La mine d’or de Kiena a été mis et retiré de la production depuis les années 1930. Wesdome Mines d’Or a recommencé la production commerciale. Avec l’aimable autorisation de Wesdome Gold Mines
Juste avant de mettre le CIM Magazine sous presse, Wesdome Gold Mines annonçait la démission du président et chef de la direction de la société Duncan Middlemiss, principale source d’information de cet article.
La démission de M. Middlemiss vient à la suite de l’annonce des résultats de production de la société pour le quatrième trimestre (T4) et l’exercice intégral de 2022, ainsi que des directives pour 2023, publiées le 17 janvier 2023. Cette annonce a asséné un coup dur à la société. Outre les retards à Kiena évoqués par M. Middlemiss dans notre profil de projet, le principal producteur de Wesdome, Eagle River en Ontario, n’a pas produit les résultats escomptés en raison de « la variabilité de la zone Falcon, qui a eu des répercussions négatives sur notre capacité à prévoir correctement la production à court terme ». La production du T4 n’a également pas répondu aux attentes, en partie à cause de « fortes tempêtes de neige qui ont empêché [Wesdome] de transporter par camion le minerai à haute teneur jusqu’au concentrateur ».
La production d’or totale de la société a chuté d’environ 10 % sur l’exercice 2022, passant de 123 843 onces en 2021 à 110 850 onces l’année dernière.
Warwick Morley-Jepson, président du conseil d’administration de Wesdome, tiendra lieu de président et chef de la direction intérimaire. Il occupait précédemment des postes de direction à Ivanhoe Mines et Kinross Gold Corporation. M. Middlemiss occupera un rôle consultatif sur le court terme, et la société s’est mise en quête de son successeur permanent.
Chaque mine définit son propre seuil avant de se déclarer prête à la production commerciale. Pour Wesdome Gold Mines, la mine d’or de Kiena (un producteur historique situé près de Val-d’Or, au Québec) s’est déclarée prête lorsqu’elle a pu réutiliser les matériaux qu’elle avait extraits et ramenés en surface pour remplir les cavités creusées sous terre afin d’assurer la stabilité de la mine.
« Jusqu’alors, nous ne disposions pas de système de remblai en pâte. Dans le passé, nous utilisions un remblai hydraulique, tout en étant conscients que ce système ne serait pas à la hauteur de nos attentes. Nous avons donc décidé de construire une usine de remblai en pâte. La mise en service de l’usine a marqué le début de la production commerciale pour nous. Nous avons en effet compris qu’elle serait un élément clé dans la réussite de Kiena », expliquait Duncan Middlemiss, président et chef de la direction de Wesdome.
Le 1er décembre 2022 marquait le lancement officiel de la production commerciale. Certes, elle accuse des retards d’environ six mois par rapport aux prévisions initiales de Wesdome, mais la pandémie a bouleversé le calendrier. Spécifiquement, M. Middlemiss citait comme cause des retards les pénuries de main-d’œuvre, d’équipement mobile et, particulièrement, d’entraînements électriques dans le centre de contrôle moteur qui devait être installé dans le système de remblai en pâte.
La production commerciale a maintenant commencé et, d’après M. Middlemiss, le plan de développement de Kiena est sur la bonne voie. Le développement de la descenderie atteindra le niveau 129 d’ici la fin de l’année. Le front minier complet, qui comprend cinq niveaux souterrains à partir du niveau 123, permettra d’adopter une démarche ascendante pour l’exploitation minière. Cette démarche permet un contrôle optimal des sols et du minerai.
La société espère toujours atteindre les objectifs qu’elle s’est fixés dans son étude de préfaisabilité, à savoir la production de 80 000 à 100 000 onces d’or par an en 2024.
Changements de propriétaires
Kiena est située juste à côté du lac de Montigny. En réalité, la mine est si proche du lac que le puits de la mine est situé sur la rive opposée de ce lac peu profond, sur l’île Parker reliée à la terre ferme par une voie artificielle. La première incarnation de Kiena en tant que mine en exploitation aura été brève. Elle a commencé en 1936 et a pris fin en 1940. Après cette date, aucune exploitation n’a eu lieu sur le site jusqu’en octobre 1981, lorsque Falconbridge (qui avait racheté la mine au premier propriétaire de Kiena, Ventures Ltd., en 1962) a rouvert la mine. En 1986, Falconbridge a vendu la majorité de ses parts dans Kiena à Campbell Red Lake Gold Mines, une année avant que le nouveau propriétaire ne se joigne à deux autres sociétés pour constituer Placer Dome Mines.
« Placer Dome a eu un parcours satisfaisant, même si le minerai extrait n’était pas de très haute teneur. La teneur de tête à la mine était de 4,5 grammes. À cette époque sur le marché de l’or, cette teneur était relativement faible, surtout pour une mine souterraine », indiquait M. Middlemiss. Placer Dome a exploité la mine de 1988 à 1997. Elle l’a ensuite vendu à McWatters Mining, qui a poursuivi son exploitation jusqu’en 2002, date à laquelle elle a déclaré faillite, en grande partie à cause du prix faible de l’or. D’après un rapport technique de Kiena de 2015, la mine de Kiena a produit entre octobre 1981 et septembre 2022 un total de 1,56 million d’onces d’or à partir de 10,7 millions de tonnes de minerai à une teneur moyenne de 4,54 grammes par tonne (g/t).
Wesdome a acheté la propriété en décembre 2003 et la production commerciale a commencé en 2006. Avant d’être placée en mode de soins et maintenance en 2013, Kiena avait produit 198 708 onces d’or à partir de 1 826 500 tonnes de minerai à une teneur moyenne de 3,38 g/t.
En 2017, peu de temps après l’investiture de M. Middlemiss en tant que directeur de Wesdome, la société a prolongé la descenderie sous terre. L’ancienne plateforme de travail au niveau inférieur de la mine se situait à 1 000 mètres. Le prolongement de la descenderie permet d’aller 200 mètres plus bas, expliquait-il. « Nous rencontrions des interceptions successives jusqu’à 1 600 ou 1 700 mètres en souterrain. Nous savions que la partie souterraine recelait des trésors, mais ce n’est qu’en prolongeant la descenderie que nous avons vraiment pu le réaliser. »
La société a donc pu commencer la communication nécessaire pour prouver que le nouveau développement de la mine en valait la peine. Elle a déposé une estimation des ressources minérales en 2019, puis une évaluation économique préliminaire (ÉÉP) en 2020. En janvier 2021, elle a publié une mise à jour de l’estimation des ressources puis, en juin 2021, une étude de préfaisabilité pour le complexe minier de Kiena. Parmi les points forts du rapport figurait un plan de la durée de vie de la mine pour une exploitation sur sept ans permettant de récupérer 83 574 onces par an à un coût de 187,71 dollars la tonne de minerai, et un coût d’investissement prévu de 231,8 millions de dollars. L’estimation des ressources indiquées de Kiena affichait au total 1 790 600 tonnes de minerai, résultant en 796 000 onces d’or par an à une teneur moyenne de 13,83 g/t. Au total, les ressources présumées étaient de 657 600 onces d’or à une teneur moyenne de 5,98 g/t sur 3 420 500 tonnes de minerai au total.
Géologie
Cette teneur à deux chiffres représente un bond en avant par rapport aux teneurs passées, bien plus faibles, associées jusqu’ici à Kiena. Cette évolution est toutefois tout à fait logique, expliquait M. Middlemiss, Les profondeurs explorées dans ce que Kiena appelle la « zone A » permettent à Wesdome d’exploiter différentes sources minérales.
« La structure minéralisée s’étendait entre deux grandes failles sur la propriété, les failles de Norbenite et de Marbenite, parallèles à la faille de Cadillac. La plupart des activités minières avaient été menées sur ces deux failles. La minéralisation dans le corridor entre les deux failles était donc une nouveauté. La minéralisation passée à Kiena était une zone bréchique de minéralisation sulfurée [avec une] faible teneur de 4,5 grammes et pas du tout d’or visible. Tout à coup, nous avons commencé à trouver des carottes contenant de l’or dans un filon de quartz et de l’or visible véritablement spectaculaire, très pépitique. C’était enthousiasmant. Cette découverte a trouvé un écho auprès du marché, et c’était une excellente nouvelle qui nous a redonné confiance. »
Wesdome explore également les alentours. À ce jour, ses découvertes l’encouragent, particulièrement dans la zone Martin située à environ un kilomètre à l’est du puits de Kiena, sur le site de l’ancienne mine de Martin, et la zone de la Presqu’île située à deux kilomètres à l’ouest de Kiena.
« Nous allons nous pencher sur une exploration plus poussée de Presqu’île et la relier à la descenderie, ce qui étendra la surface », indiquait M. Middlemiss.
En septembre 2022, Wesdome indiquait que les zones étroites et quasi parallèles de Presqu’île sont enchâssées dans du basalte porphyrique et sont proximales à un contact de roches mafiques à ultramafiques cisaillées. La société a également rectifié l’estimation des ressources présumées de la zone. Elles sont désormais de 353 000 tonnes à une teneur de 7,1 g/t d’Au, équivalant à 80 600 onces d’or.
Réaménagement et redéveloppement
Compte tenu de son histoire en matière de production, Kiena disposait d’une infrastructure très complète permettant à Wesdome d’entreprendre un programme qui impliquait principalement des mises à jour et des mises à niveau, et non la création ni le remplacement complets de nouvelles installations.
Parmi ces améliorations figuraient l’ajout d’un entraînement numérique pour treuil d’extraction minière, la mise à niveau de l’usine de traitement de l’eau avec un système d’osmose inverse et la remise à neuf du concentrateur, ainsi que l’installation de nouveaux systèmes de contrôle. « Il fallait juste avoir du cœur à l’ouvrage », indiquait M. Middlemiss, ajoutant que le concentrateur est un peu inhabituel pour les caractéristiques géologiques du site minier.
Source: Wesdome Gold Mines Ltd.
« C’est un circuit d’adsorption par le charbon actif, ou circuit CIP (carbon-in-pulp). Normalement, on construit un CIP pour atténuer ce que l’on appelle le preg-robbing, un phénomène par lequel le complexe de cyanuration, Au(CN)2−, est éliminé de la solution par les éléments constitutifs du minerai. La liqueur mère est le nom donné au liquide contenant de l’or en solution. Lorsque cette solution contient des éléments tels que du graphite et du carbone organique naturel, la récupération en pâtit. Le CIP lui confère une lixiviation préalable et atténue cet effet. Toutefois, à ma connaissance, nous n’avons jamais eu de problèmes de preg-robbing à Kiena. Il semblerait que c’est le type de concentrateur que l’on construisait au Québec au début des années 1980. »
Il ajoutait que malgré la singularité du circuit, qui inclut un broyeur semi-autogène (broyeur SAG), un broyeur à boulets doté d’un cyclone à deux étapes et un épaississeur, Wesdome n’envisageait pas de le remplacer. De fait, il permet de récupérer 98 % du minerai libre et affiche de bonnes performances. Actuellement, le circuit fonctionne selon un calendrier de 4 jours d’utilisation et 3 jours d’immobilisation, mais il a la capacité de traiter 1 000 tonnes de minerai sec par jour, sans préconcassage.
Wesdome a aussi numérisé l’intégralité de la propriété de Kiena, créant un « jumeau numérique ». « C’était un progrès considérable. C’est un avantage énorme pour l’effort d’exploration, surtout au niveau de l’exploration régionale, car on peut apporter des modifications et envisager les choses de manière très holistique. »
Le parc à résidus miniers a aussi fait l’objet de rénovations pour s’assurer qu’il puisse suivre le rythme de production de la mine sur toute sa durée de vie (et contenir environ 1,5 million de tonnes de résidus), ainsi que pour répondre aux normes élevées de sécurité en vigueur. Pour assurer la stabilité des parcs à confinement des déchets, Wesdome a utilisé la méthode de brassage des sols en profondeur. « Des trous de large diamètre sont forés dans les morts-terrains jusqu’à l’assise rocheuse. On injecte ensuite du coulis ou du ciment et on obtient de grands piliers de stabilisation », expliquait M. Middlemiss.
Usine de remblai en pâte
Au-delà des mises à niveau, Kiena a bénéficié de quelques ajouts. Des câbles Ethernet ont été tirés dans le puits, conférant à Kiena une connexion en Wifi sous terre. Toutefois, l’une des nouveautés les plus importantes reste l’installation d’une usine de remblai en pâte.
Avec un débit d’environ 1 200 tonnes par jour et la capacité de détourner une partie importante de la production des résidus, le système de remblai en pâte aide la mine à réduire ses déchets et crée un nouveau produit. « Je ne suis pas ingénieur spécialisé en remblai à pâte », déclarait M. Middlemiss, « mais je crois comprendre qu’il s’agit d’un produit exceptionnel, et on s’en rend vraiment compte sous terre ».
Le système de remblai en pâte a été construit de manière à inclure un épaississeur, une cuve de stockage des résidus miniers équipée d’un agitateur, un système de manipulation du sable et un système de liant. Kiena dispose aussi d’un système de tuyauteries souterrain (pour la distribution sous terre).
Le coût de ces améliorations s’élevait à 250 millions de dollars. Grâce à sa mine d’or d’Eagle River située près de Wawa, en Ontario, productrice active d’environ 100 000 onces d’or par an, Wesdome disposait du capital pour investir dans ce projet. La société bénéficie également de 150 millions de dollars en facilité de crédit renouvelable.
2023 et au-delà
Si le concentrateur a une capacité de débit de 2 000 tonnes par jour, il en traite actuellement environ 800, conformément au calendrier, expliquait M. Middlemiss.
« 2023 est une année de consolidation pour nous, car nous devons poursuivre le développement de la descenderie dans la zone A. Nous devons poursuivre l’exploration dans la mine. À la fin de l’année, nous serons établis au cœur de la zone A, où se trouve la majorité de l’or. La zone où nous nous trouvons actuellement est bien moins riche. »
« En 2024, nous extrairons la majeure partie de l’or, et nous atteindrons les niveaux annoncés dans l’étude de préfaisabilité. Nous produirons alors entre 80 000 et 100 000 onces. Tout à coup, Kiena devient une mine vraiment intéressante. »
Traduit par Karen Rolland