Brucejack approach with glacier view
Il faut traverser le bras principal du glacier Knipple sur 12 kilomètres pour atteindre le projet Brucejack.
Toutes les photos sont aimablement fournies par Pretium Resources

 

 

Les dépassements de coûts dans l’industrie de l’exploitation aurifère sont devenus si fréquents que les investisseurs ont toutes les raisons de n’accorder aucune confiance aux estimations des études de faisabilité. Le projet Brucejack, en Colombie- Britannique (C.-B.), évolue cependant dans la direction opposée à mesure que la construction avance, comprimant ses coûts d’investissements en optant pour les solutions les plus sensées dans un contexte de concurrence extrême au niveau du matériel et des fournisseurs et dans un marché des devises favorable.

Depuis que la société Pretium Resources de Vancouver a publié son étude de faisabilité pour le projet Brucejack en milieu d’année 2014, les coûts d’investissements estimés du projet ont diminué de 14 % pour atteindre 641 millions $ US. Ce chiffre ne tient pas compte des 56 millions $ US en fonds de roulement mis de côté pour le démarrage au cas où les versements d’or seraient retardés. L’estimation concernant la part allouée à la mine souterraine a baissé de 33 %, pour atteindre environ 101 millions $ US.

L’important est d’agir au bon moment. « Pour nous, le bon côté du ralentissement économique que connaît l’industrie est que de nombreux particuliers et sociétés cherchent du travail ; ainsi, le processus de mise en candidature pour le contrat de travail concernant la mine souterraine s’est révélé très compétitif, et nous avons réussi à obtenir des conditions satisfaisantes de la part d’un entrepreneur renommé, Cementation Canada », déclarait Joseph Ovsenek, président de Pretium. Les estimations des études de faisabilité tenaient compte d’un taux de change à 0,92 $ US pour 1 $ CA, mais la valeur du dollar canadien a depuis bien chuté. Les taux de conversion réels, qui incluent des centaines de millions de dollars en financement par emprunts ou capitaux propres, se rapprochent davantage d’un taux de change à 0,75 $ US pour 1 $ CA. Les économies de devises avoisinent 145 millions $ US, ce qui vient compenser les coûts plus élevés liés à la surveillance de l’environnement, aux constructions hivernales et aux heurespersonnes supplémentaires.

Combler le déficit de financement

Pretium célèbre aussi un tournant majeur en matière de financement dans un marché par ailleurs extrêmement rude pour les sociétés minières. Début mars, la société a obtenu les derniers 130 millions $ US nécessaires pour finaliser la construction du projet Brucejack grâce à une offre publique de vente à 4,58 $ US par action. Cette offre a suivi un financement de 540 millions $ US qui consistait en une dette de 350 millions $ US, un paiement anticipé de 150 millions $ US dans le cadre d’un accord d’écoulement de l’or et de l’argent ainsi qu’un placement privé d’actions de 40 millions $ US. Les investisseurs ont ouvert leurs bourses après que Brucejack ait reçu les derniers permis des gouvernements provincial et fédéral au second semestre 2015.

« C’est une période très intéressante », déclarait M. Ovsenek à l’équipe du CIM Magazine après son retour à Vancouver suite à une visite sur le site fin mars. « Les plus gros travaux de terrassement se terminent, les fondations du campement permanent sont posées et la construction de notre usine de concentration va bientôt commencer. D’ici le deuxième semestre l’année prochaine, le concentrateur devrait être opérationnel et nous devrions atteindre le stade de production commerciale d’ici la fin de l’année 2017 », indiquait-il.

Avec une teneur moyenne de 14,1 grammes par tonne (g/t), Brucejack est le projet en développement affichant la plus haute teneur en or dans le monde, bien au-delà des teneurs des deux autres projets les mieux placés, à savoir Yaramoko de Roxgold au Burkina Faso (11,8 g/t) et Hope Bay de TMAC Resources dans les Territoires du Nord-Ouest (7,7 g/t). La durée de vie de la mine souterraine est estimée à 18 années, durant lesquelles elle produira 504 000 onces d’or par an au cours des huit premières années et 404 000 onces par an au cours des années suivantes, pour des coûts décaissés réels de maintien de 446 $ US/once d’or (net des revenus de la vente d’argent).

Core sample
Une carotte de sondage du projet Brucejack

Infill drilling underground shot
Une carotte de sondage du projet Brucejack présente un forage intercalaire continu en réponse au taux de variation de la teneur.

Optimiser le schéma de traitement

Les zones minéralisées de Brucejack sont bien définies, et la métallurgie (de l’électrum à grains grossiers) se prête bien à la séparation par gravité, aussi l’exploitation et le traitement miniers seront relativement simples. Une descenderie accessible à partir d’un portique en surface situé près du concentrateur donnera accès à deux gisements, à savoir la vallée des rois et la zone Ouest. Le minerai sera extrait à un taux de 2 700 tonnes par jour (t/j) par la méthode d’exploitation en chambre vide par longs trous (LHOS, de l’anglais long hole open stoping), principalement par LHOS transversale, puis envoyé vers un broyeur situé à 1 330 mètres (m) d’altitude. Aucune cheminée à minerai ne sera installée ; par contre, une flotte composée de chargeurstransporteurs et de camions transportera le matériau des diverses zones de travail vers un système interne de plan incliné.

Pretium procédera au remblai des chambres vides en mélangeant une pâte épaisse formée de résidus miniers non classifiés à un liant. Au niveau des bords pleins à l’ouest du plan de la mine, là où le gisement effleure la faille Brucejack, les récupérations devraient baisser à environ 75 %, mais cette roche plus fracturée ne constitue que 4 % du corps minéralisé. Une structure composée de boulons, de treillis métallique soudé et de béton projeté fibreux sera installée de manière à assurer le développement à travers la zone de la faille Brucejack.

L’une des difficultés que rencontre Pretium concerne le taux de variation entre la minéralisation à haute teneur (dépassant parfois 1 000 g/t) et le stockwerk environnant, dont la teneur est plus faible. Les données d’entrée de l’étude de faisabilité pour la vallée des rois comprennent un total de 218 127 mètres de forage souterrain et en surface. Pour mieux appréhender la distribution de la teneur à des fins d’aménagement de la mine, la société a lancé en 2015 un programme de forage intercalaire souterrain de plus de 60 000 mètres de forage en éventail, dont les centres étaient espacés de 7,5 à 10 mètres. L’objectif est de forer près des chambres qui seront exploitées de la première à la troisième année.

« En définitive, nous devrons commencer l’exploitation pour vraiment saisir ce dont est fait ce gisement, et il n’y a pas de formule miracle pour y arriver », expliquait M. Ovsenek. « Ainsi, nous assisterons la première année à une variation sur le court terme, mais à mesure que nous exploitons le gisement, la teneur deviendra plus prévisible. »

Un échantillon grossier de 10 000 tonnes a montré qu’un schéma de traitement reposant sur la concentration par gravité et la flottation est bien adapté aux variations de la minéralisation et à la large gamme de teneurs de l’alimentation.

D’après le schéma de traitement, un système de transport amènera le minerai broyé jusqu’à un broyeur semi-autogène (broyeur SAG) et un broyeur à boulets en surface. Le minerai sera broyé en grains de 90 microns. Le matériau qui en résultera passera par un dispositif de concentration gravimétrique afin d’extraire l’or et l’argent vierges. La concentration par gravité permettra à Pretium de récupérer environ 45 % de son or afin de produire des lingots d’argent aurifère que la société pourra directement vendre à des affineurs. Les roches restantes seront traitées dans des cellules de flottation, concentrées à moins de 10 % de leur masse initiale et envoyées vers des affineries et des négociants en métaux. Les récupérations d’or totales sont estimées à 96,7 %.

Camp and mill
Le campement, qui peut accueillir 330 personnes, sera terminé cette année.

Se frayer un chemin à travers le glacier

Le projet Brucejack est situé au cœur des montagnes et des vallées du nord-ouest de la Colombie-Britannique, qui regorgent de glaciers. Pour atteindre le projet de la plus proche autoroute, Pretium a dû rénover une route d’accès de 73 kilomètres (km) qui traverse la région du Nass ainsi que le bras principal du glacier Knipple, en fort recul, sur les 12 derniers kilomètres. En hiver, la dernière portion de route peut être tassée à l’aide de dameuses, mais en été, la route est vitrifiée de verglas. Le glacier est en constant mouvement ; il gèle et dégèle, et les crevasses en résultant représentent un danger pour les véhicules tout terrain comme pour les piétons.

Pour entretenir la route et s’assurer qu’elle soit praticable en toute sécurité, particulièrement sur cette section, Pretium a fait appel aux services de Tsetsaut Ventures, une société contractante dirigée par la Première Nation Skii km Lax Ha qui a revendiqué des droits dans la région. « Les environs du glacier doivent être constamment entretenus. Tsetsaut Ventures fait du bon travail, elle nivelle la route, la nettoie en hiver et rebouche les crevasses », indiquait M. Ovsenek. « L’équipe de Tsetsaut Ventures est sensible aux répercussions possibles sur l’environnement du glacier, car c’est un point qui tient beaucoup à cœur à cette Première Nation. »

Outre l’entretien de la route d’accès, Tsetsaut Ventures fournit les camions et engins de terrassement, gère les campements et assure d’autres services. Le groupe des Premières Nations collabore avec Pretium depuis l’acquisition de Brucejack et du projet voisin Snowfield en 2010 par la petite société minière ; de toute évidence, les deux parties entretiennent des relations fondées sur le respect.

Access road
Pour atteindre le projet, la société a dû réhabiliter une route d'accès de 73 km.

Prolonger la durée de vie de la mine

M. Ovsenek n’hésite pas à qualifier Brucejack de projet « favorable à la société » et on peut facilement comprendre pourquoi. Ce gisement est une occurrence épithermale d’or et d’argent de type transitionnel abritée dans des filons entrecroisés en stockwerk qui se sont formés lorsqu’un système porphyrique a introduit des fluides magmatiques dans les voies d’accès menant au terrain de recouvrement. La probabilité de trouver d’autres sources d’or dans ce vaste système hydrothermique est élevée.

Outre les réserves prouvées et probables de 16,5 millions de tonnes à une teneur de 14,1 g/t d’or, Brucejack contient des ressources de 15,3 millions d’onces d’or dans la principale zone de la vallée des rois et dans la zone Ouest, plus petite, située à 500 mètres au nord. La vallée des rois est actuellement définie sur une longueur de 1 200 m et une profondeur de 650 m. La zone de réserves définies ne couvre qu’environ 450 m de la découverte et s’ouvre à l’est et à l’ouest en longueur et en profondeur.

En 2015, Pretium a mené un programme d’exploration régionale qui comprenait 20 000 mètres de forage pour cibler une minéralisation de type porphyrique et épithermique à l’est de la zone du projet. Ce programme a permis de prolonger l’étendue longitudinale de la minéralisation de la vallée des rois de 1 000 m à l’est, jusqu’à la zone baptisée Flow Dome. Les intersections ont révélé une teneur non coupée de 2 100 g/t d’or sur 2,05 m, dont une teneur non coupée de 8 600 g/t d’or sur 0,5 m.

« Nous avons commencé par forer la zone Flow Dome comme cible distincte, mais nous avons recoupé une minéralisation du même type que celle de la vallée des rois », indiquait M. Ovsenek. « Nos géologues ont étudié la carotte et l’emplacement de la minéralisation, et sont pratiquement persuadés qu’il s’agit d’un prolongement de la vallée des rois. Une fois que nous commencerons la phase de production, nous nous rendrons sur place par voie souterraine et installerons des stations de forage pour confirmer cette théorie. »

Quant à son projet Snowfield au nord, qui offre de multiples possibilités d’exploitation à fort tonnage avec des ressources d’environ 26 millions d’onces d’or et 3 milliards de livres de cuivre, Pretium le garde de côté pour une période plus favorable aux marchés des marchandises.

« Snowfield pourrait devenir un projet intéressant à développer si le prix de l’or s’améliore et le prix du cuivre remonte », expliquait M. Ovsenek. « Cependant, au vu des prix actuels, nous menons les travaux de base sur l’environnement sur le site de Snowfield, mais nous concentrons nos efforts sur le projet Brucejack. »

Traduit par Karen Rolland