une rallonge électrique type qui rechargera la batterie au besoin. Les foreuses utiliseront la rallonge lors du forage et les batteries lors des déplacements entre les niveaux et les fronts d’abattage. L’autre type d’appareil, par exemple des niveleuses ou des camions à flèche, comprendra un chargeur intégré qu’on branchera uniquement lorsqu’une recharge est requise. Ils dépendront d’une technologie de recharge rapide qui peut assurer un cycle de service complet grâce à un temps de recharge de moins d’une heure.
L’adoption d’un parc de véhicules entièrement électriques influence la conception d’une mine : l’entreprise devra composer avec des besoins de recharge beaucoup plus nombreux, et, dans une moindre mesure, des postes de remplacement de batterie. « Nous tentons d’éviter le remplacement de batteries au profit d’une technologie de recharge rapide », a indiqué M. Lauzier.
De nombreux véhicules électriques rechargent leur batterie lorsqu’on applique les freins, ce qui signifie que les travaux et les systèmes doivent profiter le plus possible du mouvement de descente des camions chargés, dont le transport de morts-terrains vers une aire centrale à l’aide de rampes. « Plus on descend, plus on peut recharger les batteries, et plus le cycle de service sera long », a expliqué M. Lauzier. En ce moment, on prévoit commencer la construction de la descenderie à la mine de Borden Lake en 2017 et accéder et analyser un échantillon en vrac d’ici le deuxième trimestre de 2018.
Pour alimenter cette mine entièrement électrique, Borden Lake s’appuiera sur son partenaire Sandvik Mining and Rock Technology afin de fournir « la solution globale » pour la création de foreuses, de camions, de chargeuses et de jumbos de forage (PGM a précisé que les véhicules de transport de personnes seront fournis par une autre entreprise). Selon le directeur de marketing de Sandvik, Kerry Falk, puisque l’utilisation d’appareils alimentés par batterie est relativement nouvelle dans les mines souterraines, Sandvik ne fabrique pas encore de versions électriques de tout l’équipement dont PGM aura éventuellement besoin à Borden Lake. Il a affirmé que la mine utilisera d’abord un assortiment de chargeuses et de camions électriques ancrés qui feront appel à un moteur diesel respectant la norme Tier 4. Cela dit, Sandvik s’est engagée à créer une technologie de batterie pour ses grosses pelles, et d’ici à ce que la production soit lancée à Borden Lake, au deuxième trimestre de 2019 si tout va bien, PGM s’attend à disposer d’au moins quelques camions à batterie sur le site. (Sandvik n’a pas voulu avancer de date pour l’électrification complète de la mine.)
Sandvik a déjà créé un jumbo de forage à batterie, le premier de son genre sur le marché, selon M. Falk. En septembre, elle a présenté et fait la démonstration du jumbo de forage à deux flèches entièrement électrique DD422iE au salon Minexpo à Las Vegas.
En éliminant le diesel qui alimente de tels appareils, on peut percer des galeries plus étroites, car il ne faut pas d’espace supplémentaire pour assurer la ventilation. (En raison de la faible profondeur du corps de minerai, on accédera à l’or par des rampes au lieu de puits, les niveaux s’étendant depuis les rampes.) On réduit également la quantité d’énergie requise pour exploiter la mine souterraine d’environ 50 %, en grande partie parce qu’il ne faut plus évacuer les vapeurs de diesel, ce qui permet de réaliser des économies qui assureront la viabilité économique d’une mine électrique. « Un des risques associés à l’équipement électrique, c’est la mise de fonds initiale supérieure, mais à mon avis, on finira par économiser sur la durée de vie de la mine », a affirmé M. Lauzier. « La mine devrait au minimum atteindre le seuil de rentabilité ou s’avérer plus abordable en raison des économies reliées à la ventilation. »
Celles-ci constituaient l’une des nombreuses considérations qui ont incité la société à s’engager à construire une mine électrique à Borden Lake. L’élimination du diesel réduit également l’exposition des communautés aux particules de diesel et aux autres contaminants dans l’air, sans parler du niveau de bruit et des vibrations. Et la réduction du combustible liquide diminuera également le nombre de camions de livraison sur les routes de la région. Des membres de la famille de M. Lauzier habitent la région de Chapleau : il sait de première main que PGM construit une mine dans une communauté qui n’a pas de longue tradition minière et n’est pas habituée à se trouver à proximité d’un tel site. Plusieurs communautés des Premières Nations habitent également les environs d’un grand lac alimenté par des sources et entouré de chalets et de camps de pêche. « La région de Chapleau est immaculée, et nous souhaitons laisser une petite empreinte [et] minimiser tout impact environnemental de la mine », a-t-il assuré.
De nouveaux règlements à l’horizon servent également d’incitatif. En effet, des normes provinciales plus sévères pour les émissions d’oxyde d’azote – des contaminants produits par la combustion de diesel – sont en voie d’adoption, et au début de 2017, l’Ontario exigera la mise en œuvre d’un programme de plafonnement et d’échange pour les installations qui produisent plus de 25 000 tonnes de gaz à effet de serre (GES) par année. Entre-temps, la fixation d’un prix fédéral sur le carbone imposera un coût minimal de 10 $ par tonne d’émissions de GES en 2018, qui atteindra 50 $ par tonne en 2022.
Dans les mines souterraines de Goldcorp au Canada, le parc mobile compte pour environ 60 % des émissions globales : le remplacement du combustible présente la meilleure occasion de réduire les émissions et les coûts, et c’est pour cette raison que la société considère toutes les solutions qu’offrent les véhicules électriques et à batterie.
Lorsqu’on entamera l’exploitation de la mine, le minerai de Borden Lake sera acheminé à Timmins, à 180 km de là, pour le broyage. PGM estime que l’adoption d’énergie entièrement électrique à cette mine permettra à elle seule d’économiser 3 millions de litres de diesel, 1 million de litres de propane et 30 000 mégawattheures d’énergie par année, ce qui permettra au final d’empêcher la production d’au moins 7 000 tonnes d’équivalents CO2 annuellement.
Selon M. Lauzier, l’objectif de la société consiste désormais à utiliser plus d’appareils de ce genre dans toutes ses mines à l’avenir, y compris les nouvelles mines. Il a ajouté que les autres sociétés minières réagissent habituellement de deux façons devant le plan de la mine entièrement électrique : certaines résistent, car elles ne sont pas convaincues du bien-fondé de s’éloigner des technologies traditionnelles, alors que d’autres souhaitent faire de même, mais attendent que quelqu’un d’autre lance le bal.
« Au fond, je crois que tout le monde désire suivre cette voie tôt ou tard », a affirmé M. Lauzier. « Mais il faut bien quelqu’un pour adopter le concept et l’éprouver, n’est-ce pas? »