Ivanhoe Mines a investi environ 2 milliards de dollars américains dans la mise en service des deux premières phases de son complexe Kamoa-Kakula en République démocratique du Congo. Le 21 mars 2022, le minerai a été introduit dans le circuit de broyage de la deuxième phase. Avec l’aimable autorisation d’Ivanhoe Mines

Un nombre infime de projets d’exploration finissent par devenir des mines. Quant aux mines qui finissent par être construites, la plupart affichent des retards et des dépassements de budget. Jusqu’à présent, le complexe de Kamoa-Kakula d’Ivanhoe Mines a bravé le sort.

Située en République démocratique du Congo (RDC), à environ 25 kilomètres à l’ouest de la ville de Kolwezi, cette mine de cuivre se trouve dans une zone réputée pour l’extraction de cobalt. Comme le faisait remarquer Steve Amos, responsable de projets à Kamoa Copper, « le cobalt et le cuivre sont souvent associés, et l’on trouve beaucoup de cuivre dans cette zone ».

« Beaucoup de cuivre » est une phrase qui décrit bien le site de Kamoa-Kakula. Les deux premières phases de construction du site minier sont déjà terminées. Les phases 1 et 2 se sont concentrées sur le gisement de Kakula. Kamoa, au nord, sera mis en service durant la phase 3. Une planification anticipée pour la phase 4 est en cours, et la phase 5 est déjà envisagée. D’après la société Ivanhoe de Vancouver, une fois la troisième phase achevée en 2024, la mine souterraine (dont la durée de vie est estimée à plus de 30 ans) sera le troisième plus grand producteur de cuivre au monde, avec un rendement qui atteindra 600 000 tonnes par an. C’est ce volume de cuivre (et particulièrement sa teneur) qui explique la rapidité avec laquelle la construction s’est achevée.

Le corps minéralisé

Kamoa-Kakula n’était pas censée renfermer du cuivre, ou du moins c’est ce que tout le monde pensait, déclarait M. Amos.

« Tous les géologues affirmaient que la ceinture de cuivre s’arrêtait aux confins de Kolwezi et qu’on ne trouvait rien d’autre plus à l’ouest. Ainsi, toutes les activités [d’exploration dans la région] étaient considérées comme une perte de temps. Mais pour une raison inconnue, Ivanhoe et Robert Friedland y ont cru et ont décidé d’explorer la région. »

Solomon Asemdi, ingénieur mécanique diplômé chez DRA Global, pose devant une cellule Jameson en construction. Avec l’aimable autorisation d’Ivanhoe Mines

L’exploration est un processus lent et coûteux. Le permis d’exploitation actuel couvre une superficie de 4 000 kilomètres, et le permis initial d’exploration en couvre bien plus. La société a foré plus de 2 000 trous, chacun d’environ 200 mètres de profondeur. À 200 dollars le mètre, les coûts ont vite grimpé. Les premiers trous indiquaient la présence de cuivre, mais à une teneur de 3 % seulement. Le corps minéralisé cuprifère à 6 % (qui est désormais extrait à Kakula) a été découvert plus tard.

Si les autres gisements miniers à proximité sont encaissés dans des roches à prédominance dolomitiques semblables à la géologie de la ceinture cuprifère zambienne, la géologie de Kamoa-Kakula est différente. Le corps minéralisé de Kamoa-Kakula se situe dans le grand conglomérat, qui fait partie du supergroupe Nguba et consiste en de la diamictite (paraconglomérat), du grès et de la siltite. Le cuivre se trouve à 200 ou 300 mètres sous terre, et plus profond à mesure que l’on se déplace vers l’est et l’ouest.

Les travaux d’excavation et de construction en cours de la coupe en caisson, du plan incliné et des descenderies jumelles de Kamoa 1 et Kamoa 2, qui donneront accès aux trois zones de la phase principale de Kamoa-Kakula. Avec l’aimable autorisation d’Ivanhoe Mines

« Le corps minéralisé est traversé par un certain nombre de zones fracturées qui contiennent de l’eau. Afin d’atténuer le risque d’un excès d’eau qui pourrait pénétrer dans la mine, on pratique en amont un important travail de forage dans le front de taille. La gestion des eaux souterraines constitue, je suppose, le plus grand risque, mais ce point est désormais maîtrisé. Nous avons compris que si des capitaux supplémentaires sont nécessaires pour une autre station de pompage, nous devons les investir afin d’éliminer les risques à la mine », indiquait M. Amos.

Il ajoutait que la roche extraite est très dure et que les minéraux cuprifères ont une granulométrie très fine, ce qui diffère légèrement de ce que l’on trouve dans la plupart des gisements cuprifères. Un broyage fin est donc requis pour leur traitement, ainsi qu’une grande puissance de concentration.

Dans la mise à jour des ressources de mars 2020, Ivanhoe et ses partenaires (Zijin Mining Group, Crystal River Global et le gouvernement de la RDC) annonçaient des ressources minérales indiquées à Kamoa et Kakula de 83,7 milliards de livres (environ 38 millions de tonnes) de cuivre obtenues à partir de 1,38 milliard de tonnes de matériau à une teneur de 2,74 %. Quant aux ressources minérales présumées, elles étaient de 339 millions de tonnes à une teneur de 1,68 %, générant 12,5 milliards de livres (environ 5,7 millions de tonnes) de cuivre.

Ces chiffres plus généraux ne donnent pas de vision globale de ce qui a convaincu Ivanhoe de mener à bien ce projet. L’évaluation économique préliminaire (ÉÉP) prévoyait des teneurs aussi élevées que 6,8 % de cuivre au cours de la première année de production, et de 5,1 % au cours des 10 premières années de production.

En août 2021, Ivanhoe indiquait que « 414 000 tonnes de minerai à une teneur de 5,16 % de cuivre avaient été extraites en juillet. Elles comprenaient 367 000 tonnes à une teneur de 5,29 % de cuivre pour la mine de Kakula, dont 85 000 tonnes à une teneur de 7,70 % de cuivre provenant du centre à haute teneur de la mine ».

Le convoyeur à HPGR pour l’alimentation des piles de stockage de la deuxième phase a été mis en service en février 2022. Avec l’aimable autorisation d’Ivanhoe Mines

Plus récemment, dans une déclaration publiée en juillet 2022, Ivanhoe indiquait que Kamoa-Kakula a produit 30 379 tonnes de cuivre sous forme de concentré. La mine a broyé 1,95 million de tonnes de minerai au cours du deuxième semestre de l’année, à une teneur moyenne de 5,44 % de cuivre. Les récupérations de cuivre atteignaient en moyenne 86 % pendant le mois de juin. Durant ce même semestre, les teneurs en cuivre atteignaient en moyenne 5,5 %. Les coûts de production sont d’environ 1,25 dollar américain par livre de cuivre.

Ces hautes teneurs en cuivre étaient (et sont encore) le moteur qui aidera à construire la mine et à commencer la production le plus tôt possible, indiquait Thys De Beer, directeur de programme à DRA Global en Afrique du Sud. DRA, une société spécialisée dans les services d’ingénierie, d’approvisionnement et de gestion de la construction, a été mandatée pour la majorité des travaux effectués à Kamoa-Kakula. « Nous comprenions bien que, sur la base de ce que contient le sol, ce projet allait être extrêmement urgent. Nous allions vraiment devoir accélérer l’exécution du projet », indiquait-il.

« Un des points communs à la plupart des projets miniers, surtout si les ressources sont très bonnes, est que l’argent est roi. Essayez d’obtenir ce flux net de trésorerie dès que possible. Disposer de ces ressources exceptionnelles et ne pas pouvoir mettre d’argent à la banque est un grand inconvénient. C’est de là que vient la pression. C’est de ce point de vue là que ce projet allait avoir un rythme soutenu et un caractère urgent. »

Succès et étapes

La rapidité de la construction à Kamoa-Kakula est une chose dont se targuent Ivanhoe et DRA. M. Amos indiquait qu’il ne s’est écoulé que 22 mois entre le moment où les commandes ont été passées pour des équipements à long délai de livraison pour l’usine et mai 2021, lorsque la première phase a été lancée. La deuxième phase a débuté cette année en mars, quatre mois en avance par rapport au calendrier. La troisième phase est en cours et, parallèlement, la mine s’est aussi lancée dans un effort de désengorgement de 50 millions de dollars pour ses exploitations en phases 1 et 2. Cet effort devrait optimiser la capacité de broyage existante et augmenter le rendement annuel en cuivre de 50 000 tonnes par an, pour atteindre environ 450 000 tonnes par an.

Sans vraiment rogner sur les dépenses, Ivanhoe a lancé le projet en supprimant une ou deux étapes classiques.

Les tours HPGR et les piles de stockage des phases un et deux de Kamoa-Kakula. Avec l’aimable autorisation d’Ivanhoe Mines

« Kamoa commence généralement l’exécution des premiers travaux en se basant sur une étude de préfaisabilité. Avec un gisement aussi remarquable, nous ne jugeons pas nécessaire d’attendre les résultats de l’étude de faisabilité puis d’obtenir une étude technique et un ordre d’idée de l’estimation des dépenses d’investissement avant de commencer. La promptitude est importante, sans bien sûr faire l’impasse sur le respect de la sécurité, de la qualité et des coûts. Si la production dans une mine commence un mois en avance et que cette mine produit 400 000 tonnes de cuivre par an, il est facile de calculer les millions de dollars que cela génère », expliquait M. Amos.

Pour DRA, cela impliquait d’adopter une approche inhabituelle dès le commencement du processus de construction de la phase 1, indiquait M. De Beer.

« Dans un projet classique, on mène beaucoup plus de recherches et de travaux préparatoires avant de lancer l’exécution du projet. Cette fois-ci, nous avons dû commencer par le développement minier, en profitant d’une conception minière de niveau bien plus élevé que ce qui est la norme. »

L’achat de matériaux ayant de longs délais de livraison et la conception des travaux de terrassement ont aussi commencé bien plus tôt que ce qui est habituellement le cas dans le cycle de vie classique d’un projet. Cette approche anticipée se poursuit alors que la phase suivante commence.

« Je ne saurais trop insister sur l’impact de la décision efficace et rapide qu’a prise l’équipe de clients de Kamoa pour aider DRA à exécuter le projet de cette manière », indiquait M. De Beer. « Ajoutez à cela une équipe de projet qualifiée et expérimentée et vous avez la recette du succès. »

M. De Beer a aussitôt rappelé que les travaux à la mine avançaient également bien plus rapidement que le rythme auquel il est habitué. De fait, les équipes minières, y compris les entrepreneurs chinois, développaient fréquemment deux kilomètres par mois. « Ceci est venu ajouter une pression supplémentaire sur les équipes de conception et d’acquisition pour obtenir dans les temps les matériaux nécessaires pour l’infrastructure souterraine, permettant aux équipes de construction de maintenir les rythmes de développement de la mine. »

Heureusement, le corps minéralisé de Kakula se prêtait à une conception relativement simple, expliquait M. De Beer. Deux systèmes de descenderie donnent accès au corps minéralisé, l’une ayant une double entrée, l’autre une entrée unique. La double entrée comprend un système de convoyeur destiné à la manutention de roches qui effectue des cycles de 2 000 tonnes par heure, amenant les roches en surface. Le minerai cuprifère est envoyé pour un broyage fin dans un grand concentrateur pour métaux communs d’une capacité de 3,8 millions de tonnes par an dans une configuration de type circuit de broyage primaire et secondaire - circuit de flottation (M2F, de l’anglais Mill-Mill-Float Circuit). « Une fonctionnalité unique a été ajoutée à ce concentrateur, à savoir la technologie de cylindres de broyage à haute pression (HPGR, de l’anglais high-pressure grinding roll), en circuit fermé avec le broyage primaire », expliquait M. De Beer. La mine utilise la méthode de percement de galeries et remblayage. Le remblayage étant nécessaire, il a fallu construire une usine de remblayage. D’après DRA, il s’agit de la plus grande usine de remblai en pâte au monde. Elle comprend deux parties séparées, chacune d’une capacité de 150 mètres cubes (m3) par heure de pâte.

En ce qui concerne l’usine de traitement, la phase 2 reproduisait la phase 1 en termes de conception, d’ingénierie et de construction. L’investissement en capital total pour les deux premières phases était d’environ 2 milliards de dollars américains.

L’étape suivante

Avec la troisième phase, Ivanhoe espère augmenter la production de cuivre à Kamoa-Kakula pour atteindre 600 000 tonnes par an. De nouveau, deux descenderies donneront accès aux corps minéralisés de Kamoa 1 et Kamoa 2, avec un accès existant par la descenderie à double entrée au corps minéralisé de Kansoko. Les mines de Kamoa-Kansoko se trouvent à environ 10 kilomètres de Kakula. L’excavation de la coupe en caisson de Kamoa est presque terminée. Le développement de la descenderie progresse bien. La gestion de l’eau est un sujet d’importance, comme l’ont montré les enseignements tirés de Kakula dont la géologie est similaire. L’usine de concentration de Kamoa prévue pour la troisième phase aura une capacité de 5 millions de tonnes par an. Les équipements frontaux (concassage et criblage) auront quant à eux une capacité de 10 millions de tonnes par an.

La nouveauté sera l’ajout d’une usine de fusion éclair de cuivre blister de Metso Outotec de 800 millions de dollars américains, qui selon Ivanhoe produira 99 % de cuivre. Le contrat d’ingénierie pour la fonderie a été attribué à China Nerin Engineering Co.

La conjoncture internationale constituera la grande différence entre la construction de la phase 3 et les premières étapes. La pandémie de COVID-19 était à son apogée pendant les premières phases, et DRA a tiré parti des changements qu’elle a entraînés dans les mondes du génie et de la construction. Comme l’expliquait M. De Beer, les autres projets étant en suspens, les ingénieurs et les concepteurs se sont soudain retrouvés libres pour travailler à Kamoa-Kakula.

M. Amos indiquait qu’à son apogée, le projet comptait environ 10 000 personnes travaillant sur le site, notamment des entrepreneurs et des membres de l’équipe des propriétaires.

La fabrication ne fonctionnant plus et les produits n’étant plus livrés, la logistique était peu coûteuse et disponible. La Chine ayant connu la première vague de la pandémie et s’étant ainsi retrouvée en confinement la première, son industrie de la fabrication était prête à produire lorsque Kamoa-Kakula en a eu besoin. Les rythmes rapides de fabrication en Chine ont contraint DRA à réduire son calendrier de conception et de publication des dessins techniques.

La situation a toutefois évolué depuis. Les opérations logistiques sont perturbées dans le monde entier. Les frais engendrés pour expédier un conteneur de Chine ont augmenté de 1 500 dollars américains à l’apogée de la pandémie à des frais records de 6 000 dollars américains, indiquait M. Amos. Les pénuries d’approvisionnement en équipement essentiel tel que des composants électriques sont également problématiques, surtout lorsque les échéances sont serrées. L’inflation et la hausse des prix du cuivre, du minerai de fer et de l’acier constitueront aussi une difficulté, ajoutait-il.

Le concentrateur de la deuxième phase de Kamoa-Kakula a 14 cellules de flottation. Avec l’aimable autorisation d’Ivanhoe Mines

Par ailleurs, Ivanhoe (en conjonction avec le producteur national d’énergie de la RDC) s’est engagée à remplacer une turbine non opérationnelle à la centrale électrique d’Inga 2. Elle générera 178 mégawatts (MW) de puissance hydroélectrique nécessaire pour la troisième phase. Ce modèle est similaire à celui qu’a utilisé Ivanhoe pour alimenter en électricité les phases 1 et 2 dans le cadre de sa négociation pour accéder à l’électricité verte à partir du réseau national de la RDC, un point essentiel qui permettra à la mine d’atteindre la neutralité carbone et de devenir un producteur de cuivre « écologique ».

L’estimation des coûts pour la troisième phase sera publiée au cours du quatrième trimestre (T4) de l’année, en même temps que l’étude de préfaisabilité de la troisième phase.

Malgré la portée grandissante du travail dans chaque phase, M. Amos est convaincu que la troisième phase ainsi que les phases suivantes se passeront aussi bien que les deux premières.

« On me dit souvent de regarder autour de moi et d’observer les grands projets en cours dans le monde. Tous affichent des retards et des dépassements de budget. Qu’a fait Kamoa de différent ? Je dis toujours qu’il n’y a pas de secret. Étudiez votre projet et déterminez la raison pour laquelle il a enregistré des retards, car il y a toujours une raison. Quelque chose ne s’est pas bien passé à un moment donné. »

« Cela étant, une bonne planification et des personnes qualifiées sont deux attributs indispensables à la réussite, tout comme une bonne dose de soutien des actionnaires. »

M. De Beer s’est fait l’écho de M. Amos concernant l’importance de s’entourer de personnes qualifiées.

« On ne peut attribuer les réussites de ce projet qu’à son équipe remarquable. Cette équipe a montré une passion et un dévouement incessants, et je suis certain qu’elle assurera le succès encore plus grand des prochaines phases de ce projet exceptionnel. »

Traduit par Karen Rolland