C’est l’association du prix faible du zinc et d’une montée en flèche des coûts qui a incité Trevali Mining à placer la mine Caribou en mode de soins et maintenance. Avec l’aimable autorisation de Trevali Mining
À la mi-novembre 2020, Marie-Claude Dumont, directrice principale de l’exploitation à la mine de zinc-plomb-argent de Caribou de Trevali Mining au nord du Nouveau-Brunswick, « a dépoussiéré le plan relatif au cycle de vie » de la mine que la société avait fermé neuf mois auparavant. Le prix du zinc est en hausse, et on entrevoit enfin une lueur au bout du tunnel de la pandémie. Ainsi, Mme Dumont et son équipe ont étudié les données pour évaluer la faisabilité d’une remise en service de la mine. Les modèles étaient positifs, et grâce à une solide opération de couverture des risques en place, Trevali a pu annoncer le 15 janvier 2021 le redémarrage sans accrocs de la mine. Le 6 mars, le premier minerai était amené en surface, puis transporté jusqu’aux stocks, à 20 jours à peine du premier anniversaire de la fermeture provisoire des opérations minières par Trevali.
Une évolution laborieuse
Trevali a acheté la mine souterraine de Caribou et le complexe du concentrateur à la fin de l’année 2012 (la mine avait débuté en tant qu’exploitation à ciel ouvert en 1970). Ce gisement minier s’inscrit dans une liste d’environ 46 autres gisements affichant un nombre de tonnes défini dans le camp minier de Bathurst, au Nouveau-Brunswick. Aux côtés d’une centaine d’autres venues minéralisées, ce camp minier fait partie de l’un des plus grands du Canada. Après avoir mené des travaux souterrains, Trevali a lancé la production à la mine en juillet 2016, et a recommencé la production de concentrés de zinc et de plomb, ainsi que d’argent en tant que produit dérivé. Entre juillet 2016 et mars 2020, la mine a produit 279 millions de livres (environ 126,5 millions de kilogrammes) de zinc, 102 millions de livres (un peu plus de 46 millions de kg) de plomb et 2,8 millions d’onces (près de 80 000 kg) d’argent.
Avant que Trevali ne décide de placer la mine en mode de soins et maintenance en mars 2020, plusieurs facteurs avaient entraîné la hausse des coûts de production à la mine Caribou. Le parc de véhicules devait subir une remise à neuf, la récupération de minerai était difficile et les activités souterraines devenaient complexes, la main-d’œuvre était onéreuse par rapport aux exploitations de Trevali dans d’autres pays, et les frais d’expédition des marchandises étaient « tout simplement exorbitants », déclarait Ricus Grimbeek, président et chef de la direction de Trevali.
« Si le volume attendu n’est pas envoyé dans les broyeurs, les coûts fixes finissent par vous engloutir », indiquait M. Grimbeek. « Nous ne parvenions pas à contrôler certaines choses à cette étape, par exemple les frais de fusion de référence auxquels il manquait 300 dollars par tonne, un niveau record. » Par frais de fusion de référence, on entend un prix fixe établi pour la tarification des contrats de fusion du concentré de zinc entre les sociétés minières et les fonderies du monde entier.
Puis, en mars 2020, la pandémie est arrivée et le prix du zinc a chuté d’environ 0,30 dollar américain en deux mois, pour atteindre un prix inférieur à 0,85 dollar américain la livre. Au vu de l’incertitude engendrée par la pandémie de COVID-19 et des prévisions médiocres concernant le prix du zinc, Trevali annonçait le 26 mars la suspension provisoire des activités d’exploitation à la mine de Caribou.
« Soins et maintenance pour une mise en veille provisoire »
« Placer une exploitation en mode de soins et maintenance est une décision extrêmement difficile à prendre », expliquait M. Grimbeek. « Avant que cela ne se produise, je me suis entretenu avec le Premier ministre de la province à l’époque, car j’étais bien conscient des répercussions de ce genre de décisions sur les personnes qui travaillent à la mine, mais aussi sur les communautés. »
La fermeture de Caribou était un coup dur supplémentaire pour le nord du Nouveau-Brunswick. Peu de temps auparavant, Glencore avait annoncé la fermeture de sa fonderie Brunswick en novembre 2019. La fonderie était en exploitation depuis 1966.
Quelque 350 personnes travaillaient à la mine Caribou avant que la décision ne soit prise de la placer en mode de soins et maintenance. Mis à part 11 travailleurs, tout le personnel a été licencié et a reçu des indemnités de licenciement. Certaines d’entre elles travaillaient à la mine depuis sa remise en service cinq années auparavant. Sur les 11 personnes non licenciées, trois étaient chargées de l’entretien du système d’exhaure.
« Nous parlons de soins et maintenance pour une mise en veille provisoire, car nous savions qu’un jour ou l’autre, la mine serait remise en service », indiquait M. Grimbeek. « Nous ne placions pas la mine en mode de soins et maintenance dans l’optique d’un arrêt définitif, à savoir en noyant la mine et en effectuant toutes les pratiques courantes pour une fermeture irrévocable. Nous savions que nous allions la redémarrer, car nous étions bien conscients de son potentiel. »
Si les coûts de production étaient très élevés avant la fermeture provisoire, M. Grimbeek savait que le prix du zinc était voué à remonter la pente. Il s’est alors concentré sur les aspects positifs, notamment sur le gisement de minerai « exceptionnel » de Caribou et les gisements environnants non encore développés, sur la main-d’œuvre qualifiée, ainsi que sur la communauté et le gouvernement provincial, tous deux très solidaires. Caribou est également la seule exploitation à disposer d’un concentrateur dans la région, lequel peut traiter plus de minerais que Caribou ne peut produire.
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Le moteur de la décision concernant la réouverture
Plusieurs éléments vitaux sont rentrés dans l’ordre fin 2020, ce qui a incité Trevali à rouvrir la mine Caribou. Parmi ces éléments figuraient la reprise du prix du zinc et la signature d’un accord de tarification fixe de 21 mois avec une filiale de Glencore pour une grande partie de la production prévue à la mine.
« Comme nous l’avions prévu, le prix du zinc est remonté », déclarait M. Grimbeek. « Il est revenu à 1,30 dollar américain à la fin de l’année dernière. Nous avons alors négocié une valeur refuge pour le prix du zinc à 1,25 dollar américain pour 80 % de la production à Caribou pendant deux ans. »
L’accord établi pour la période de mars 2021 à décembre 2022 réduira l’exposition de Trevali aux fluctuations des prix des matières premières. La filiale de Glencore a accepté d’acheter 115 millions de livres (environ 52 millions de kg) de zinc payable. Trevali cherche aussi potentiellement à passer des accords de tarification fixe pour le plomb et l’argent.
En 2021, Trevali s’attend à ce que le coût de production d’une livre de zinc soit d’environ 0,90 dollar américain la livre. Avec l’aimable autorisation de Trevali Mining
« On ne sait jamais », indiquait M. Grimbeek. « Une pandémie comme la COVID-19 pourrait durer, aussi nous avons voulu nous protéger face aux risques potentiels afin de remettre Caribou sur pied et de faire ce qu’il fallait pour réduire les coûts. »
Parallèlement, Mme Dumont et son équipe ont travaillé sur d’autres plans pour réduire les coûts, trouver de meilleures chaînes logistiques, diminuer les coûts énergétiques et explorer de nouvelles options de traitement. Avec ces capacités en place et d’autres en cours de mise en œuvre, Trevali s’attend à faire baisser ses coûts de 1,24 dollar américain par livre produite (prix avant la mise en soins et maintenance) à environ 0,90 dollar américain par livre en 2021. Sur la base des modèles de Mme Dumont, le conseil d’administration de Trevali a approuvé la réouverture de Caribou en janvier 2021.
La reprise des activités
Au vu de sa décision de reprendre les activités, Trevali a dû surmonter des obstacles importants, notamment celui de fonctionner sans camions et sans travailleurs dans un monde encore aux prises avec la pandémie.
Trevali s’était débarrassée de son parc vieillissant de véhicules et de pelles en mars 2020. Ainsi, en décembre 2020, la société a lancé un appel d’offres pour qu’une société puisse fournir la main-d’œuvre et l’équipement nécessaires pour travailler dans les chantiers souterrains de Caribou. La société Redpath Entrepreneurs miniers et ingénieurs, basée en Ontario, a été retenue et approuvée par le conseil en janvier.
Avant la remise en route de la mine, Trevali a effectué une maintenance préventive, et a notamment remplacé les revêtements des broyeurs à boulets. Avec l’aimable autorisation de Trevali Mining
Trevali a collaboré avec son syndicat pour proposer des postes au concentrateur aux anciens employés, mais beaucoup avaient pris leur retraite ou accepté un poste ailleurs. Ainsi, conformément aux termes de la convention collective, la société a redistribué les fonctions et comblé les postes vacants avec de nouvelles embauches. Mme Dumont estime qu’environ la moitié des 250 personnes qui travaillaient sur le site en mars 2021 sont d’anciens employés de Caribou.
Toutefois, embaucher plus de 200 personnes en pleine pandémie s’est avéré être « un véritable casse-tête », expliquait Mme Dumont. Heureusement, la plupart des travailleurs étaient des locaux. Celles et ceux venant d’autres provinces ont dû s’auto-isoler pendant deux semaines, conformément aux directives provinciales. Trevali a également demandé une dérogation à la province pour pouvoir collaborer avec l’hôpital de la région afin de faciliter les examens médicaux préalables à l’embauche ainsi que les tests COVID-19 les week-ends.
« [La province] voulait s’assurer que nous faisions les choses dans les règles de l’art », déclarait Mme Dumont. « Elle s’est assurée que nous avions un plan. Cela ne nous a pas vraiment empêchés de faire venir les gens ici, mais la procédure a été légèrement ralentie par rapport à nos attentes initiales. »
Avant de remettre le concentrateur en service, Trevali a aussi pris le temps d’effectuer une maintenance préventive, et a notamment remplacé les revêtements des broyeurs à boulets.
Décembre 2022 et au-delà
En mars 2021, Trevali a augmenté son estimation totale des ressources minérales mesurées et indiquées pour Caribou, et a publié des données pour la fin de l’exercice 2020 faisant état de 12,52 millions de tonnes à une teneur de 6,52 % de zinc, 2,47 % de plomb et 73,25 grammes par tonne d’argent. L’équipe de direction a continué à évaluer les possibilités de prolonger le plan de mine actuel en ajoutant des matériaux des projets voisins Restigouche et Halfmile de Trevali.
Le sol regorge encore de minerai. D’après le rapport technique de mai 2018 de la société, la durée de vie de la mine Caribou était estimée à six ans. Mais pour l’heure, Trevali se concentre sur le plan opérationnel actuel de 21 mois. À Caribou, la société exploite deux zones minéralisées situées à environ deux kilomètres sous la surface. Il s’agit de la zone Nord qu’elle avait commencé à exploiter avant de placer la mine en mode de soins et maintenance, et une nouvelle zone Est en cours de développement. En raison des dimensions du chantier et de la nature du corps minéralisé, Trevali prévoyait d’adopter la méthode d’exploitation par gradins descendants pour la zone Est en avril 2021.
En surface, Trevali prévoit l’installation d’une digue de deux mètres pour recevoir les résidus qui seront générés jusqu’en décembre 2022. Un stockage supplémentaire sera nécessaire au-delà. Trevali étudie également une nouvelle méthode de traitement reposant sur la lixiviation par voie d’oxydation, utilisée pour la première fois par FLSmidth pour produire du zinc plutôt que du concentré, en retraitant les résidus pour récupérer l’or.
« À l’heure actuelle, notre récupération de zinc équivaut à environ 80 % de nos résultats optimaux », indiquait M. Grimbeek. « Si l’on a recours à un processus différent, nos taux de récupération pourraient atteindre 92 à 93 %. Cela fait toute la différence. On passe directement du minerai au zinc, et non pas à un concentré qui doit être extrait par fusion. Notre charge de fusion est donc éliminée. »
Fort de cette capacité à créer un oxyde de zinc pouvant être utilisé directement pour fabriquer des batteries, M. Grimbeek est en pourparlers avec le gouvernement concernant la possibilité de construire une usine fabricant des batteries à oxyde de zinc dans le nord du Nouveau-Brunswick.
« Si nous parvenons à transformer notre minerai en un matériau pouvant être directement utilisé dans la fabrication de batteries, ce serait un grand atout pour la région », concluait M. Grimbeek. « Par ailleurs, si les prix restent à leur niveau actuel, il n’y aurait aucune raison de fermer la mine avant la fin de sa durée de vie prévue. »
Traduit par Karen Rolland