De la matière minéralisée provenant de la mine Séguéla concassée et transportée à la réserve. Avec l’aimable autorisation de Fortuna Silver Mines

L’activité d’extraction aurifère en Côte d’Ivoire ne cesse de croître. Au cours de la dernière décennie, le pays a multiplié par quatre sa production d’or. Aujourd’hui, un petit nouveau fait son apparition sur le devant de la scène.

Fortuna Silver Mines Inc., une société de production d’or et d’argent de taille moyenne basée à Vancouver, a récemment commencé ses activités à Séguéla, un complexe minier comprenant une mine d’or à ciel ouvert et une usine de traitement situées à environ 500 kilomètres de la capitale économique de la Côte d’Ivoire, Abidjan. Le projet promet de donner vie à une exploitation à bas prix et à haute teneur, dans un haut lieu de l’exploitation aurifère.

« L’Afrique occidentale est la région productrice d’or affichant la plus forte croissance dans le monde en termes de ressources et de production annuelle. Si vous voulez vous lancer dans l’exploitation aurifère, c’est l’endroit où aller », déclarait Jorge Ganoza, directeur général de Fortuna Silver Mines.

Pour lui, l’un des aspects les plus distinctifs de Séguéla concerne le coût d’exploitation relativement bas du projet. « D’après le World Gold Council (WGC, le conseil mondial de l’or), 50 % de l’or à l’échelle mondiale est produit à des coûts nécessaires au maintien de la production d’environ 1 300 dollars américains l’once. Cette mine produira à un coût bien inférieur », indiquait-il. Sur toute la durée de vie de Séguéla, estimée aujourd’hui à 8,6 ans, ces coûts devraient être de 832 dollars américains l’once.

L’une des raisons de ce coût inférieur est la haute teneur inhabituelle du projet. « La teneur moyenne d’une mine à ciel ouvert au Nevada est d’environ 0,4 gramme. En Afrique de l’Ouest, elle est d’environ 1,1 à 1,5 gramme. Dans notre exploitation, nous sommes à 2,8 grammes, alors nous avons besoin de bouger beaucoup moins de roche pour produire notre or », expliquait M. Ganoza.

La proximité de Séguéla à une infrastructure existante contribue aussi à réduire les coûts. Le projet est non seulement accessible par la route (de graviers), mais il se trouve également à seulement deux kilomètres des lignes électriques existantes.

« Nous sommes reliés au réseau électrique national. C’est un luxe dans cette région du monde », expliquait M. Ganoza, ajoutant que le projet produira moins d’émissions et bénéficiera de coûts énergétiques réduits car 45 % de l’électricité de Côte d’Ivoire est issue de l’hydroélectricité.

Activité minière à Antenna. Avec l’aimable autorisation de Fortuna Silver MinesL’accès facile aux fournisseurs et à une main-d’œuvre qualifiée a permis de maintenir des coûts de construction relativement faibles pour ce projet de 173 millions de dollars américains. « Nous avons bénéficié de l’expertise d’un groupe chevronné de prestataires de services d’Afrique occidentale », indiquait M. Ganoza. « Des excavations à l’installation du matériel, aux branchements électriques et aux travaux sur les lignes à haute tension, ces prestataires de services sont bien établis dans la région, car tant de mines ont déjà été construites. »

Un bref historique

Séguéla est la neuvième mine d’or à commencer ses activités en Côte d’Ivoire. La fin de la seconde guerre civile ivoirienne en 2011 a marqué le retour de la stabilité. Depuis, le pays connaît une activité minière croissante.

Fortuna a pris le contrôle de Séguéla dans le cadre d’une fusion et acquisition de 844 millions de dollars américains avec Roxgold en 2021. Yaramoko, une mine d’or en production au Burkina Faso, faisait aussi partie du lot.

À l’époque, les activités de Fortuna étaient axées sur l’Amérique latine, et M. Ganoza cherchait une occasion de se développer en Afrique occidentale. « Nous avons suivi le succès de l’équipe de Roxgold depuis ses débuts à Yaramoko en 2015 », se rappelait M. Ganoza. « L’association de nos sociétés a offert à Fortuna une plateforme de croissance continue dans une des régions les plus prolifiques en termes de production aurifère dans le monde. »

Peu après la conclusion de l’acquisition en juillet 2021, Fortuna s’est lancée dans la révision de l’étude de faisabilité d’avril 2021 de Séguéla.

« Il nous a fallu plusieurs mois pour revisiter le plan de construction et les chiffres relatifs au coût d’investissement », expliquait M. Ganoza. « À la suite de cela, nous avons revu notre budget à la hausse, de 148 à 173 millions de dollars américains, pour tenir compte de l’environnement inflationniste. »

Grâce au flux net de trésorerie de quatre mines en exploitation en Argentine, au Burkina Faso, au Mexique et au Pérou, Fortuna était bien placée pour financer le projet.

Le projet

Séguéla a des ressources et des réserves minérales prouvées et probables de 1,1 million d’onces d’or issues de 12,1 millions de tonnes de minerai d’une teneur de 2,8 grammes par tonne (g/t), selon les données de cinq gisements. Les données actuelles prévoient une durée de vie de la mine de 8,6 ans, et une production annuelle moyenne de 120 000 onces d’or.

Ce projet, qui a débuté en mars 2021, est rare dans l’industrie. En effet, il sera terminé dans les temps et dans le budget imparti. Fortuna a commencé les grandes excavations en février 2023, et les activités de mise en service en début avril. La première extraction d’or est prévue pour ce mois de mai, avec une montée en cadence pour atteindre la capacité nominale d’ici août 2023.

Les projets pour la mine à ciel ouvert et l’usine de traitement font écho à d’autres réussites dans la région. « La beauté est dans sa simplicité. Les caractéristiques géologiques sont bien comprises, les teneurs sont excellentes pour une mine à ciel ouvert, et nous disposons d’un circuit de broyage. On compte une trentaine de ces mines dans toute l’Afrique occidentale », déclarait Paul Weedon, premier vice-président de l’exploration à Fortuna. « C’est un processus simple que nous avons pu instaurer relativement rapidement. »

Les cinq gisements seront exploités à l'année longue avec une méthode d’exploitation minière à ciel ouvert classique, à savoir des activités de forage et d’abattage à l’explosif, suivies d’une exploitation par camions et pelles pour déplacer le minerai et les déchets. Des gradins de cinq mètres seront creusés en deux galeries sous forme de passages de 2,5 mètres. L’extraction a déjà commencé à Antenna, le plus grand gisement, et débutera à Koula d’ici la fin de l’année. Pour préserver la stabilité de la production, plusieurs gisements seront exploités simultanément et le minerai sera entreposé. D’autres fosses satellites avanceront par étapes jusqu’à la production, en commençant par les fosses à plus haute teneur.

L'installation de broyeur semi-autogène (broyeur SAG). Avec l’aimable autorisation de Fortuna Silver Mines

Le minerai ne sera déplacé que sur 500 mètres, d’Antenna jusqu’à l’usine de traitement, où il sera envoyé dans les concasseurs primaires à mâchoires, puis dans le réservoir intermédiaire et dans le broyeur semi-autogène (broyeur SAG). Tous ces équipements sont fournis par le fabricant Metso Outotec. Le minerai passera ensuite dans un circuit de concentration gravimétrique, un circuit de lixiviation au carbone (CIL, de l’anglais carbon-in-leach), suivi d’une élution du carbone, puis finira dans un circuit de récupération de l’or.

Pour l’électricité, Séguéla s’est reliée à une ligne électrique de 90 kilovolts et a construit une sous-station à côté de l’installation de traitement.

Les résidus seront envoyés dans le centre de stockage d’un versant de vallée formé par deux remblais multizones, construits à l’aide d’une méthode de construction en aval.

D’après M. Ganoza, l’usine est identique à celle de Yaramoko, mais sa capacité de débit est supérieure. Au commencement, l’usine devrait traiter 1,25 million de tonnes par an, et la capacité au pic de la production (troisième année) devrait être de 1,57 million de tonnes.

L’aspect le plus complexe de l’exploitation était de construire l’usine de traitement dans les temps et en respectant le budget imparti, malgré les difficultés qu’ont posé l’inflation, les perturbations dans la chaîne d’approvisionnement et la flambée des coûts énergétiques. Au plus fort de la construction, environ 1 200 personnes seront employées par le projet.

« Nous avons signé un contrat à prix forfaitaire avec Lycopodium pour la somme de 85 millions de dollars pour la construction de l’usine de traitement », expliquait-il. « Ce contrat était un marché clés en main pour l’usine de traitement, ce qui a permis de réduire les risques de déviation pour nous. »

Le partenariat avec Lycopodium coulait de source pour M. Ganoza. « Ce partenaire a construit 80 à 90 % de toutes les mines de la région au cours des deux dernières décennies », indiquait-il. « Il sait qui est fiable et qui ne l’est pas dans différents domaines, des les travaux mécaniques accélérés et la tuyauterie jusqu’à l’automatisation. »

Fortuna a aussi pallié les risques en attribuant 11 millions de dollars américains aux travaux préliminaires. « Nous avons passé commande pour des lots d’équipements importants, perfectionné des techniques détaillées et terminé la construction du camp, le tout avant de présenter en public la décision concernant la construction », expliquait M. Ganoza. « Au moment de commencer la construction, nous avons pu immédiatement mobiliser la main-d’œuvre au lieu d’attendre cinq mois que le camp soit construit. »

Pour exploiter la mine, Fortuna a fait appel à Mota-Engil, une société portugaise spécialisée dans les études techniques et la construction, la gestion des déchets et la logistique. « Ils ont des racines en Afrique occidentale depuis 40 ans », indiquait M. Ganoza. « Ils ont 5 000 employés en Côte d’Ivoire et s’occupent de la gestion des déchets pour la ville d’Abidjan. »

Le camp d'hébergement pour la main d'oeuvre de la mine. Avec l’aimable autorisation de Fortuna Silver Mines 

 

Au plus fort des activités, M. Ganoza estime que la mine emploiera 600 employés, la plupart des environs. « Nous dépendons d’un petit groupe d’experts expatriés, mais notre main-d’œuvre est et continuera d’être majoritairement ivoirienne », ajoutait-il.

Augmenter les ressources

Même lorsque la construction battait son plein en 2022 et à la fin des travaux en 2023, Fortuna a continué à forer sur sa propriété de 62 000 hectares.

« À une époque où de nombreuses sociétés ralentissent leurs activités d’exploration, nous sommes restés dans une stratégie offensive », indiquait M. Ganoza. La société a prévu un budget de 12 millions de dollars américains en 2022, et 9 millions supplémentaires pour 2023. À la mi-mars, la société avait foré près de la moitié de son programme de 9 500 mètres.

À ce jour, ses efforts ont porté leurs fruits. Fortuna procède actuellement à un forage intercalaire dans un sixième gisement, Sunbird. En décembre 2022, la société communiquait les premières ressources indiquées de Sunbird, qui étaient de 279 000 onces d’or à partir de 3,2 millions de tonnes, d’une teneur de 2,66 g/t. La révision des ressources présumées annonçait quant à elle 506 000 onces d’or à partir de 4,2 millions de tonnes, d’une teneur de 3,73 g/t. Fortuna prévoit d’ajouter le gisement à la réserve du projet d’ici la fin de l’année.

D’après M. Weedon, la géologie du terrain de Séguéla est typique de la région. Le projet est situé dans la ceinture de roches vertes birimienne d’Afrique de l’Ouest, qui couvre le Ghana, la Côte d’Ivoire, la République de Guinée, le Mali et le Burkina Faso. Les gisements de Séguéla sont des systèmes filoniens orogéniques.

« À Séguéla, la minéralisation contient du quartz et du carbonate. Nous avons beaucoup d’or à l’état natif. Ainsi, nous enregistrons l’or visible comme l’un de nos codes lors de la diagraphie des carottes de forage », décrivait-il.

M. Weedon travaille sur ce projet depuis qu’il a été racheté par Roxgold à Newcrest Mining en 2019. « Lorsque nous avons acheté ce projet, il avait environ 400 000 onces et une troisième ressource », se rappelait-il. « Aujourd’hui, nos ressources approchent les deux millions d’onces. Nous avons mené de nombreuses études géophysiques, une vaste campagne de cartographie, des études supplémentaires sur la géochimie du sol et une grande quantité de forage supplémentaire. Et nous continuons toujours aujourd’hui. »

Outre Sunbird, l’équipe de Weedon a identifié quatre cibles prometteuses sur lesquelles la société se concentrera cette année. L’exploration se poursuivra également à des profondeurs supérieures d’ici la fin de l’année 2023 et courant 2024.

D’après M. Weedon, les gisements orogéniques ont tendance à être profonds, et ont donc un grand potentiel souterrain. « Certains des plus grands gisements d’Afrique occidentale ont une profondeur de plus de deux kilomètres », indiquait-il. « Notre forage le plus profond est d’environ 550 mètres verticaux. Nous ne nous sommes pas encore penchés dessus, car nous avons été trop occupés par le forage pour l’exploitation à ciel ouvert. Nous sommes encore loin d’avoir libéré tout le potentiel de Séguéla. »

Fortuna élargit aussi ses horizons d’exploration. « Nous avons des programmes d’exploration en cours dans d’autres propriétés en Côte d’Ivoire, et nous cherchons à étendre notre portée davantage. Nous évaluons également les possibilités dans les pays voisins pour voir si nous pouvons développer nos activités », concluait M. Weedon.