La zone de l’usine de traitement de la mine de Blackwater en mai 2023. Avec l’aimable autorisation de Artemis Gold
Les mines qui envisagent la décarbonation de leurs activités orientent souvent leurs efforts sur le carburant utilisé dans leur parc automobile. Toutefois, éliminer l’utilisation des combustibles fossiles dans les usines de traitement des minerais peut aussi aider les sociétés à atteindre leurs objectifs de neutralité carbone.
Le prestataire de solutions pour le traitement des minerais Sedgman a relevé le défi de l’électrification dans la conception et la construction de l’usine de la mine de Blackwater d’Artemis Gold, qui traite six millions de tonnes par an. Cette usine est en cours de construction dans le centre de la Colombie-Britannique, une province qui a accès à des ressources hydroélectriques abordables et renouvelables.
L’idée, déclarait Karl Haase, directeur de l’ingénierie à Sedgman, était une collaboration entre sa société et Artemis Gold.
« Leur approche était fortement axée sur le respect de l’environnement », expliquait-il. « Lorsque la société a développé la mine de [Blackwater] et a demandé des conseils, c’était l’un des premiers points sur lesquels elle voulait se montrer réellement vigilante. Essentiellement, elle souhaitait collaborer avec nous pour établir un mandat des meilleures pratiques environnementales. »
Un modèle de l’usine de traitement des minerais en construction à la mine de Blackwater. Aucun de ces bâtiments ou de ces zones n’utilisera de combustible fossile. Avec l’aimable autorisation de Sedgman
L’usine sera composée d’un circuit de broyage à sec en trois étapes, d’un broyeur à boulets à une seule étape de 14 mégawatts (MW) et d’un circuit de fragmentation de l’or à gravité, associé à un circuit de lixiviation au carbone traitant 16 000 tonnes par jour. Au lieu d’utiliser des sources de chaleur classiques telles que le gaz naturel ou le diesel, la conception de l’usine de Sedgman comprenait un système de chauffage électrique à élution, un four électrique et une fonderie électrique.
La construction a commencé en 2023. Artemis Gold prévoit la mise en service de l’usine au deuxième semestre 2024, pour une durée de 22 ans.
« Nos ingénieurs étaient ravis que [zéro combustible fossile] soit dans le mandat [de conception], car cela a légèrement facilité la décision », indiquait M. Haase. « La question n’est pas de savoir quelles technologies choisir en général, mais quelle technologie électrique [utiliser]. »
Enjeux de l’électrification de l’usine
La transformation en une usine fonctionnant intégralement à l’électricité n’a toutefois pas été simple. Comme le sait tout cuisinier, la chaleur issue de combustibles fossiles s’arrête dès que l’on éteint le brûleur. Les éléments électriques, quant à eux, refroidissent progressivement. Ceci, expliquait M. Haase, présente certaines difficultés opérationnelles.
Artemis Gold, par exemple, a décidé qu’elle voulait un système de combustion du soufre en granulés afin de créer le dioxyde de soufre nécessaire pour détoxifier les réactifs utilisés dans l’extraction de l’or.
« Généralement, [la combustion du soufre] commence avec des combustibles fossiles, puis on brûle le soufre », indiquait M. Haase. « Nous avons dû nous rapprocher d’un partenaire pour obtenir une conception entièrement électrique dès le départ. Un système électrique auxiliaire doit permettre de conserver la chaleur de la brique réfractaire [à tout moment], afin qu’elle ne se fende pas ni ne provoque de dégât au système lorsqu’on ne brûle pas de soufre. »
Pour faire face à ce problème, indiquait-il, Sedgman a conçu deux systèmes de chauffage auxiliaires distincts. Mais, comme le faisait remarquer M. Haase, ceci impliquait de produire une grande quantité de chaleur alors qu’elle n’était pas forcément nécessaire pour brûler le soufre. Ainsi, Sedgman a aussi trouvé des manières d’utiliser la chaleur excédentaire pour, par exemple, alimenter les manchons de vapeur entourant les canalisations afin de préserver le soufre fondu à la bonne température avant qu’il n’atteigne le four à soufre, ou pour chauffer l’eau allant dans le silo de chaux afin que sa réaction se fasse correctement. L’équipe a également envisagé des manières de compléter le chauffage des bâtiments avec la chaleur résiduelle du four.
Le four électrique utilisé dans la régénération de charbon nécessitait aussi une attention immédiate. Il doit atteindre des températures d’environ 700 degrés Celsius. Le four tourne de manière à ce que le charbon soit traité par la chaleur de manière homogène. Toutefois, en cas de panne de courant, la rotation cesse. Du fait que les bobines électriques ne refroidissent pas instantanément, la cuve interne pourrait se déformer car certains endroits touchent les éléments de chauffage et d’autres refroidissent rapidement. Ceci signifie que les batteries de secours pour les éléments tournants sont essentielles, précisait M. Haase.
La plus grande difficulté, ajoutait-il, concernait la taille de l’équipement et celle des câbles nécessaires pour l’alimenter.
« Généralement, le système de chauffage à élution alimenté au diesel est un très petit brûleur, et il nécessite quelques mètres carrés d’espace au sol. Il est très facile à trouver. »
« Ce système de [chauffage électrique à élution] est composé de trois séries de chauffe-eau empilés avec de nombreuses boîtes de connexion électriques. La tension doit être basse, car globalement, on force la résistance pour créer de la chaleur. Pour créer cette résistance, tout est fait à 600 volts et non pas à haute tension », expliquait M. Haase.
« Dix-huit câbles électriques épais sont connectés. Il nous a été difficile, à nous comme aux fournisseurs, de les [configurer] intelligemment, sans restreindre l’accès, puis de les placer dans la même boîte de connexion. »
Le système électrique d’élution à lui seul requiert 4,2 MW de puissance installée. Le four électrique a besoin de 700 kilowatts supplémentaires, indiquait-il. Cela représente environ 15 % de la puissance totale de l’usine de la mine de Blackwater. « Entre les deux, avec près de cinq mégawatts de basse tension, c’est assez compliqué pour les ingénieurs, qui doivent s’assurer de la sécurité du procédé. Le câble à basse tension est gros, plus difficile à installer et présente des risques en termes de sécurité si la manipulation n’est pas faite correctement, surtout pour placer les gros câbles dans les boîtes de connexion. Les systèmes fonctionnant aux combustibles fossiles ne rencontrent pas ces difficultés électriques, et sont généralement plus petits et plus rentables. »
M. Haase ajoutait que les coupures de courant constituent la plus grande préoccupation en termes de sécurité dans l’équipement électrique. « Avec une gestion des brûleurs à combustibles fossiles, [si] le courant s’arrête, le combustible et la chaleur s’arrêtent aussi instantanément », expliquait-il. « Avec des chauffages électriques à induction, les éléments restent chauds pour un moment, et les autres éléments qui pompaient ou tournaient sont désormais à l’arrêt. »
Toutefois, faisait-il remarquer, l’utilisation du système électrique d’élution devrait être « simple et conviviale » par rapport à un système alimenté aux combustibles fossiles, car même les plus performants de ces systèmes ont des fuites dans leur canalisation, les rendant malodorants et sales. Cette installation entièrement électrique, indiquait-il, sera « exceptionnellement propre » à utiliser.
Consommation électrique
L’usine de traitement de la mine de Blackwater consommera beaucoup d’électricité. Pour l’alimenter, Artemis Gold construit un prolongement de 140 kilomètres de son réseau électrique vers le site.
L’équipe de M. Haase travaille encore sur le calcul du nombre de tonnes de CO2 qui ne sera pas généré grâce aux processus plus propres à l’usine, mais les réductions des émissions de dioxyde de carbone devraient être considérables.
M. Haase informait les sociétés qui envisagent l’électrification de leur usine de traitement de l’or d’être bien conscientes, lors de la budgétisation, que les dépenses en capital en amont seront supérieures à celles des usines alimentées par combustibles fossiles.
« Toutefois, en supposant que la production d’électricité est moins chère que l’achat de combustibles fossiles (et c’est généralement le cas), le capital investi en amont sera récupéré dans les coûts d’exploitation », ajoutait-il. « Le traitement de ces dépenses en VAN [valeur actualisée nette] peut s’avérer compliqué pour certaines petites sociétés minières, qui pourraient penser qu’elles ne récupéreront jamais cet argent en termes de valeur de projet, de VAN ou de RCI [rendement du capital investi]. C’est pourquoi, malheureusement, certaines sociétés ne font jamais le pas. »
Il ne faut pas oublier, dans ce cas, que la C.-B. dispose d’hydroélectricité abordable et renouvelable, ajoutait-il. Dans d’autres régions qui n’ont pas de ressources hydroélectriques suffisantes, ces questions devront se poser avant de se lancer.
« Il faut aussi tenir compte de la provenance de l’électricité, des possibilités de produire de l’électricité plus propre et d’obtenir une alimentation électrique de base abordable et fiable pour ces projets », faisait-il remarquer. « Nombre de projets ne pourront pas bénéficier de l’hydroélectricité. Pour ces derniers, il pourrait paraître formidable de fonctionner intégralement à l’électricité, mais ce n’est pas le cas. On ne fait que déplacer le problème. C’est réellement la pièce manquante du puzzle, à savoir comment assurer une production d’énergie électrique abordable, renouvelable et sur place pour ces installations. »
Traduit par Karen Rolland