Tarachi Gold souhaite retraiter les stériles anciens à son concentrateur de Magistral au Mexique. La société estime que les stériles contiennent environ 85 000 onces d'or. Avec l'aimable autorisation de Tarachi Gold
Un concours parfait de moteurs financiers, environnementaux et sociaux incite les sociétés minières à retraiter leurs stériles anciens. L'extraction de plus de métal de ces gisements de minerais accessibles à faible teneur génère d'une part, des revenus supplémentaires et d'autre part, contribue à refaçonner l'héritage social et environnemental d'exploitations plus anciennes et de l'industrie dans son ensemble.
Les gisements de minerais exploités il y a 50 ou 100 ans, voire plus, affichaient des teneurs plus élevées, proche de la surface. Leur métal était relativement facile à extraire à l'aide de la technologie de l'époque. Une fois extrait le métal facile d'accès, entre un cinquième et un quart du métal était abandonné dans le gisement, dans les stériles. Aujourd'hui, les matières premières atteignent des prix records (ou proches) et de nouvelles approches métallurgiques sont disponibles. Ainsi, le retraitement des stériles anciens constitue une aubaine pour l'industrie minière, qui pourra tirer des revenus de ce que l'on considérait strictement jusqu'ici comme de vulgaires déchets.
D'après Matt Pyle, directeur des solutions techniques au bureau d'études spécialisées Ausenco, l'expertise technique en matière de projets de retraitement des stériles est de plus en plus demandée.
« Si le prix des matières premières double, on peut plus facilement se permettre de traiter les corps minéralisés de faible teneur et complexes sur le plan métallurgique », déclarait M. Pyle. « Ces projets sur les stériles impliquent un retraitement du matériau qui a déjà été traité. Cela veut dire que ce qui est à portée de la main, à savoir les minéraux faciles à récupérer, ont déjà été extraits. Malgré tout, les approches modernes et les nouvelles techniques de traitement nous permettent de retraiter le même matériau, et de récupérer une grande partie de la valeur du métal qui n'a pas été exploitée. Assurément, on s’intéresse à la forte reprise des prix des matières premières, associé à la possibilité de procéder à la remise en état et la fermeture en bonne et due forme des mines, avec des résultats positifs pour les parties prenantes tout autant que pour les communautés locales. »
Technologie de pointe
Au fil du temps, la teneur des nouveaux gisements découverts a décliné, leur profondeur a augmenté et ils deviennent toujours plus complexes sur le plan métallurgique. Parallèlement, les économies d'échelle et les technologies de traitement ont évolué. La gamme de technologies utilisées pour retraiter les stériles varie en fonction de la matière première recherchée, de la nature du matériau traité et de la méthode initiale utilisée pour extraire le matériau.
La plupart des exploitations qui traitent les stériles s'intéressent à des déchets miniers vieux de plusieurs décennies, mais certaines utilisent du matériau fraîchement traité. C'est le cas de l'exploitation MVC d'Amerigo Resources au Chili, qui produit du cuivre et du molybdène à partir des stériles récents et anciens de la mine El Teniente de Codelco.
Les stériles anciens doivent encore être explorés pour déterminer la teneur et la distribution du matériau à plus haute teneur. Le forage est cependant moins onéreux et plus simple sur des stériles vaguement entassés à quelques dizaines de mètres de profondeur seulement, même si on a encore du mal à comprendre la teneur en minerai qu’il reste dans les stériles, en raison de la façon dont ils ont été déposés. Toutefois, de manière générale, les méthodes minières pour les stériles anciens sont peu coûteuses par rapport à celles utilisées pour certains corps minéralisés récents. Elles reposent sur l'excavation ou l'abattage hydraulique, où des jets d'eau sous forte pression désintègrent le matériau.
« Les particules sont déjà fines, la majeure partie de l'énergie a déjà été dépensée », déclarait M. Pyle. « Pour certains projets aurifères, le broyage de particules en une granulométrie très fine permet de libérer de l'or que l'on n'avait pas extrait auparavant car cela n'était pas économiquement rentable. Dans d'autres cas, les technologies plus récentes permettent de récupérer des valeurs métalliques à des tailles plus grossières par rapport à ce qui était possible auparavant. » D'autres améliorations, spécifiquement les nouveaux réactifs et un contrôle plus stable du concentrateur, permettent généralement de récupérer entre 40 % et 60 % de la valeur restante dans les stériles.
À DÉCOUVRIR: Trevali rouvre la mine Caribou et lui redonne un nouveau souffle
Une opportunité sur le plan social et environnemental
Dans de nombreux cas, les technologies les plus récentes qui permettent une seconde extraction et un retraitement sont associées à la remise en état des mines. Cela permet de reconcevoir les installations de stockage des résidus miniers et de les mettre aux normes modernes.
« La technologie de dénoyage constitue une partie importante de l'assainissement, qui permet de laisser sécher les stériles à l'extérieur et de les stocker de manière plus sûre », indiquait M. Pyle. « Le stockage sécurisé des stériles consiste principalement à réduire la quantité d'eau se trouvant dans le bassin, faute de quoi des ruptures peuvent se produire, avec des conséquences catastrophiques. Heureusement, de grands filtres et les nouvelles technologies de la centrifugation permettent un assèchement viable des stériles, tout en réduisant la consommation d'eau. Ceci est particulièrement important pour les mines se trouvant dans des régions arides, où les économies réalisées en termes de coûts d'approvisionnement en eau viennent largement compenser le coût de l'assèchement des stériles. »
Prenons par exemple le filtre-presse GHT-F de Diemme Filtration, une série de dizaines de plaques géantes arrangées en accordéon et équipées d'une toile filtrante, pressées simultanément pour rapidement assécher les boues de stériles et produire un « pain » de stériles asséchés. La plus grande installation multifiltres de Diemme Filtration peut assécher plus de 25 000 tonnes métriques par jour de matériau.
Après le retraitement et le dénoyage, les nouveaux stériles peuvent être stockés dans des installations aménagées conformes aux exigences environnementales modernes, puis réhabilités en terres utilisables. Les stériles plus secs et plus sûrs présentent des avantages pour les communautés voisines. La société minière, quant à elle, peut éventuellement récupérer une caution environnementale payée en amont pour l'assainissement futur, ou utiliser les revenus pour financer des activités d'exploration. C'est le cas pour la société canadienne Tarachi Gold, qui s'en est remis à Ausenco pour développer un schéma de procédé pour le retraitement efficace des stériles à son concentrateur de Durango, au Mexique.
Le concentrateur de Magistral de Tarachi et le projet de retraitement des stériles au Mexique
Tarachi a acheté le concentrateur de Magistral del Oro en février 2021. Le concentrateur avait été construit par son prédécesseur Manto Resources dans l'optique de retraiter environ 1,3 million de tonnes de stériles abandonnés à Magistral, une région ayant une riche histoire d'exploitation minière. Entre 1890 et 1960, les mines de la région de Magistral ont produit quelque 800 000 onces (environ 22,6 tonnes) d'or, et une estimation des ressources historiques indiquait que le gisement contenait de 10 à 11 grammes par tonne (gpt) d'or et environ 1 % de cuivre. Les techniques d'extraction utilisées à l’époque étaient efficaces à 80 %. Tarachi estime que ce qui reste aujourd'hui est un gisement de stériles affichant environ 2,05 gpt d'or et contenant l'équivalent de 85 000 onces (environ 2,4 tonnes) d'or.
Comme l'expliquait Cameron Tymstra, ingénieur des mines, président et directeur général de Tarachi, « l'ancienneté des stériles est proportionnelle à la possibilité de trouver quelque chose de valeur. Avec une teneur moyenne de seulement un gramme d'or par tonne dans la plupart des mines d'or à ciel ouvert aujourd'hui, la teneur réelle de nos stériles est réellement plus élevée que celle de nombreuses exploitations minières traditionnelles. »
Lorsque l'exploitant précédent l'a mis en vente en 2020, Tarachi a saisi l'occasion pour acheter le concentrateur dans l'intention de le remettre en service et de générer un revenu qui permettrait de financer les activités d'exploration de Tarachi vers le nord à Sonora, au Mexique.
Le concentrateur de Magistral a été fabriqué sur mesure pour retraiter les stériles des mines d'or à un taux de 1 000 tonnes par jour (tpj) à l'aide d'un système de lixiviation au cyanure par agitation et du procédé de récupération Merrill-Crowe, une technique de séparation permettant d'éliminer l'or d'une solution de cyanure par la précipitation du zinc.
« Notre plus grande difficulté technique reste indéniablement la présence de cuivre, qui se dissout également dans la solution de cyanure. » Ceci augmente la consommation de cyanure. Ausenco a recueilli des échantillons et met au point des recommandations pour modifier le procédé d'extraction ou ajouter un équipement supplémentaire pour maximiser la récupération.
D'après M. Tymstra, une évaluation économique préliminaire (ÉÉP) du concentrateur de Magistral était prévue en août 2021, et la production d'or devrait commencer durant le premier semestre 2022. Tarachi estime que les stériles disponibles pourraient alimenter le concentrateur pendant environ quatre ans et produire jusqu'à 15 000 onces (environ 425 kilogrammes) d'or par an lorsqu'il fonctionne à plein régime.
Il évoquait également les avantages environnementaux et sociaux du projet. D'après les essais et les recherches sur les matériaux, Tarachi et Ausenco savent que les stériles contiennent du mercure, car l'installation d'origine était une usine d'amalgamation du mercure.
« Les stériles que nous allons extraire se trouvent dans le voisinage immédiat de la communauté locale », indiquait M. Tymstra. « Les membres de la communauté vivent juste à côté, mais ces stériles ne sont pas contenus dans une installation aménagée de stockage des stériles comme il le faudrait de nos jours. » On ne peut pas empêcher le transport d'eaux polluées par le mercure lors du ruissellement des eaux de pluie vers les sources d'eau potable de la communauté, déplorait M. Tymstra.
« L'extraction et le stockage de ces stériles dans une installation aménagée de stockage des stériles nous permettront d'obtenir une zone plus saine que lorsque nous sommes arrivés ici », concluait M. Tymstra. « La plupart des sociétés minières peuvent difficilement en dire autant. »
Traduit par Karen Rolland