Les résultats de l'étude d'optimisation récente avec des prix de l'or en hausse permettront d'augmenter la taille des huit fosses prévues. Ryan Bergen
Située à quelques minutes de la petite ville de Kershaw, en Caroline du Sud, Haile présente cette particularité d'être la seule mine d'or aux États-Unis se trouvant à l'est du Mississipi. Qui plus est, contrairement à beaucoup de nouvelles exploitations, la mine se trouve à seulement une heure et demie, si le trafic est fluide, d'un aéroport international ainsi que d'une plaque tournante nationale pour le fret aérien. Elle présente aussi l'avantage de disposer d'un grand réservoir de main-d'œuvre à proximité et d'un accès facile au réseau électrique et à la route, ce qui a aidé Oceana à construire cette exploitation traitant 6 300 tonnes par jour pour une somme estimée à 400 millions $ US.
D'hier à aujourd'hui
C'est en 1820 qu'en défrichant les terres appartenant à Benjamin Haile, leurs locataires découvrent pour la première fois de l'or dans la région. La première exploitation placérienne se modernise, et un bocard y est ajouté ; l'or extrait aide à financer les efforts des Confédérés en pleine déperdition durant la guerre de Sécession. Général légendaire de l'armée de l'Union, William Sherman se fait un point d'honneur à détruire les installations de la mine Haile alors qu'il retourne avec ses troupes vers le Nord ; les activités ne reprendront que dans les années 1880, lorsque des investisseurs de New York relancent la production. La mine finit par trouver son rythme de croisière lorsque l'ingénieur allemand Carl Adolf Thies introduit le procédé de chloruration en tonneaux dans l'exploitation et augmente le taux de récupération du minerai sulfuré de 40 % à près de 90 %. Ce grand succès se soldera malheureusement par un événement funeste ; en 1908, la chaudière du bocard explose. Les prix de l'or décuplent dans les années 1930, et la mine Haile reprend ses activités avant que le président Roosevelt n'ordonne que les mines d'or, considérées comme une ressource non stratégique, soient fermées. L'émergence de la lixiviation en tas dans les années 1970 redonnera quelques années de vie à Haile.
La dernière personnification de la mine commence en 2007 lorsque Romarco Minerals rachète la propriété et commence l'exploration et le développement ; la société obtient tous les permis en novembre 2014. Plusieurs mois plus tard, OceanaGold, qui exploite deux mines en Nouvelle-Zélande ainsi que la mine Didipio aux Philippines, franchit une grande étape en Amérique du Nord lorsqu'elle achète Romarco Minerals pour la somme de 856 millions $. Maintenant qu'Oceana est implantée sur le sol américain, ses ambitions ont trouvé leurs racines. « Nous souhaitons construire la mine d'or la plus performante, la plus sûre et la plus respectueuse de l'environnement en Amérique du Nord », déclarait Mark Cadzow, vice-président exécutif et responsable en chef du développement pour OceanaGold lorsque l'équipe du CIM Magazine est allée visiter le site à la fin du mois d'avril. Fin 2015, M. Cadzow a endossé le rôle de chef de projet alors que les travaux de terrassement avaient déjà commencé.
Sur le long terme, l'équipe d'Oceana a des arguments de poids. Fin juin, la société annonçait que dans le cadre de son étude d'optimisation, elle avait augmenté les réserves minérales à la mine Haile de 70 % pour atteindre 3,46 millions d'onces, ajouté deux années à la durée de vie totale de l'exploitation à ciel ouvert, et prévu un aménagement souterrain baptisé Horseshoe d'une durée de vie estimée à six ans et qui produirait environ 440 000 onces. Ces chiffres sont fondés sur des réserves prouvées et probables de 55 millions de tonnes à une teneur de 1,71 gramme par tonne (g/t) pour une teneur de coupure de 0,45 g/t pour l'exploitation à ciel ouvert, et 3,12 millions de tonnes à 4,38 g/t pour une teneur de coupure de 1,50 g/t pour l'exploitation souterraine. Initialement, le plan de mine exigeait le traitement de trois millions de tonnes par an sur la durée de vie de 14 ans de la mine. Ce chiffre est maintenant passé à quatre millions de tonnes.
« D'ici très peu de temps, nous entamerons le processus de délivrance de permis et collaborerons étroitement avec les autorités réglementaires et toutes les parties prenantes pour amener le projet d'expansion de la mine Haile à la phase de construction », déclarait Mick Wilkes, chef de la direction d'Oceana dans une déclaration accompagnant l'annonce du mois de juin. « Nous continuons d'intensifier nos activités et de forer des cibles en profondeur et parallèlement à la direction pour les ajouter à notre base de ressources déjà conséquente. Ces cibles comprennent Palomino et la zone en dessous de la fosse Snake, lesquelles ne figuraient pas dans l'étude et ajoutent une valeur supplémentaire à notre actif. »
Ce même jour, la société déclarait aussi que la mine Haile avait rencontré de grandes difficultés pour atteindre le stade de la production commerciale. Les bandes de garnissage en polyuréthane de huit cuves de lixiviation au carbone (CIL, de l'anglais carbon-in-leach) s'étaient désagrégées et devraient être recouvertes, une cuve à la fois de manière à ne pas perturber la production. Après qu'elle « ait réalisé que le système de canalisation du CIL avait été mal évalué lors de la conception », l'équipe de l'exploitation a également constaté que de la boue contenant de l'or dans les cuves de lixiviation au carbone était envoyée à tort dans les résidus. Oceana parlait également d'améliorations à apporter au broyeur semi-autogène (broyeur SAG) et au circuit d'alimentation des boues dans le circuit de broyage fin, ainsi qu'au système de commande de processus de l'usine. « Nous sommes déçus des retards engendrés », expliquait M. Wilkes, « mais j'ai toute confiance dans l'équipe et dans sa capacité à construire une usine qui répondra à nos attentes en termes de production et de coûts ».
La mise à niveau du système de commande sera effectuée par étapes et comprendra un système de surveillance en temps réel pour analyser la teneur en soufre dans la charge d'alimentation, ainsi que dans les boues le long du circuit de traitement. « Si l'on connaît la quantité de soufre dans l'alimentation, on peut adapter la quantité d'agents réactifs ou de matériel physique, ce qui nous permettra de simplifier le procédé, et par là même d'économiser de l'argent sur les agents réactifs en n'étant pas obligés d'investir autant que dans un scénario présentant des inconnues », expliquait M. Cadzow. Cette technologie, développée par Sabia, repose sur l'analyse par activation neutronique aux gamma prompts (AAGP), qui irradie l'alimentation et identifie ses éléments par le rayonnement gamma unique que chacun émet. Dans les exploitations de nickel de Sudbury, des fonderies utilisent la même technologie pour analyser le soufre dans l'alimentation de la fonderie ; cependant, d'après M. Cadzow, c'est la première fois qu'elle sera mise à contribution dans une exploitation aurifère.
De la mine au concentrateur
Le gisement Haile fait partie du terrane de Caroline, que l'on appelait autrefois la Carolina slate belt (la ceinture d'ardoise de Caroline), laquelle s'étend de l'Alabama jusqu'à la Virginie. La roche hôte, qui s'est formée il y a 550 millions d'années au large de la côte ouest de l'Afrique, renferme certains des plus vieux gisements épithermaux au monde. La minéralisation épithermale à adulaire-séricite de Haile constitue l'un des trois types de gisements aurifères dans le terrane. Ce dernier renferme également une minéralisation à fort degré de sulfuration qui a permis à la mine d'or Brewer, située à 10 kilomètres au nord-est de Haile, de fonctionner par intermittence entre 1828 et 1995, et une zone de cisaillement de type orogénique, la source d'or pour la mine Howie en Caroline du Nord qui a définitivement fermé ces portes dans les années 1940.
Des générations d'inondations ont ajouté un sédiment riche en or au gisement Haile ; aujourd'hui, le corps minéralisé, une association de pyrite et d'électrum, est renfermé dans une roche dure et tendre.
Une fois que le minerai est extrait d'une série de mines à ciel ouvert, il est réduit à moins de 15 centimètres par le concasseur primaire à mâchoires ; on l'envoie ensuite vers le broyeur SAG puis vers les broyeurs à boulets avant la flottation. Le concentré résultant de la flottation rapide et de dégrossissage est rebroyé dans six dessableurs agitateurs de corps de Metso de manière à ce que 80 % du concentré soient réduits à 13 microns ou moins avant de passer à l'étape de lixiviation au carbone. Les résidus de la flottation et de l'évacuation de la cuve de lixiviation du concentré sont mélangés dans sept autres cuves de CIL avant de passer par un décanteur de récupération des cyanures ; les résidus sont envoyés vers une installation de stockage revêtue de feuilles de polyéthylène haute densité.
Actuellement, l'usine de la mine Haile traite 6 300 tonnes par jour. Avec l'aimable autorisation d'OceanaGold
Le passé minier de la Caroline du Sud n'est malheureusement pas dissocié des préjudices y afférents. Dans cet État, deux anciennes mines d'or en production font partie des sites identifiés par l'agence de protection de l'environnement comme des zones contaminées par des déchets dangereux et nécessitant un assainissement aux frais du contribuable. Obtenir le permis fédéral relatif aux milieux humides (un parmi les deux douzaines à obtenir auprès d'autorités réglementaires aux niveaux fédéral, de l'État et du comté) de l'U. S. Army Corps of Engineers (le corps des ingénieurs de l'armée américaine) pour la mine s'est avéré être un processus long, en raison de l'ampleur du projet ainsi que du manque d'expérience des autorités réglementaires quant à ce genre de projets. Il a fallu trois ans pour obtenir le permis autorisant à remplir 120 hectares de zones humides, lequel requiert la préservation des zones humides en assurant la classification et le stockage des morts-terrains acidogènes stockés dans une installation revêtue où les eaux de drainage sont recueillies et traitées à l'usine de traitement de l'eau du site.
À la hauteur du défi
Vétéran de plusieurs projets d'OceanaGold dont la construction de la mine Macraes, l'installation et la mise en service d'un autoclave sur le site, et responsable du développement de l'infrastructure minière à l'exploitation Didipio d'Oceana aux Philippines, M. Cadzow est quant à lui convaincu du talent des équipes œuvrant à développer les capacités de la mine Haile. « Chaque corps minéralisé est différent, mais le traitement est-il techniquement plus complexe que pour nos autres corps minéralisés ? Je ne pense pas. Nous en avons traité de plus complexes et de moins complexes. »
Il reconnaissait cependant qu'un aspect du projet en particulier lui avait donné matière à réflexion. « Je dois admettre que je me suis un peu inquiété de la culture de sûreté. Nous avons tendance à prendre des risques sans penser aux risques possibles sur le plan personnel mais aussi pour les autres. C'est sans doute l'une des plus grandes difficultés en ce qui nous concerne. »
Cette inquiétude a eu une influence sur la procédure d'embauche, qui n'a pas forcément placé au premier rang les candidats ayant de l'expérience dans le domaine minier. « Nous préférons embaucher des habitants de la région qui n'ont pas nécessairement une grande connaissance du secteur ; cela nous permet de les former comme nous le souhaitons, plutôt que de devoir réprimer les mauvaises habitudes des travailleurs qualifiés dans ce domaine. Nos méthodes de formation se sont révélées efficaces pour des mines en Nouvelle-Zélande et aux Philippines », expliquait M. Cadzow. D'après les données de l'U.S. Mine Safety and Health Administration (MSHA, l'administration de la santé et la sécurité dans les mines des États-Unis), cette approche a porté ses fruits. La mine n'affiche aucun accident mortel, et le taux d'accidents ayant entraîné des arrêts de travail sur le site est considérablement inférieur à la moyenne nationale pour les mines métallifères.
Cadzow a tiré son chapeau à l'équipe de Romarco, qui a mis à exécution le projet. « L'équipe a fait ce qu'il fallait, et elle a obtenu un fort engagement de la part de la communauté qui s'est montrée très enthousiaste face aux progrès réalisés. » Le changement de propriétaire s'est également déroulé sans accroc. « Tout le monde ici a été agréablement surpris du professionnalisme à la mine Haile. Nos procédures sont très transparentes ; nous ne cachons pas notre manière de procéder, et nous faisons les choses dans les règles de l'art. Ceci fait partie de notre culture. »
Traduit par Karen Rolland