Cementation a utilisé une foreuse Strata 950 de son équipement pour fraiser les monteries à la mine de Thompson T3. Avec l’aimable autorisation de Vale Canada
La monterie à double puits de mine à air recyclé de la mine de nickel Thompson T3 de Vale Canada à Manitoba, développée par la société contractante et d’études techniques Cementation Canada Inc., a atteint un tournant majeur en septembre 2023. Après quelque 600 jours d’exploitation, le projet a établi un nouveau record en matière de forage continu de la monterie la plus longue sur le continent américain, à 1 076 mètres (3 529 pieds).
Un immense gisement de nickel a été découvert en 1956 dans le Manitoba par l’International Nickel Company (INCO), et la mine de Thompson a vu le jour en 1961. À son apogée dans les années 1960, elle était la plus grande mine, fonderie et raffinerie de nickel intégrée au monde, et la deuxième plus grande exploitation productrice de nickel à l’échelle mondiale.
Aujourd’hui, Vale, qui a racheté INCO en 2006, poursuit ses activités à la mine de Thompson dans deux mines souterraines connectées, T1 et T3. D’après les dernières données de Vale Canada, la mine a produit 11 400 tonnes de produit fini de nickel dans les 12 mois précédant le T1 (1er trimestre) 2025.
Ayant conscience de la nécessité de la durabilité à long terme, les discussions à Vale en 2018 ont abouti au lancement du projet d’expansion de la mine de Thompson (TMEP, de l’anglais Thompson Mine Extension Project). Cette initiative portait sur les améliorations indispensables à l’infrastructure pour contribuer au développement de corps minéralisés plus profonds, qui permettraient de prolonger la durée de vie de la mine. L’un des éléments principaux du projet d’expansion concerne la construction d’un nouveau système d’aérage pour la mine T3, qui doublerait la circulation d’air vers ses zones les plus actives.
« L’objectif est de prolonger la durée de vie de la mine d’une décennie supplémentaire et probablement au-delà », expliquait Mark Johnson, directeur de projet principal du TMEP à Vale.
Pour atteindre cette hausse de capacité d’aérage, Vale a dû créer une monterie à double puits de mine à air recyclé.
« Nous ajoutions des ventilateurs d’air recyclé pour monterie pour vider l’air de la mine. Cela fonctionne comme un grand circuit », expliquait M. Johnson. « De l’air extérieur est envoyé dans la mine, et l’air vicié évacué. L’idée à l’origine des monteries est d’améliorer l’aérage de la mine afin de renforcer la capacité à creuser plus profond. »
Pour ce type de travail, Vale a fait appel à une société ayant l’expertise et l’équipement nécessaires pour installer les monteries. En milieu d’année 2021, Vale a décidé de contacter Cementation, qui a effectué 53 projets de forage ascendant en Amérique du Nord, pour procéder à l’excavation de deux monteries de surface d’un diamètre d’environ 3 mètres à une profondeur de plus de 1050 mètres.
Des conditions favorables dans les roches
En théorie, le forage ascendant est un processus relativement simple permettant de creuser un puits entre deux niveaux de la mine, ou de la surface à un niveau inférieur : un engin de forage ascendant est placé au niveau supérieur. Il fore un avant-trou vers le bas, en direction du niveau inférieur. Une fois que le forage a atteint le niveau inférieur, le trépan utilisé pour l’avant-trou est remplacé par une tête de fraisage bien plus large, puis il est tiré vers le haut, élargissant le diamètre du trou à mesure des rotations.
Toutefois, avant que ne commence le forage, le sol constitue un facteur décisif dans la réussite potentielle du projet de forage ascendant.
« C’est le sol qui nous dira ce que l’on peut ou ne peut pas faire », indiquait M. Fallon. « Le sol dictera la longueur de la monterie [et] combien de temps elle pourra tenir seule. Une fois que l’on a cette information, on peut déterminer la taille de la monterie sur la base des besoins des clients. »
Le projet de forage des monteries à la mine de Thompson T3 a nécessité deux configurations de surface, toutes deux réalisées en pleine saison hivernale. Avec l’aimable autorisation de Cementation Canada
À la mine de Thompson, le forage exploratoire confirmait que la formation rocheuse était constituée de gneiss, un type de roches métamorphiques solides.
« Les conditions au sol à la mine de Thompson sont généralement de bonne qualité, notamment là où est proposé l’emplacement de la monterie. Le gneiss massif permet un forage/fraisage régulier et une excavation stable », indiquait Ryan Lyle, ingénieur spécialiste principal en géotechnique chez Cementation.
« Les bonnes conditions au sol sont toujours très importantes pour ces projets de monteries, car on ne peut pas soutenir le sol pendant l’excavation », expliquait M. Lyle. « L’une des raisons pour lesquelles il n’existe pas de monterie aussi longue est qu’il est rare de trouver de si bonnes conditions au sol sur une si longue distance. Si le sol avait été meuble et instable dans les couches intermédiaires (même si cela ne représente que 1 % ou 2 % de la longueur totale de la monterie), la réalisation de cette monterie n’aurait pas forcément été possible. »
Surmonter les difficultés
Si le forage ascendant est une méthode bien établie d’excavation des puits, l’équipe de forage ascendant de Cementation a rencontré plusieurs problèmes importants pour faire face à un projet de cette ampleur.
Le premier gros obstacle concernait les conditions de surface instables. Si la roche souterraine était solide, le sol au-dessus était essentiellement marécageux.
« L’endroit où l’on proposait de construire les monteries était recouvert de plus de 12 mètres de morts-terrains. On ne pouvait envisager de forer ou de créer une monterie au travers de morts-terrains peu solides », ajoutait M. Lyle.
Pour résoudre ce problème, Cementation a fait équipe avec un entrepreneur tiers pour mettre en œuvre une méthode d’empilage sécante servant à stabiliser le sol meuble en surface. Les équipes ont pu creuser le sol meuble et le remplacer par des pieux en béton pour soutenir l’engin de forage ascendant et les parois de la monterie durant l’excavation.
Cementation a utilisé un système de forage vertical rotatif (RVDS, de l’anglais Rotary Vertical Drilling System), conçu et fabriqué par le fabricant allemand Mico pour forer et contrôler les avant-trous verticaux. Le RVDS a rencontré des difficultés avec le béton de fibres qui remplaçait les morts-terrains, mais il a fini par donner des résultats précis.
En juin 2022, l’équipe de Cementation marquait la réalisation du forage du premier avant-trou à la mine de Thompson T3, le plus long avant-trou de forage de montage effectué sur le continent américain. Avec l’aimable autorisation de Cementation Canada
« Avec ces avant-trous, nous étions à environ 45 centimètres à la verticale sur plus de 1 050 mètres », indiquait M. Fallon. « Cela représente une déviation d’à peine 0,00045 %, ce qui est exceptionnel. »
Une autre grande difficulté concernait les phénomènes météorologiques extrêmes à Thompson, dans le Manitoba. Le projet de forage ascendant exigeait deux configurations de surface, terminées au beau milieu de l’hiver (janvier 2022 et janvier 2023), lorsque les températures avoisinaient les moins 45 degrés Celsius. Il n’a pas été facile de maintenir l’équipement en opération dans de telles conditions.
« Quand on creuse un avant-trou, on a également un système d’albraques en surface de 40 000 gallons dans lequel l’eau doit [pouvoir] continuer à circuler », expliquait M. Fallon. Pour éviter que l’eau ne gèle, Cementation a été puiser dans la chaleur naturelle de la Terre tout en ajoutant des sources de chauffage et d’énergie externes.
Le poids du train de forage présentait une difficulté et un grand risque supplémentaires.
Sur toute sa profondeur, Cementation utilisait 700 tiges de forage, qui pesaient au total 1,1 million de livres (soit 410,6 tonnes). L’équipe a dû faire extrêmement attention avec chacune des connexions dans le train de forage à chaque fois que les tiges de forage étaient placées dans les avant-trous, ou retirées de ces derniers.
Malgré tout, expliquait M. Fallon, le fraisage des deux monteries a dépassé les attentes, car les conditions de fraisage étaient exceptionnelles sur toute la longueur des monteries. Cementation a utilisé la foreuse Strata 950 de son parc, que la société a construite et développée en interne.
« En fin de compte, pour deux monteries de cette longueur, l’exécution s’est vraiment bien passée », indiquait M. Fallon. « Nous avons respecté les délais, les deux monteries étaient si proches. Nous avons commencé en janvier 2022 et terminé le projet en septembre 2023, soit en à peine plus de 18 mois. »
La réussite, en toute sécurité
Cementation et Vale attribuent la réussite du projet de forage ascendant à leur partenariat étroit et leur engagement commun à l’égard de la sécurité. Dès le départ, la collaboration était le moteur de chaque décision, expliquaient les porte-parole des deux sociétés.
« Ce qui était intéressant avec ce projet, c’est que nous avions l’appui du client », indiquait M. Fallon. « L’engagement a été rapide, [et] nous avons collaboré en tant qu’équipe pour parvenir à un objectif commun, celui d’un projet dépourvu du moindre incident, réalisé dans le respect du budget et des délais. Nous étions ouverts aux propositions, et elles se sont avérées très utiles. »
Pour Vale, la volonté de Cementation d’inclure la sécurité et l’amélioration continue était précieuse, indiquait M. Johnson.
« Nous avons identifié certaines défaillances du côté de la sécurité avec eux. Au lieu de s’insurger contre nous et de prétendre qu’ils avaient toujours procédé ainsi, ils ont fait preuve d’une grande collaboration et se sont révélés être un excellent partenaire », ajoutait-il.
L’une des principales améliorations en matière de sécurité a vu le jour alors que nous assurions la protection des opérateurs et opératrices de tiges de forage en rotation, pendant le processus de forage ascendant. Étant donné que l’ajout et le retrait des tiges de forage impliquaient une interaction humaine fréquente avec un équipement lourd en rotation, Vale a perçu un danger et a suggéré une mesure de protection.
Cementation n’a pas seulement acquiescé, mais a développé, à sa charge, un système de verrouillage du tapis de sûreté. Cela garantissait que, si quelqu’un se tenait dans cette zone à proximité de la maîtresse-tige en rotation, la rotation de l’engin de forage ascendant s’arrêterait.
« Ils ont relevé le niveau de sécurité », indiquait M. Johnson. « Nous avons remarqué que parfois, les opérateurs et opératrices se trouvaient hors du tapis et essayaient d’attraper l’autre extrémité de la foreuse. [Cementation] a fait en sorte qu’à chaque fois qu’ils mettaient en marche le tapis, ils soient contraints de se rendre dans une zone de sûreté et d’enclencher la réinitialisation. »
Cet engagement envers la sécurité a fini par payer. De fait, Cementation a terminé le projet de forage des monteries sans aucun accident ni incident entraînant une perte de temps. La société a également remporté le prix de la sécurité 2023 de l’Ontario Mine Contractors Safety Association (OMCSA, l’association chargée de la sécurité des entrepreneurs miniers de l’Ontario) pour le système de verrouillage du tapis de sûreté développé dans le cadre de ce projet.
« Tout l’équipement que nous utilisons dans notre travail est de la machinerie lourde », expliquait M. Fallon. « Chaque coupe-tige pèse 125 kilogrammes, un trépan pilote pèse 200 kilogrammes, et une tige de forage peut peser plus de 650 kilogrammes par 1,5 mètre. Nous utilisons des pressions hydrauliques à haute tension (au-delà de 13 800 volts) allant jusqu’à 5 000 livres (environ 2,25 tonnes) par 6,5 centimètres carrés (cm²) et des couples mécaniques dépassant 400 000 pied-livres pour faire fonctionner l’engin de forage ascendant. La foreuse Strata 950 a une force de traction de plus de 1 360 tonnes. Tout ce que nous faisons est grand, lourd, à haute pression et difficile. »
Si le record des plus longues monteries du continent américain est certainement un accomplissement remarquable, M. Fallon indiquait que le projet avait marqué un autre tournant.
« Notre bilan de sécurité », indiquait-il, « est un accomplissement dont nous sommes fiers. »
Traduit par Karen Rolland