Le gisement du projet Onaping Depth de Sudbury INO (Sudbury Integrated Nickle Operations) se trouve horizontalement à plus d’un kilomètre de la mine Craig actuelle (ci-dessus) et à plus de 1 000 m de profondeur par rapport à cette mine. Avec l'autorisation de Sudbury INO de Glencore
Le gisement de nickel-cuivre Onaping Depth de Glencore, à Sudbury, en Ontario, est connu des sociétés minières depuis le milieu des années 1990. Il se trouve à une profondeur d’environ 2 500 m à proximité de deux mines précédemment en exploitation, la mine Craig et la mine Onaping, mais la question de savoir comment accéder au corps minéralisé profond et comment l’exploiter de façon rentable n’a jamais été résolue.
« On a étudié la question depuis la fin des années 1990 », a expliqué Craig Harris, ingénieur principal en électricité à Sudbury INO de Glencore. « Nous avons étudié un certain nombre de solutions pour essayer de surmonter les difficultés techniques et financières. »
Le problème principal à Onaping Depth, c’est la ventilation. Le gisement est situé à plus d’un kilomètre horizontalement des activités d’exploitation de la mine Craig et à plus de 1 000 m de profondeur par rapport à cette mine. Même en utilisant de nouvelles rampes et descenderies à partir de la mine Craig pour faciliter l’accès, le projet nécessiterait quatre nouvelles ouvertures vers la surface – deux puits d’entrée d’air et deux puits de sortie d’air – afin de ventiler convenablement les émissions de l’équipement fonctionnant au diesel. À une telle profondeur, le coût de ces puits est prohibitif.
Arrive la solution potentielle : des véhicules miniers électriques. Cette technologie a été mise en œuvre avec succès à Macassa et au Complexe minier sud de Kirkland Lake Gold. En 2012, dans le cadre d’un plan d’approfondissement de la mine, Kirkland Lake a commencé à utiliser quelques chargeurs-transporteurs et camions de roulage électriques en raison de ses propres contraintes en matière de ventilation.
« Le fait qu’une société minière utilise déjà ce genre d’équipement rend cette solution beaucoup plus crédible », a indiqué M. Harris. « Nous avons vu que c’est une réussite pour KLG et nous avons dit, ‘Eh bien, pourquoi ne pourrions-nous pas adopter cette solution pour toute la mine?’»
Si vous ne pouvez pas supporter la chaleur, débarrassez-vous de votre équipement fonctionnant au diesel
Les avantages des véhicules électriques énumérés par M. Harris comprennent la réduction des émissions de gaz à effet de serre, la meilleure qualité de l’air sous terre, des niveaux de bruit plus faibles, moins d’émission de chaleur et des coûts d’exploitation réduits (le prix de l’alimentation électrique correspond à environ un tiers du coût du diesel selon l’estimation de Sudbury INO). Toutefois, pour qu’Onaping Depth soit viable sur le plan économique, la réduction des coûts de ventilation est un facteur essentiel.
« Pour n’importe quelle mine, la ventilation représente l’une des parties les plus importantes des coûts d’exploitation », a souligné M. Harris. « Si vous pouvez réduire de moitié les coûts de la ventilation, ce qui est pratiquement ce que nous avons fait, c’est extrêmement profitable. »
Il y a aussi d’autres avantages subséquents. En l’absence d’équipement fonctionnant au diesel, la société n’a pas besoin d’envisager des règles plus strictes en matière de rejet de particules par cheval-vapeur. De nouvelles possibilités sur le plan de la conception peuvent être envisagées, selon M. Harris, comme le recyclage de l’air souterrain et l’utilisation d’installations de refroidissement plus petites et mieux situées. « Moins vous avez besoin d’amener d’air de la surface sous terre, moins vous aurez besoin d’en refroidir », a-t-il souligné.
Cependant, si la technologie des véhicules électriques utilisés en surface est encore jeune, dans le secteur minier elle en est à ses premiers balbutiements. Glencore souhaite que toute sa flotte de plus de 80 véhicules devienne électrique à Onaping Depth, mais beaucoup de ces véhicules n’existent pas encore en version électrique.
Selon M. Harris, « ce serait difficile à l’heure actuelle d’équiper une mine entière avec des véhicules électriques à batterie, mais nous croyons que dans trois, quatre ou cinq ans, nous serons rendus là. » Il a indiqué que pratiquement tous les fabricants d’équipement sont en phase de recherche et développement pour électrifier leurs produits. « Nous nous sommes renseignés sur les propositions et nous avons trouvé au moins une offre pour les 80 véhicules. »
Ne pouvons-nous pas simplement nous mettre d’accord?
En juillet, un atelier portant sur les véhicules miniers électriques a attiré plus de 70 participants à Sudbury, parmi lesquels des représentants de sociétés minières, des constructeurs de véhicules et des fournisseurs d’équipement électrique qui fabriquent des dispositifs de charge. L’une des questions pressantes soulevées lors de la réunion a été de savoir si l’industrie peut se mettre d’accord sur une seule norme de charge pour les véhicules électriques à batterie. Cela ouvrirait des possibilités pour les sociétés minières qui veulent commander des machines auprès de plusieurs constructeurs tout en évitant un chevauchement des infrastructures. Il ne sera pas facile d’obtenir que de nombreuses sociétés et organisations différentes parviennent à une entente sur une norme unique.
Un groupe a contribué à diriger et alimenter la discussion. Il s’agit du Global Mining Standards and Guidelines Group (GMSG) qui était l’organisateur de l’atelier de Sudbury, ainsi que de deux autres ateliers à Toronto, et à Brisbane, en Australie. Heather Ednie, directrice générale de GMSG, a mentionné qu’actuellement, chaque société qui met au point des véhicules électriques destinés au secteur minier agit à sa guise en ce qui concerne les exigences actuelles en matière de batteries, de chargeurs et d’alimentation. « Si nous continuons dans cette voie, nous allons avoir de graves problèmes de sécurité et les sociétés minières auront beaucoup de dépenses supplémentaires quand elles devront faire fonctionner ensemble des technologies disparates », a souligné Mme Ednie. « Si nous ne travaillons pas ensemble, cela prendra plus de temps pour qu’une mine alimentée par l’énergie électrique atteigne son plein potentiel. » Dans l’espoir de fournir un cadre solide dans lequel les développeurs de technologies pourraient travailler, GMSG a mis récemment sur pied un groupe de travail chargé d’élaborer des normes portant sur l’utilisation de véhicules électriques à batterie dans les mines souterraines.
M. Harris a souligné que compte tenu du fait qu’Onaping Depth en est encore au stade la faisabilité, cela laisse du temps à Glencore pour que ces normes soient approuvées et pour que la technologie se développe et se perfectionne.
La société estime qu’il faut prévoir un surcoût se situant entre 10 % et 100% selon le type de véhicules électrifiés, par rapport au diesel. Cependant elle s’attend à ce que l’écart se réduise dans les quelques prochaines années. M. Harris a admis qu’il y a de l’incertitude au sujet du surcoût, mais que cela ne changera pas la faisabilité du projet. « Avec notre échéancier, nous sommes extrêmement confiants de pouvoir y arriver », a-t-il dit. « Nous n’en ferions pas un cas de référence et n’irions pas de l’avant si nous ne le pensions pas. »
Il a hâte que la technologie arrive cependant. « En ce qui concerne presque toutes les mesures, la performance d’un moteur électrique est largement supérieure à celle d’un moteur diesel. Quelle que soit la mesure que vous prendrez – pollution, bruit, accélération, efficience, confort, entretien même – elles sont toutes meilleures avec un véhicule électrique. »
« Le seul défi est vraiment la densité d’énergie. »
Compter les kilowatts
Cette question – qui se manifeste dans la quantité de travail qu’un véhicule peut accomplir avec une seule charge et dans la durée des périodes de recharge – implique que la planification des activités minières doit tenir compte d’un plus grand nombre de points de détail, comme le plan de stationnement des véhicules, qu’à l’habitude. « La plupart des sociétés d’ingénierie ne se préoccupent pas des endroits où vous allez stationner votre équipement au diesel », a expliqué M. Harris. « L’équipement électrique vous y oblige, car vous avez besoin d’avoir des infrastructures de recharge en place. »
Glencore espère que ses véhicules pourront être utilisés pendant un quart de travail de huit à dix heures sans interruption. Profiter des possibilités de chargement naturelles, comme les périodes de pause et les changements de quart, peut contribuer à prolonger la vie de la batterie, c’est pourquoi la société prévoit installer des bornes de recharge – plus de 100 au total, en supposant une normalisation de l’infrastructure – dans les endroits où se trouvera l’équipement pendant ces temps d’arrêt prévisibles. Le freinage par récupération peut aussi prolonger considérablement la vie de la batterie. Pour un nouveau projet comme Onaping Depth, cela signifie qu’il faut concevoir la mine de telle sorte que le minerai soit transporté sur une pente descendante jusqu’à la halde plutôt que sur une pente ascendante. Pour les projets existants, on n’aura peut-être pas la chance de pouvoir le faire.
Les autres différences sont relativement mineures. « Vous avez besoin de plus d’électriciens », a fait remarquer M. Harris. « Des petits changements sont nécessaires sur le plan de l’expertise. » Les coûts d’entretien peuvent en fait diminuer, du moins une fois que les problèmes initiaux sont résolus. « Une transmission électrique, avec un système de contrôle adéquat, peut réellement réduire les chocs sur les parties mécaniques du véhicule. Elle peut augmenter lentement l’accélération, et c’est moins dur sur la transmission. »
Comme pour toute nouvelle technologie, la sécurité et la formation sont des points préoccupants. L’industrie devra trouver des façons d’évaluer les nouvelles technologies de batteries et les fabricants de batteries. Cependant, ni Mme Ednie ni M. Harris ne pensent que ces questions sont insurmontables. « Plutôt que de dire voilà les caractéristiques chimiques de la batterie que vous devriez choisir, notre groupe examinera plutôt les normes de sécurité de [ces caractéristiques] », a déclaré Mme Ednie. « Si vous voulez introduire ce type de batterie sur le site minier, quelles précautions faut-il envisager sur le plan de la sécurité? Si un fabricant de batteries peut confirmer qu’elles ont été mises à l’essai et respectent les normes de sécurité pour assurer que la batterie qu’il vous vend est sécuritaire et si les risques sont connus et documentés, il appartient à la société minière de décider quelle technologie elle veut utiliser. »
Il ne s’agit pas juste de technologie en tant que fin en soi. À mesure que les sociétés minières descendent plus profond là où il fait plus chaud, a expliqué M. Harris, les véhicules électriques miniers seront des outils essentiels. « À notre connaissance, il n’existe vraiment aucune autre industrie dans le monde susceptible de retirer un plus grand avantage des véhicules électriques à batterie. »
Traduit par CNW