La partie supérieure du gisement se trouve à environ 1 700 mètres au-dessus du niveau de la mer, et le site de l'usine se situe environ 600 mètres plus bas, dans la vallée de Higabra. Ryan Bergen

Les montagnes vertes de Colombie regorgent d’or. Cela ne fait aucun doute, l’activité minière dans cette région remonte à une période antérieure à l’arrivée des Espagnols. Cependant, des décennies d’instabilité politique, des mouvements de résistance enracinés ainsi que l’influence du trafic de drogues ont empêché la Colombie d’aller de l’avant et de devenir la prochaine grande destination pour des investissements considérables dans des projets aurifères.

Continental Gold devrait changer la donne grâce à son projet Buriticá, situé dans la ceinture aurifère de Cauca. En 2011, la société publiait les premières estimations des ressources de ce projet. La propriété, située à 60 kilomètres (km) au nord de Medellín, compte deux réseaux identifiés de filons, le Yaragua et le Veta Sur ; à la date de publication, le site affichait des

ressources mesurées et indiquées de 630 000 onces d’or sur la base d’une production de 1,1 million de tonnes (Mt), à une teneur moyenne de 17,8 grammes par tonne (g/t). Les intérêts de Continental en Colombie comprennent des terres autour du projet Buriticá ainsi que la mine Berlin, située plus au nord de Medellín, laquelle était exploitée par une société canadienne qui en a extrait près d’un million d’onces entre 1930 et 1946.

La société est depuis parvenue à transformer cette estimation en un projet qui, selon l’étude de faisabilité de mars 2016 réalisée par JDS Mining and Energy, devrait produire près de 3,5 millions d’onces d’or et 6,4 millions d’onces d’argent sur une durée de vie estimée à 14 ans. Les résultats étaient suffisamment impressionnants pour attirer l’attention de Newmont Mining, qui a accordé toute sa confiance à Continental en investissant la somme de 109 millions $ en mai dernier. À la fin du mois d’octobre, des travaux de terrassement importants ont été lancés dans l’espoir de couler la première dalle de béton au début de l’année 2018.


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Les progrès réalisés à Buriticá sont cependant étroitement liés à ceux accomplis par son pays d’accueil, qui a lutté pendant de longues années pour mettre fin à un conflit armé de plus de 50 ans. Ce qui avait commencé comme une lutte organisée autour d’idéologies politiques a dégénéré en une série de factions adverses dont la plupart survivaient grâce au trafic de drogues, aux enlèvements et aux activités minières illégales. Quelque 250 000 personnes ont trouvé la mort, 7 millions ont été déplacées et de grandes parties du pays restent à ce jour inaccessibles. En novembre dernier, le gouvernement a signé un accord de paix avec les FARC (les forces armées révolutionnaires de Colombie), l’un des groupes de résistance les plus influents du pays, qui a depuis démobilisé plus de 7 000 membres de la milice.

La petite ville de Buriticá, située sur une colline, s’est retrouvée au milieu du conflit. Les filons riches en or à proximité de la ville en ont fait un carrefour de l’activité minière, qui a contribué à faire prospérer l’économie illégale. Une partie des efforts déployés pour encourager la stabilité du pays consistait à faire partir de force les mineurs travaillant dans l’illégalité. Cette démarche ne s’est pas faite sans accrocs ; en effet, six agents de sécurité travaillant pour Continental ont trouvé la mort au mois de juillet après une confrontation avec des mineurs entrés sans permission. Aujourd’hui pourtant, cette région qui atteignait le double de sa population de 7 000 habitants à l’époque a retrouvé son calme et le rythme de vie qu’elle avait auparavant. Depuis 2014, Continental travaille avec des mineurs ayant leurs racines dans la région dans la perspective d’officialiser les exploitations minières artisanales à proximité du projet Buriticá. Actuellement, la mine est équipée d’une usine pouvant traiter 30 tonnes de minerai par jour, laquelle lui permet de gérer le minerai qu’elle achète aux mineurs artisanaux. Le processus d’officialisation a été appuyé par un programme du gouvernement visant à mettre fin à l’exploitation minière illégale dans le pays, lancé au printemps 2016. « Cela nous a aidé à surmonter un obstacle de taille », déclarait Ari Sussman, chef de la direction de Continental. « L’exploitation minière illégale ne disparaîtra jamais totalement. » Plus de 200 tunnels miniers ont été découverts et clôturés, certains à plusieurs reprises. Cependant, indiquait M. Sussman, « nous avons affaire à un nombre considérablement inférieur de mineurs en situation irrégulière. Un plan de sécurité permanent, fonctionnant 24 heures sur 24, est assuré par les trois piliers du gouvernement colombien. »

Le pouvoir du peuple

Si les progrès accomplis au sein du pays ont assurément aidé Continental, le ralentissement en termes de développement des mines a également eu son influence. La société a affecté une réserve de personnes hautement qualifiées au projet. Après avoir lancé la production à la mine d’argent Escobal en tant que vice-président des activités pour Tahoe Resources, Donald Gray, qui a une grande expérience en Amérique latine, a été nommé en 2015 au poste de directeur de l’exploitation. Au début de l’année, Jon Graham l’a rejoint au poste de vice-président des activités de Continental après trois années en tant que directeur de l’exploitation à la mine Cerro Negro de Goldcorp en Argentine, suivi de Tim Barnett, directeur de projet à Buriticá, juste après le lancement de la mine Haile d’OceanaGold en Caroline du Sud. « Les mines sont des projets complexes à développer, aussi l’expérience dans ce domaine est précieuse », indiquait M. Sussman. « L’équipe que nous avons créée est l’un des avantages du marché baissier. En outre, c’est un grand projet. »


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Gray précisait également que le calendrier d’exécution du projet a œuvré en faveur de Continental. « Lorsque nous avons commencé l’approvisionnement cette année, nous avons constaté d’excellents délais de livraison et des tarifs très compétitifs. Au fil du temps, nous observons une augmentation des délais de livraison, mais les tarifs restent très concurrentiels », indiquait-il. « Nous avons pris la décision volontaire de finaliser les bons de commande dès que possible, car nous avions envisagé cette hausse des délais d’approvisionnement. » Sandvik fournit les chargeuses, les camions, les jumbos et les boulonneuses pour l’exploitation souterraine et travaille maintenant avec Continental à la formation des exploitants sur le site.

Lors de la création de l’équipe de direction, la société a bien pris soin d’inclure des Colombiens à la haute direction et au sein du conseil d’administration. Mateo Restrepo, président de Continental, est originaire de Medellín et est le représentant public de la société en Colombie. Leon Teicher, qui a la double nationalité canadienne/colombienne, est président du conseil d’administration de la société et est l’ancien président et chef de la direction de Cerrejon Coal ; il fait partie des trois Colombiens qui siègent au conseil d’administration. C’est un modèle qui, selon M. Sussman, évitera de nombreux mots de tête aux sociétés minières canadiennes pour leurs activités à l’étranger.« Lorsqu’une société étrangère vient s’implanter au Canada et a besoin du soutien du gouvernement, on observe une opposition généralisée. Pourquoi s’attendre à un traitement différent dans un pays en développement qui n’est pas autant habitué à un même niveau d’investissement étranger ? »

Sous la surface

 

Gray déclarait que depuis l’étude de faisabilité, l’équipe de l’exploitation minière a optimisé la conception afin de limiter le développement en phase de pré-production. « Nous avons adapté la conception de manière à ce que nos montages pour l’aérage ainsi que nos cheminées à minerais et à stériles soient construites plus tôt, ce qui réduit la pression pour le développement des descenderies. » Des travaux similaires ont été menés au niveau de la conception de l’usine pour réduire les travaux de terrassement nécessaires en diminuant l’empreinte de l’usine. Une route de 6 km relie désormais le site de l’usine au réseau de transport existant.

Le site procédera à l’exploitation de deux gisements. La majeure partie de ces deux essaims de filons sera exploitée à l’aide de la méthode d’exploitation en chambre vide par longs trous, associée à des méthodes de déblais et remblais et d’abattage par chambres-magasins.

Mauricio Castañeda,
Mauricio Castañeda, vice-président à l'exploration de Continental, travaille sur ce projet depuis 2009. Ryan Bergen

 

La production, qui devrait commencer en 2020, débutera à 2 100 tonnes par jour (t/j) et augmentera progressivement à compter de la troisième année pour atteindre 3 000 t/j pour les 12 années restantes. La gravité facilitera le déplacement des minerais, des stériles et de l’eau, car la plupart des réserves se trouvent à flanc de coteau au-dessus d’une vallée où un tunnel, déjà creusé, servira à transporter le minerai vers l’usine de traitement dans le fond de vallée. Les minerais broyés et concassés seront soumis à la concentration gravimétrique, la lixiviation par cyanuration et la décantation à contre-courant ; l’or et l’argent seront ensuite retirés de la solution à l’aide du procédé Merrill-Crowe avant d’être affinés en lingots. Continental espère pouvoir récupérer 94 % de l’or et 60 % de l’argent traités pour produire 282 000 onces d’or et 494 000 onces d’argent chaque année durant les cinq premières années.

Environ la moitié des résidus seront dénoyés et entassés dans la vallée, et l’autre moitié sera envoyée à une usine de remblai en pâte, puis de nouveau hissée vers la colline à l’aide d’un tramway aérien Doppelmayr.

Plutôt que de faire appel à une seule et unique société pour l’intégralité de la gestion, des études techniques à la construction, Continental a préféré répartir les tâches. M3 Engineering se charge des études techniques et de l’approvisionnement, et Merit Consultants est responsable de la gestion de la construction. C’est une approche que M. Gray a déjà adoptée dans le passé, et qu’il trouve plus adaptée. « Lorsque la fonction d’un directeur des travaux est séparée des études techniques et de l’approvisionnement, les travaux sont davantage axés sur les besoins sur le terrain et non pas nécessairement gérés conformément au calendrier technique. Quoi qu’il en soit, quelle que soit la manière dont on gère un projet, le propriétaire doit absolument prendre part au processus décisionnel, gérer activement les activités et s’assurer que la construction respecte les objectifs établis en termes de calendrier et de conception. »


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Une fois que la production commencera, la mine aura besoin de 900 travailleurs ; ainsi, la société a activement participé à la formation de la main-d’œuvre, en partenariat avec un programme gouvernemental de formation professionnelle dans l’objectif de créer une école de métiers dans la ville de Buriticá. L’un des cours porte sur les techniques minières fondamentales ainsi que sur la reconnaissance des risques dans ce métier ; l’autre est axé sur les techniques fondamentales de la construction. « Nous nous efforçons également d’intégrer ce programme dans notre formation sur les équipements, par exemple en proposant une formation sur les chargeuses et les camions », indiquait M. Gray. L’équipe collabore par ailleurs avec Sandvik dans le cadre d’un programme de formation dispensé sur le site du projet ; d’après M. Gray, les résultats se sont montrés très prometteurs. « Nous sommes convaincus que notre main-d’œuvre atteindra le niveau de compétences requis pour le développement et l’exploitation. »

Résolution pour la nouvelle année

Pour l’année 2018, M. Sussman indiquait qu’outre le développement actuel de la mine, la société prévoit de mener une campagne de forage de 100 000 mètres sur la propriété de Buriticá. Les deux gisements qui constituent la réserve actuelle et sont ouverts en profondeur et parallèlement à la direction seront au cœur de cette campagne de forage sur 60 000 mètres ; les 40 000 mètres de forage restant cibleront d’autres zones productives possibles sur la propriété. « Nous sommes curieux de voir combien d’onces d’or et d’argent nous allons découvrir dans notre système aurifère associé à des intrusions », expliquait-il à un groupe d’analystes et d’investisseurs en visite sur le site du projet Buriticá en octobre dernier. « Nous devons, autant que possible, créer de la valeur. »

 

Traduit par Karen Rolland