Le blocus de plusieurs mois de la mine El Limon-Guajes de Torex s’est terminé fin janvier avec l’intervention des forces gouvernementales. Avec l'aimable autorisation de Torex Gold
Torex Gold a déclaré que le blocus maintenu depuis plusieurs mois par les travailleurs de sa mine d’or de El Limon-Guajes, dans l’État de Guerrero au Mexique, avait été levé par le gouverneur de l’État fin janvier. La Société établie à Toronto a fermé la mine en décembre après la mise en place d’un blocus du site par des travailleurs en novembre, qui alléguaient que le syndicat qui les représente est illégitime. Torex a rouvert la mine en janvier en empruntant une route de construction, accompagnée de 75 officiers de la police nationale mexicaine destinés à protéger les travailleurs de ce que le chef de la direction de Torex, Fred Stanford, a qualifié de blocus « illégal ».
La grève étant terminée, Torex a précisé qu’il était maintenant possible d’accéder à la porte principale de l’installation et à la sécurité, aux locaux d’hébergement de la Société et à la fosse d’El Limon.
Les travailleurs en grève — actuellement représentés par le plus grand syndicat mexicain, la Confederacion de Trabajadores de Mexico (CTM) — prétendaient être sous-payés et que Torex n’avait pas tenu ses promesses d’améliorer les conditions du village voisin d’Atzcala. Ils reprochaient également à la Société de ne pas compenser le village pour l’eau utilisée à la mine. Ils menaçaient d’adhérer à Los Mineros, un syndicat mexicain plus indépendant, qui entretient des liens étroits avec les regroupements de travailleurs canadiens représentant les travailleurs des mines First Majestic Silver et Leagold que possède Goldcorp.
En réponse aux accusations des travailleurs, Gabriela Sanchez, vice-présidente des relations avec les investisseurs de Torex, a déclaré à CIM Magazine que la société verse des salaires « supérieurs à la moyenne de l’industrie minière au Mexique ». Selon elle, Torex a signé des contrats de location avec les propriétaires de terrains pour prélever l’eau et a fait des travaux de revêtement de routes et construit des maisons dans les communautés voisines. « Nous sommes à l’écoute de nos communautés et nous prenons en considération leurs demandes d’aide », a-t-elle écrit dans un courriel. « Malheureusement, nous ne sommes pas toujours capables d’offrir les services et l’infrastructure supplémentaires qu’ils demandent », et dans ces cas nous travaillons avec les gouvernements fédéral et étatiques.
Comme cela se fait généralement au Mexique, Torex a choisi le syndicat CTM avant le début de l’exploitation, pour former ce qui est habituellement appelé un « contrat de protection signé par les employeurs ». Même s’ils sont reconnus par la loi, les « syndicats de protection » comme on les appelle sont considérés par les défenseurs des droits des travailleurs comme des conventions collectives préventives qui empêchent les travailleurs de s’organiser eux-mêmes et n’offrent pas les avantages de l’adhésion à un syndicat. Maria Xelhuantzi Lopez, une spécialiste du domaine du travail à l’Université nationale autonome du Mexique a déclaré sur Al Jazeera en septembre qu’environ 90 % des syndicats du pays sont des « syndicats de protection ». Selon l’OCDE, les travailleurs mexicains ont les salaires moyens les plus bas des 35 pays membres. Certains spécialistes en matière de travail ont souligné que le principal problème venait des syndicats de protection.
La CTM, qui est la plus grande confédération de syndicats et est particulièrement puissante dans l’industrie automobile mexicaine, est souvent critiquée pour prendre le parti des entreprises plutôt que celui des employés et pour ne pas lutter pour une augmentation des salaires.
Trois hommes ont été tués depuis le début du blocus. Selon un reportage du Globe and Mail, les frères Victor et Mauricio Sahuanitla Peña ont été tués en novembre après que des hommes armés ont ouvert le feu sur les protestataires, avant de les poursuivre dans le maquis environnant, où Victor et Mauricio ont été battus à mort. Quintin Salgado, qui selon Los Mineros, était en faveur de la grève, a été tué fin janvier.
Un récent communiqué de presse du syndicat Los Mineros établit un lien étroit entre les assassinats de novembre et la CTM. « Nous demandons seulement que soient punis les assassins de la CTM des frères Víctor et Mauricio Sahuanitla Peña, qui travaillaient pour cette Société et ont été exécutés « façon gangsters » le 18 novembre en présence de leurs collègues et de leur propre famille », indique le récent communiqué qui a été envoyé au CIM Magazine par le Syndicat des Métallos.
À DÉCOUVRIR: Les sociétés minières canadiennes frappées par les restrictions alors que le régime de redevances mexicain ne s'acquitte pas de ses obligations
Le bureau du procureur général de l’État mexicain de Guerrero avait une interprétation différente de ce qui s’est passé. Il a suggéré que les hommes ont été tués lors d’une querelle entre des groupes de police communautaire chargés de protéger les résidents des cartels de la drogue dans cette région, qui est à la fois violente et pauvre.
Les syndicats canadiens, Unifor et le Syndicat des Métallos, ont ouvertement critiqué Torex, qui selon eux se comporte mal en profitant du laxisme de la législation du travail au Mexique. Les syndicats font preuve de franc-parler au moment même où le Canada est en train de renégocier l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), qui selon eux est extrêmement déficient en matière de protection de la main-d’œuvre mexicaine.
Les deux syndicats souhaitent voir la fin des contrats de protection des employés. De tels accords constituent un obstacle à toute activité syndicale légitime, selon Mark Rowlinson, porte-parole du Syndicat des Métallos. Les Métallos ont une alliance « stratégique » avec Los Mineros, et les membres se sont réunis au siège social de Torex à Toronto et lors d’une conférence minière afin de faire connaître le problème. Les représentants syndicaux ont eu plusieurs conversations téléphoniques avec des représentants du gouvernement dans le but de les « pousser à intervenir ».
Selon M. Stanford de Torex, les syndicats canadiens ont un programme politique clair et prennent des libertés avec la vérité afin de renforcer leur influence lors des négociations de l’ALENA. « L’écart entre la vérité et les messages des syndicats est particulièrement remarquable, » a insisté M. Stanford.
Il a déclaré que Torex n’était pas opposé à changer de syndicat et que les travailleurs étaient censés décider pour eux-mêmes jusqu’à ce que Los Mineros décide de retarder le vote le mois dernier. Selon M. Stanford, les travailleurs ont voté le retour au travail mi-décembre à une large majorité.
M. Stanford conteste également les allégations selon lesquelles la CTM est illégitime, alors qu’elle est le plus grand syndicat du pays et a réuni 50 % des signatures des travailleurs après avoir été choisie par Torex. Quand on lui a posé des questions sur les troubles sociaux, M. Stanford a suggéré l’existence d’un autre facteur : les propriétaires des terrains. Il a précisé que certains ne sont plus satisfaits des accords actuels sur les avantages et qu’ils attisent le mécontentement dans les communautés. « D’après ce que nous savons, ils veulent déchirer l’accord », a-t-il ajouté. Torex a dit avoir signé des contrats de location à long terme avec deux Ejidos — des groupes d’environ 100 propriétaires fonciers — qui prévoient un paiement de 2,5 onces d’or par hectare par an aux Ejidos.
« Je ne pense pas que tout cela concerne vraiment les travailleurs. Je pense plutôt que [les Ejidos] essaient de revenir sur les contrats de location de leurs terrains », a déclaré M. Stanford. « Ils utilisent ce conflit pour essayer d’atteindre leur objectif. »