À terme, le projet de SMI impliquera cinq mines à ciel ouvert. Avec l'aimable autorisation de Société des Mines d’Ity
Depuis que SNC-Lavalin a remporté l'appel d'offres lancé par la Société des mines d'Ity (SMI) concernant une étude de préfaisabilité sur l'expansion et l'optimisation de la mine d'or d'Ity en 2013, le projet d'exploitation à ciel ouvert est devenu un véritable casse-tête du point de vue technique. Cette société basée à Montréal, qui travaille actuellement sur l'étude de faisabilité, jongle avec une série d'enjeux techniques qui s'étendent de la gestion des eaux au dénoyage, à la stabilité des pentes, la variété géologique des multiples fosses et aux inondations saisonnières.
Depuis sa mise en service en 1991, la mine d'Ity consiste essentiellement en une seule fosse et une installation de lixiviation en tas. Le projet d'expansion prévoit l'ouverture de quatre nouvelles fosses, dont deux situées de l'autre côté du fleuve Cavally. « En 2018, nous allons mettre en service le nouveau circuit de lixiviation au carbone de l'usine et nous disposerons alors de cinq fosses pour l'alimenter, en plus des résidus de la lixiviation en tas que nous souhaitons également retraiter », indiquait Nicolas Verdier, directeur de projet à La Mancha, un producteur aurifère privé qui détient 55 % de SMI.
La mine d'or d'Ity, située près de la frontière avec le Liberia sur la rive ouest du fleuve Cavally, est l'une des plus anciennes exploitations aurifères à grande échelle de Côte-d'Ivoire ; durant ses deux décennies d'existence, elle a produit près d'un million d'onces d'or, mais peu d'efforts ont été déployés par son ancien propriétaire Areva pour prolonger sa durée de vie au-delà de 2017. Suite à l'acquisition de La Mancha par le milliardaire égyptien Naguib Sawiris pour la modique somme de 493 millions $ US en juillet 2012, une stratégie d'exploration et d'optimisation a été mise en œuvre pour donner à la mine d'Ity un second souffle.
Les résultats de la campagne d'exploration ont considérablement augmenté les ressources d'Ity et ont convaincu SMI de lancer une étude de préfaisabilité à la fin de l'année 2013 pour déterminer s'il convenait de remplacer l'installation de lixiviation en tas par un circuit de lixiviation au carbone. D'après l'étude déposée en décembre 2014, les dernières estimations concernant les réserves pour la totalité du projet s'élèvent à un million d'onces.
L'intense campagne de forage menée par SMI vers fin 2014 et début 2015 devrait permettre de considérablement augmenter les ressources du projet. SMI et La Mancha espèrent atteindre la barre des deux millions d'onces de réserves d'ici la fin 2015, ce qui assurerait à la mine un sursis de plus de 10 ans à compter de 2018.
Les travaux de construction doivent commencer en 2016 afin d'assurer la continuité entre l'ancienne installation de lixiviation en tas et la mise en service du circuit de lixiviation au carbone de l'usine. Selon M. Verdier, les récents forages ainsi que les travaux d'ingénierie en cours ont renforcé la conviction de SMI et La Mancha selon laquelle le projet pourra être développé.
Et au milieu coule une rivière
Les concepteurs du projet doivent composer avec le fleuve Cavally, qui passe tout près de Walter et Daapleu, deux des quatre nouvelles fosses prévues. Outre sa proximité, le fleuve constitue un problème car il a tendance à déborder pendant la saison des pluies, ce qui requiert de creuser les fosses sur une vaste plaine inondable. « Nous n'avons d'autre choix que de construire une digue de protection du périmètre pour éviter l'inondation des fosses », expliquait Luc-Bernard Denoncourt, directeur de projet à SNC-Lavalin. « Dans le cas de Daapleu, nous avons également besoin d'un canal de dérivation car le fleuve passe exactement au milieu de la fosse. »
L'aménagement d'un tel canal doit être exécuté avec précaution. « Nous menons une étude hydrologique afin d'obtenir une modélisation du fleuve et de déterminer les impacts que pourrait avoir le canal », précisait M. Denoncourt. Le fleuve Cavally a un débit relativement important et abrite différentes espèces de poissons. Les communautés en aval en dépendent d'ailleurs pour leurs exploitations piscicoles, et les travaux de construction à la mine d'Ity pourraient affecter les frayères et les berges. « Des points de vue technique et social, c'est un enjeu de taille que nous devons aborder avec circonspection », indiquait M. Verdier.
Dans le même ordre d'idées, l'eau pourrait exercer une forte pression sur les parois des fosses. « Du fait de la proximité du fleuve, l'enjeu du point de vue hydrogéologique est de réduire le niveau de l'eau pour protéger la stabilité des parois », déclarait M. Verdier. « Nous devons pomper suffisamment d'eau pour réduire la pression appliquée sur la paroi. Le plus difficile reste donc d'identifier le site le plus approprié pour optimiser les coûts liés au dénoyage. »
Pour réduire les risques, SNC-Lavalin a entrepris une campagne hydrogéologique et creusé plusieurs puits. Elle mène actuellement des tests de pompage à la fosse Daapleu.
La troisième difficulté liée à la présence d'eau concerne la décision à prendre quant à l'emplacement précis du bassin de décantation des résidus miniers. La propriété est majoritairement plate et, durant la saison des pluies, une moyenne de deux à trois mètres d'eau s'accumule sur la plaine. « On ne peut pas creuser le bassin dans une zone propice aux inondations, mais d'un autre côté, on ne peut pas trop l'éloigner pour des raisons de coûts de transport, et on doit par ailleurs rester dans les limites de la propriété », expliquait M. Verdier.
En janvier 2014, une équipe de spécialistes en géotechnique de SNC-Lavalin a entrepris de trouver un site pour le bassin de décantation des résidus miniers. « Nous avons consulté la carte, identifié les sites potentiels et les avons parcourus à pied pour nous assurer qu'ils ne présentent pas d'obstacles majeurs », expliquait M. Denoncourt. Finalement, le bassin de décantation des résidus sera aménagé en dehors de la plaine inondable, sur un site entouré de collines à pentes douces, ce qui réduira les coûts liés à la construction d'une digue ainsi que les impacts possibles sur l'environnement. Cette zone se trouve au pied d'une colline, dans la partie sud-ouest de la propriété.
Les choses se corsent
SMI doit également composer avec deux structures géologiques fondamentalement différentes. La première fosse d'Ity avait été creusée dans des latérites meubles et des argiles oxydées minéralisées qui s'étendaient de la surface jusqu'à des centaines de mètres en profondeur. « Ce sont des matériaux meubles qu'il suffit de concasser légèrement, sans les broyer », expliquait M. Verdier.
Par contre, les nouvelles fosses situées dans la partie est de la propriété sont creusées dans des granodiorites, des sédiments méta-volcaniques et des daaplites aussi durs que ceux du Bouclier canadien. Ces roches nécessiteront bien plus de concassage et de broyage.
Les matériaux durs et meubles passeront toutefois dans le même circuit de traitement, dans des proportions qui varient en fonction des teneurs que l'on trouve dans leurs différentes zones. « Ceci demandera une certaine flexibilité dans l'usine de traitement », précisait M. Verdier. « On traitera parfois davantage de matériaux meubles, parfois davantage de matériaux durs. » Ces mélanges doivent être planifiés à l'avance, étant donné qu'ils influeront sur la conception de l'usine. Avec cinq fosses différentes, l'optimisation minière sur le site d'Ity doit être menée dans les règles de l'art.
Enfin, le projet implique également de déplacer le village de Daapleu, situé à proximité de la fosse du même nom. Ses 300 habitants, qui sont tributaires de la pêche et de l'agriculture, ont précisé les conditions qui devront être remplies avant qu'ils n'acceptent de déménager, y compris l'emplacement du futur village. Le plan d'action de SMI relatif à la réinstallation de Daapleu fait partie intégrante des évaluations de l'impact environnemental et social en cours.
Décortiquer pour mieux bâtir
« Peu de mines possèdent plusieurs fosses dont les géologies sont différentes », indiquait M. Denoncourt en parlant du caractère unique du projet. « L'optimisation de la séquence minière en fonction de plusieurs satellites ne s'applique pas à toutes les mines. Ajoutez à cela des géologies différentes et vous vous retrouvez avec un projet très intéressant dont la réussite dépend énormément de l'optimisation des fosses et de la planification minière. »
Cependant, lorsqu'on les prend individuellement, ces difficultés sont loin d'être étrangères à SNC-Lavalin. « Nous avons déjà été confrontés à chacun de ces risques », relativisait M. Denoncourt. « La difficulté pour chaque projet est d'identifier les risques et de mettre en place la meilleure stratégie d'atténuation. Nous avons trouvé des solutions à bas coûts pour chacune d'elles. »
Traduit par Karen Rolland