Les pilotes de brousse utilisaient, entre autres, l’hydravion de Havilland DHC-2 (le Beaver). Avec l’aimable autorisation du ministère des richesses naturelles et des forêts (anciennement le ministère des terres et forêts) de l’Ontario.

À la fin de la Première Guerre mondiale, une grande partie du sud du Canada est reliée par un réseau ferroviaire. Les sociétés minières commencent à explorer les gisements miniers dans le Bouclier canadien et l’Arctique, mais peinent à acheminer de la nourriture, du matériel et la main-d’œuvre vers ces contrées sauvages. Le réseau ferroviaire ne s’étend pas jusqu’au grand Nord ; il est pratiquement impossible de se frayer un chemin à travers le terrain accidenté, et encore moins d’y effectuer des levés.

C’est alors que les avions de brousse et leurs pilotes arrivent à la rescousse.

Les montagnes, les collines, les forêts à perte de vue et les innombrables lacs rendent difficiles les déplacements par voie terrestre. En équipant les hydravions de flotteurs ou de skis en fonction des saisons, les lacs se transforment en bandes d’atterrissage idéales pour le transport de matériel vers les camps d’exploration, réduisant ainsi à quelques heures des trajets nécessitant autrement une semaine à travers la brousse.

Avant les années 1920, le nord du Canada est un territoire encore inexploré. Ceci contraint les arpenteurs-géomètres à survoler les terres pour pouvoir les cartographier. Les prospecteurs se rendent rapidement compte des possibilités qu’offre cette technique ; ils font alors appel aux pilotes d’avions de brousse pour le transport du matériel et les embauchent comme arpenteurs-géomètres pour effectuer des levés aériens. Malgré les risques que cela comporte, la rémunération en vaut la peine pour quiconque accepte de survoler des milliers de kilomètres de végétation dense vers des sites miniers reculés.

Clennell Haggerston « Punch » Dickins est l’un des premiers pilotes à relever le défi. Après avoir mené à bien 73 missions avant l’âge de 20 ans, il est le premier pilote à recevoir la Distinguished Flying Cross (DFC, la croix du service distingué dans l’aviation) pendant la Première Guerre mondiale ; il sera également au front durant la Seconde Guerre mondiale. Baptisé « le chevalier volant du Northland » par la presse, M. Dickins parcourt plus de 1,6 million de kilomètres par avion au-dessus de l’Arctique, volant parfois si près du pôle Nord magnétique que sa boussole n’est plus fiable. M. Dickins travaille comme pilote de brousse entre les deux guerres ; il amène les premiers prospecteurs jusqu’au Grand lac de l’Ours, où est découvert l’uranium qui servira dans le projet Manhattan, et participe à l’un des premiers levés aériens du Canada en 1928.


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Edward Stull est également un pilote enthousiaste et l’un des premiers pilotes de brousse. M. Stull et quelques autres pilotes créent Wings Ltd., une société qui achemine par avion le matériel minier jusqu’aux communautés de l’Arctique dans les années 1930. Lorsqu’il parvient à atterrir alors que l’un des skis s’est décroché de l’avion, M. Stull se taille une place de choix dans la presse et obtient le respect de ses pairs.

Un autre récit légendaire voit le jour en 1921. L’année précédente, la Compagnie Pétrolière Impériale Ltée (l’Impériale) découvre du pétrole le long du fleuve Mackenzie près de Fort Norman, dans les Territoires du Nord-Ouest (T.N.-O.). Cette trouvaille est bien trop au nord pour se révéler rentable, mais l’Impériale décide tout de même d’utiliser ce pétrole pour augmenter ses réserves générales. La société décide alors d’envoyer deux avions pour devancer les prospecteurs se dirigeant vers la région par la terre. Alors qu’il tente un atterrissage, les skis et l’hélice de l’un des avions sont détruits, et l’équipage se retrouve tout à coup coincé, probablement jusqu’à l’été. L’ingénieur William Hill, avec l’aide de Walter Johnson, un ébéniste de la Compagnie de la Baie d’Hudson, parvient cependant à réparer l’avion, notamment à construire une nouvelle hélice avec le bois d’une luge, et en se servant de la peau d’orignal comme colle. La nouvelle hélice fonctionne parfaitement, et les avions reprennent leur envol et atterrissent en toute sécurité.

Outre leur importance dans la mise en valeur des minéraux au Canada, les avions de brousse sont une véritable bénédiction pour les personnes vivant dans des communautés minières. Dans les années 1950, aucune route ne permet de quitter ou de rejoindre la ville minière isolée de Wawa, près du lac Supérieur. Keith Messenger, un citoyen américain qui était au front pendant la Seconde Guerre mondiale, met en place un service postal aérien entre la ville et Sault Sainte-Marie, située à 230 kilomètres. M. Messenger équipe son avion de skis afin de pouvoir atterrir sur le lac Wawa. En 1960, une route menant à la ville est enfin construite. À cette époque, M. Messenger effectuait cinq allers-retours par jour.

Si les régions du Canada sont progressivement reliées les unes aux autres par la voie terrestre durant le XXe siècle, ce sont les pilotes suffisamment courageux pour transporter le matériel minier, et notamment de la dynamite, depuis des contrées sauvages et inconnues vers des lieux reculés, qui auront aidé à façonner l’industrie minière canadienne que l’on connaît aujourd’hui.

Traduit par Karen Rolland