Un aperçu de la mine Renard de Stornoway Diamonds du hublot d’un hélicoptère en route vers le projet de lithium Adina de Winsome Resources, à environ 60 kilomètres au nord. La mine Renard est en mode de soins et maintenance depuis octobre 2023. Avec l’aimable autorisation de Winsome Resources
Winsome Resources espère que la possibilité d’acquérir la mine de diamant Renard et de la transformer en une installation de traitement du lithium aidera son projet phare de lithium Adina au Québec à entrer en service dans les quatre années à venir.
Winsome est l’une des nombreuses sociétés minières australiennes qui dirigent des projets au Canada. Le siège de la société se trouve à Perth, en Australie-Occidentale, mais elle gère quatre projets d’extraction du lithium dans la région Eeyou Istchee-Baie James, au Québec, notamment son projet de lithium Adina.
Le projet de lithium Adina est un gisement renfermant une minéralisation lithinifère dans la roche dure sous forme de spodumène, qui a été découvert en 2014 par des géologues du gouvernement. La société d’exploration australienne MetalsTech a acheté le projet en 2016. Elle a ensuite créé Winsome Resources, une société issue de la scission de son portefeuille d’actifs de lithium au Québec en 2021. Winsome a été cotée à la Bourse australienne ASX en novembre de cette année-là.
En octobre 2022, l’équipe d’exploration de Winsome a intercepté des pegmatites importantes contenant du spodumène dans l’affleurement minéralisé Jamar du projet Adina. « Nous avons commencé à forer le 15 octobre », expliquait Carl Caumartin, directeur général pour le Canada à Winsome Resources, à CIM Magazine lors d’une visite du site du projet Adina en septembre 2024, en lui montrant le trou de forage numéro cinq. « Le 20 octobre, nous avons commencé à forer [le trou numéro cinq] en commençant par la pegmatite. Deux jours plus tard, nous avons coupé à travers un filon de 160 mètres de pegmatite minéralisée en continu. Nous avons obtenu les résultats vers Noël et avons alors compris qu’il s’agissait d’un monstre de 107 mètres d’oxyde de lithium, à une teneur de 1,34 % [de Li2O]. Le trou numéro cinq est ce qui a changé notre société. »
Le trou de forage numéro cinq du projet Adina, qui a intercepté en octobre 2022 un filon important de pegmatites contenant du spodumène. Photo: Ailbhe Goodbody
Winsome a foré plus de 105 000 mètres et près de 300 trous de forage depuis. Elle a identifié deux essaims de dykes de pegmatite distincts à Adina, qui ont été baptisés Main Zone (MZ, zone principale) et Footwall Zone (FWZ, zone de l’éponte inférieure).
Le 28 mai 2024, Winsome a publié une estimation actualisée des ressources minérales pour le projet Adina, qui augmentait les ressources minérales du projet de 33 %, les faisant passer de 58,5 millions de tonnes à 77,9 millions de tonnes. Les ressources contiennent 61,4 millions de tonnes à une teneur de 1,14 % de Li2O en ressources indiquées, et 16,5 millions de tonnes à une teneur de 1,19 % de Li2O en ressources présumées.
Ailbhe Goodbody en visite sur le site du projet Adina de Winsome Resources en septembre 2024. Photo: Ailbhe Goodbody
Le projet initial de Winsome était de construire une usine de traitement entièrement nouvelle pour le projet Adina. Toutefois, lorsqu’une mine proche et une usine de traitement ont été mises en vente, la société a saisi l’occasion de l’acheter, une étape qui permettait à la société d’économiser du temps et de l’argent pour mener Adina jusqu’à la phase de production commerciale.
L’option de la mine Renard
La mine Renard de Stornoway Diamonds, la première mine de diamants au Québec, est située à environ 60 kilomètres au sud du projet Adina. Dans le cadre du développement de la mine, une route praticable en toutes saisons devait relier Chibougamau (à environ 400 kilomètres au sud de la mine) par un prolongement de la route 167, achevée en 2013 grâce à un financement de l’initiative Plan Nord du gouvernement du Québec.
Stornoway a commencé la construction de la mine Renard en 2014, pour atteindre la production commerciale en janvier 2017 avec des dépenses d’investissement de 775 millions de dollars. Toutefois, la mine a rencontré des difficultés opérationnelles et financières, et Stornoway a suspendu les activités en octobre 2023 pour des raisons, indiquait-elle, d’incertitudes autour des prix des diamants à l’échelle mondiale.
Comment expliquer qu’un développeur de lithium en arrive à faire une offre pour une mine de diamants ? Lorsque les nouvelles de l’arrêt des activités à la mine Renard ont été rendues publiques, Simon Iacopetta, directeur principal du développement de Winsome, a compris que la mine Renard avait une usine de séparation en milieu dense (SMD), une méthode que Winsome avait prévu d’utiliser pour traiter le minerai à Adina. La société a découvert au travers de ses contacts que Stornoway prévoyait de vendre Renard.
Winsome a fait une première offre indicative et non contraignante à la mi-janvier 2024. Le 3 avril, la société a annoncé qu’elle avait conclu un accord contraignant avec Stornoway lui donnant l’option exclusive d’acheter la mine de diamants Renard, son installation de traitement et l’infrastructure connexe d’ici le 30 septembre 2024.
En août, Winsome a versé deux millions de dollars en espèces afin de prolonger la période de l’option exclusive de trois mois jusqu’à la fin du mois de décembre 2024. La société peut choisir de verser deux millions de dollars supplémentaires pour prolonger l’option de deux mois, jusqu’à la fin du mois de février 2024. Winsome utilise la période de l’option pour mener son devoir de vigilance et évaluer la faisabilité de la transformation de l’usine de Renard pour traiter de la pegmatite contenant du spodumène.
Si l’option est exercée, Winsome versera un total de 52 millions de dollars pour acquérir Renard. Lorsque l’acquisition sera conclue, elle versera 15 millions de dollars, puis 22 millions de dollars l’année suivant l’acquisition, et 15 millions de dollars supplémentaires deux ans après l’acquisition.
Données économiques préliminaires
Le 17 septembre 2024, Winsome a publié une évaluation économique préliminaire (ÉÉP) pour le projet Adina, qui intégrait l’acquisition proposée de la mine de diamants Renard et confirmait que l’usine de Renard pourrait être transformée afin de traiter le lithium à un coût considérablement moins élevé que celui associé à la construction d’une toute nouvelle usine et d’autres infrastructures à Adina.
Déclaration des ressources minérales de mai 2024 pour le projet de lithium Adina en vertu du code JORC. Avec l’aimable autorisation de Winsome Resources
D’après l’ÉÉP, la transformation de l’usine de Renard aurait un coût d’investissement initial de 394,5 millions de dollars, dont 84,3 millions de dollars pour construire une route d’accès entre la mine Renard et le projet Adina, lequel est actuellement seulement accessible par hélicoptère. Ce montant pourrait être réduit à 350,2 millions de dollars si le projet s’avère être éligible au crédit d’impôt pour l’investissement dans la fabrication de technologies propres (CII-FTC), qui s’applique à l’extraction et au traitement des minéraux critiques.
« L’option d’acquérir la mine Renard est une possibilité extraordinaire dont l’offre est arrivée à un moment opportun, c’est un second souffle », déclarait M. Caumartin. « Cela nous permettrait d’économiser des centaines de millions de dollars en fonds de démarrage. Nous n’avons rien à construire [à Adina], la seule chose à faire est de procéder à un prédécapage, de concevoir un ou des remblai(s) de déchets, de créer un atelier d’entretien et un camp de travail modeste que l’on pourrait déplacer du site de Renard. Le fonds de démarrage est d’environ 350 millions de dollars. Cette somme serait environ trois fois plus importante si nous commencions la construction d’un tout nouveau site. »
L’ÉÉP présente les trois phases d’une mine à ciel ouvert à Adina, avec une durée de vie de la mine de 21 ans. Un simple schéma de traitement utilisant le concassage et l’usine SMD est prévu pour traiter le minerai. L’usine de traitement existante de Renard sera modifiée pour traiter de la pegmatite contenant du spodumène au lieu de kimberlite contenant des diamants. Selon Chris Evans, directeur exécutif à Winsome Resources, le processus est simple. M. Evans a une grande expérience dans la mise en production de projets de lithium en Australie. Par exemple, en tant que directeur de l’exploitation à Altura Mining, il était chargé de construire et de lancer les activités à la mine de lithium et à l’installation de traitement de Pilgangoora, en Australie-Occidentale, qui a été achetée par Pilbara Minerals en 2020 pour plus de 200 millions de dollars australien (environ 190,8 millions de dollars).
Certaines des modifications à l’usine de Renard prévoient de changer les cylindres de broyage à haute pression (HPGR, de l’anglais high-pressure grinding rolls) pour un concasseur à cône et l’ajout d’une autre usine SMD au circuit. « Il y a actuellement deux unités de SMD [à Renard], mais elles sont installées en parallèle, ce sont donc deux circuits de SMD », indiquait M. Evans. « Nous allons installer une usine de [SMD] supplémentaire à l’arrière qui amène les flottants des deux premières unités de SMD et les envoie dans l’unité supplémentaire, ce qui augmentera de nouveau la récupération. Il nous suffit de modifier légèrement les paramètres de densité dans la seconde pour une plus grande récupération. »
La capacité de traitement de l’usine sera de 1,7 million de tonnes par an (4 650 tonnes par jour) de matière minéralisée, avec une teneur moyenne pour toute la durée de vie de la mine de 1,24 % de Li2O et une récupération moyenne de Li2O de 67,2 %.
L’infrastructure et les permis existants à Renard sont également un avantage, indiquait M. Evans. « L’aéroport est déjà approuvé, tout comme le camp et le système de traitement de l’eau », indiquait-il. « Le système de confinement pour le stockage de kimberlite traitée existe déjà. Nous devons simplement le convertir pour traiter la pegmatite. [Le processus de délivrance de permis] devrait être plus simple car il existe déjà des permis, et la zone de perturbation sera globalement moins grande. L’environnement sera donc moins impacté, ce qui réduit les risques associés à son approbation. »
Stornoway Diamonds a conclu avec les communautés locales une entente sur les répercussions et les avantages (ERA) concernant la mine Renard. « Lorsque nous exercerons notre droit d’option et achèterons Renard, nous montrerons aux populations des Premières Nations, la nation Crie de Mistissini, l’ERA en notre possession », indiquait M. Evans. « Normalement, pour un projet à l’étape de l’étude de définition, un ERA n’est pas requis, mais nous l’adopterons pour faire avancer nos discussions avec les Premières Nations. Ceci est également un bon point de départ, plutôt que de partir de zéro. »
Lors de la construction de la route allant jusqu’à la mine Renard, Stornoway a aussi mis un point d’honneur à accorder les contrats aux entreprises cries. M. Evans confirmait que Winsome espère également embaucher un entrepreneur cri ou en lien avec les Cris pour la construction de la route reliant Adina à Renard.
L’avenir
M. Evans présentait le calendrier estimé pour le développement du projet Adina parallèlement à l’usine de Renard. « Nous espérons commencer notre processus d’approbation environnementale le mois prochain ou celui d’après. La majorité des approbations devraient être en place d’ici trois ans », ajoutait-il. « Ceci signifie que vers la fin de l’année 2027, nous pourrons commencer les travaux de transformation et de construction. La majeure partie de l’infrastructure étant déjà construite, nous devrions pouvoir mettre la mine en service et y commencer les activités en 2028. »
Les coûts de transport dans l’ÉÉP sont fondés sur le transport du concentré de spomudène par camion de l’usine de Renard à un port du fleuve Saint Laurent ou à Bécancour, une ville située sur la rive sud du fleuve qui est en cours de développement pour y créer le centre de l’industrie des matériaux pour batteries pour véhicules électriques (VÉ) au Québec.
« Le gouvernement du [Québec] souhaite que tous les acteurs du secteur du lithium de la région relient la chaîne d’approvisionnement au Québec », indiquait M. Evans. « Un scénario idéal serait de former un partenariat stratégique avec une société pouvant convertir notre concentré de spodumène en hydroxyde de lithium ou carbonate de lithium, puis de l’injecter dans les matériaux pour batteries fabriqués à Bécancour. »
D’après Winsome Resources, la mise en service du projet de lithium Adina est provisoirement prévue pour 2028. Avec l’aimable autorisation de Winsome Resources
Lorsqu’on lui demandait si Winsome avait envisagé de faire équipe avec d’autres producteurs de lithium dans la région pour traiter leur minerai ou partager les coûts de l’infrastructure, M. Evans indiquait que c’était une possibilité.
« Je pense que, compte tenu de l’état de déclin du marché du lithium, la plupart des petits gisements de [lithium] n’ont que peu de chances de récolter les fonds nécessaires pour arriver jusqu’au stade de production », ajoutait-il. « Si certains se trouvent à proximité de Renard, par exemple, nous serions certainement en mesure de traiter leur minerai et de devenir un centre. À plus grande échelle, la consolidation sera sans doute possible. »
M. Evans faisait remarquer que l’environnement d’investissement et le soutien du gouvernement au Québec sont aussi un avantage pour le projet. Par exemple, l’ÉÉP considère que le projet Adina recevra le CII-FTC. « Ce régime fiscal particulier nous permettra d’économiser 30 % sur le coût de nouvelles constructions en relation avec les minéraux critiques », indiquait-il.
« L’autre niveau de soutien est le financement accréditif qui est à notre disposition et que nous avons largement utilisé jusqu’à présent. Dans les grandes lignes, il nous permet de recueillir des fonds à hauteur de jusqu’à deux fois le prix de nos actions. Cet argent devra être utilisé pour l’exploration, mais c’est une aide considérable pour les premières étapes d’exploration. Nous avons récolté près de 50 millions de dollars australiens [45,4 millions de dollars] grâce au financement accréditif, avec d’importantes surcotes par rapport au prix de nos actions à l’époque, et tout cela est commandité par le gouvernement fédéral et le gouvernement du Québec. »
Globalement, M. Evans pense que l’acquisition du site de Renard est une occasion pour Winsome Resources et son développement d’Adina. « Nous possédons le quatrième plus grand gisement de lithium d’Amérique du Nord, nous nous apprêtons à acheter une installation de plusieurs milliards de dollars pour 52 millions de dollars, nous avons 35 millions de dollars australiens [31,8 millions de dollars] à la banque, et notre capitalisation boursière est de seulement 100 millions de dollars australiens [90,9 millions de dollars] », indiquait-il. « C’est incroyable. »
Pour lui, ceci signifie que le projet Adina offre une proposition de valeur exceptionnelle par rapport à certains projets de lithium. « D’après des instituts de prévision tels que Fastmarkets et Benchmark, tout le monde s’accorde à dire que vers 2028 ou 2029, l’approvisionnement en [lithium] sera insuffisant. C’est exactement à ce moment-là que nous prévoyons d’entrer sur le marché », indiquait-il. « Lorsque le marché changera, nous serons sur le devant de la scène. Ce changement nous sera bénéfique. Le cycle sera positif pour quelques années, et lorsqu’il déclinera de nouveau, nous aurons indéniablement les capitaux suffisants. »
Traduit par Karen Rolland