Les nouveaux aménagements à la fonderie de Copper Cliff font de la supercheminée emblématique une structure obsolète qui sera démantelée dans un proche avenir. Avec l’aimable autorisation de Vale

Les habitants de Sudbury, en Ontario, découvriront bientôt les changements apportés au complexe métallurgique de Copper Cliff de Vale, une fois démantelée la supercheminée emblématique de 380 mètres.

S’il est indéniable que le projet Clean Atmospheric Emissions Reduction (Clean AER) d’un milliard de dollars de Vale modifiera le paysage de Sudbury, ses répercussions sur la qualité de l’air seront bien plus notables. Dans le cadre des améliorations apportées à son procédé de fusion, Vale a pu, depuis le commencement du projet, réduire de 85 % ses émissions de dioxyde de soufre (SO2) et de 40 % ses émissions de particules métalliques. En outre, une fois démantelée la supercheminée, les émissions de gaz à effet de serre (GES) diminueront de 40 % au sein de la fonderie.

En l’espace de dix ans, la société a construit deux nouveaux convertisseurs, a remis en état les carneaux des convertisseurs, a créé une installation d’épuration du gaz naturel humide et a bâti des dépendances secondaires, à savoir une nouvelle chambre des filtres et un nouveau bâtiment destiné à l’aérage. Durant ces travaux d’amélioration, le complexe métallurgique de Copper Cliff n’a pas cessé de fonctionner.

D’après Dave Stefanuto, vice-président des projets canadiens de Vale, et notamment responsable du projet Clean AER (que l’on prononce « air »), la plus grande difficulté a été d’assurer pendant toute la durée du projet le fonctionnement continu du complexe métallurgique de Copper Cliff, lequel produit chaque année 24 000 tonnes de cuivre et 80 000 tonnes de matte Bessemer.  

« Durant toute cette période, nous n’avons cessé de fondre et de produire du nickel, tout en procédant à des modifications dans la fonderie », déclarait M. Stefanuto. « Cela revient à peu près à opérer à cœur ouvert un coureur de fond en pleine course. »

Cela n’a pas toujours été facile, indiquait-il. C’est la société SNC-Lavalin qui s’est chargée des services de gestion de l’ingénierie, de l’approvisionnement et de la construction dans le cadre du projet.

« Imaginez un peu ; les équipes devaient installer le nouveau convertisseur alors que l’ancien était en fonctionnement », déclarait M. Stefanuto. « L’équipe frôlait les grues en mouvement transportant le métal en fusion de haut en bas alors qu’elle installait le tout nouveau convertisseur. »


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Malgré les dangers potentiels, M. Stefanuto indiquait que sur la base d’un million d’heures-personnes, le projet a achevé sa dernière année avec un taux de fréquence totale des blessures consignées (FTBC) de 2,36 pour un taux de FTBC global de 8,88 pour le projet, le tout avec un taux de fréquence des accidents entraînant un arrêt de travail nul.

Parfois, il fallait suspendre les travaux d’amélioration car la fonderie était en service, expliquait-il. Ainsi, l’équipe du projet Clean AER devait reprogrammer certains travaux, par exemple les raccordements électriques et l’installation de nouveaux systèmes de carneaux, pendant des cycles d’entretien prévus régulièrement.

« Nous avons absolument tenu à intégrer une équipe de préparation opérationnelle très compétente dans l’équipe du projet de manière à pouvoir procéder à cette planification intégrée entre les deux opérations », expliquait M. Stefanuto.

D’après lui, c’est l’une des plus grandes leçons que l’équipe de Vale a tirées durant cette démarche. « En intégrant l’équipe opérationnelle à la mise en œuvre du projet, elle y participe activement et se l’approprie. Ainsi, lorsqu’on lui passe le relais, elle sait à quoi s’attendre et est prête à exploiter les actifs. »

Les améliorations ont été menées en plusieurs étapes. La société a remplacé ses cinq convertisseurs traditionnels par deux convertisseurs Pierce-Smith. Pour M. Stefanuto, c’était une étape cruciale. Les convertisseurs mesurent environ 14 mètres de long et pèsent près de 100 tonnes ; il a fallu clôturer une portion importante de la route d’accès lors de leur arrivée sur place depuis le centre de fabrication d’Anmar Mechanical à Lively jusqu’à la fonderie de Copper Cliff en septembre 2012.

« Pour les habitants de la région, c’était la première indication d’un changement imminent », indiquait M. Stefanuto.

Une fois les convertisseurs arrivés sur le site, il a fallu installer des hottes filtrantes primaires et secondaires.

Les nouvelles hottes filtrantes primaires permettent un meilleur captage du SO2 car elles sont plus adaptées que les précédentes à l’ouverture du convertisseur. Ce gaz est ensuite dirigé vers l’installation d’épuration du gaz naturel humide du nouveau convertisseur où il est débarrassé de ses polluants, avant que le SO2 ne soit acheminé vers l’usine d’acide de Vale pour sa conversion en acide sulfurique.

Les gaz qui ne sont pas captés par la hotte filtrante primaire seront captés par la hotte secondaire, que M. Stefanuto décrit comme l’équivalent d’une porte de hangar d’aviation se fermant devant le convertisseur. Cependant, la hotte filtrante secondaire ne se contente pas de capter le SO2 restant ; elle permet également de capter les métaux à fines particules souvent libérés durant le procédé de conversion.

Ce mélange de gaz et de particules capté par la hotte filtrante secondaire est envoyé dans la chambre des filtres secondaire, où un « aspirateur industriel géant » tel qu’il est décrit filtre les particules de nickel émanant des dégagements gazeux. Il reste alors de l’air contenant un faible pourcentage de SO2 qui est envoyé dans la cheminée existante, laquelle sera à terme remplacée par l’une des nouvelles cheminées de 140 mètres de haut actuellement en construction.

Transformation d’un paysage lunaire

Avant ce projet, la supercheminée dégageait environ 150 000 tonnes de SO2 chaque année ; aujourd’hui, les émissions ne dépassent pas 20 000 à 25 000 tonnes. Cette réduction de 85 % des émissions fait de cette supercheminée, qui s’inscrit depuis si longtemps dans le paysage de Sudbury, une installation obsolète. En 2020, la supercheminée sera démantelée et remplacée par les deux nouvelles cheminées, plus petites.

La différence ne se fera pas uniquement sentir dans la ville. L’un des plus gros changements, en termes de qualité de l’air, se produira au sein même de la fonderie.

« Nous essayons de capter le SO2 qui continue d’être libéré dans l’environnement de travail... du mieux que l’on peut. Nous avons non seulement réussi à capter ce gaz primaire (une concentration plus élevée en SO2), mais avons également observé une amélioration notable de l’environnement de travail au sein de notre fonderie », expliquait M. Stefanuto. « Jusqu’ici, l’air qui circulait était voilé ; aujourd’hui, il est pur et indéniablement de meilleure qualité, ce qui est extrêmement important pour notre personnel. »

Lors de la construction de la supercheminée au début des années 1970, les émissions de la fonderie atteignaient deux millions de tonnes de SO2 par an. Ces émissions de SO2, associées au rejet plus important de particules métalliques pompées hors d’une cheminée alors moins haute, avaient de graves répercussions sur l’environnement dans la région de Sudbury.


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Lorsque David Pearson est arrivé à Sudbury pour travailler à l’université Laurentienne en 1969, il se rappelle avoir été souvent contraint de courir de son véhicule jusqu’à la salle de classe les jours où les émissions de SO2 étaient particulièrement intenses. « Les émanations étaient extrêmement denses, elles irritaient le fond de la gorge comme si on les respirait à même une bouteille », expliquait M. Pearson, professeur à l’école de l’environnement et collaborateur au centre pour la vitalité des lacs Vale de l’université Laurentienne.

Ces émanations n’étaient cependant pas uniquement nocives pour nos poumons. La région en subissait également les effets délétères. C’est vers la fin des années 1880 qu’a commencé l’extraction par fusion à Copper Cliff, peu de temps après la découverte de gisements de cuivre et de nickel dans la région. Initialement, le procédé de fusion se faisait en extérieur ; on plaçait le minerai sur des tas de bois de construction de plusieurs mètres de haut, puis on allumait ce tas de bois et on le laissait brûler des mois durant. Au cours des 80 années qui ont suivies, le procédé a été industrialisé, des cheminées industrielles ont été ajoutées, mais le problème des émissions de SO2 n’a jamais été résolu.

« Le problème résidait dans l’acidité du gaz lorsqu’il entrait en contact avec la pluie et se déposait sur le sol ; il acidifiait alors les eaux souterraines, ce qui entraînait la dissolution du métal dans les particules métalliques et se révélait être toxique pour les arbres et les arbustes », expliquait-il.

Ces pluies acides et d’autres agents contaminants noircissaient également les roches roses de la région. À mesure que la verdure disparaissait, le sol devenait plus fragile ; sans systèmes racinaires pour le maintenir en place, une érosion s’est inévitablement produite.

« Des millions de tonnes de sol ont été emportés jusque dans les lacs et [...] ont arraché la couche arable où l’on trouve généralement les substances nutritives du sol », expliquait M. Pearson. « La terre qui restait ne permettait pas aux végétaux de croître. De là, Sudbury est devenu un paysage lunaire. »

Si des astronautes ont été formés à Sudbury pour des missions Apollo sur la Lune entre 1960 et 1970, ce n’est cependant pas en raison de l’aspect lunaire de la région. En effet, les astronautes sont venus étudier dans cette région les formations géologiques spécifiques aux cratères météoriques, notamment les cônes de percussion et les brèches que l’on trouve autour du bassin de Sudbury, un lieu frappé par une météorite il y a des millions d’années.

À l’époque, la meilleure manière de gérer tout ce SO2 était de le disperser sur une surface plus vaste. Le moyen le plus simple était de construire une immense cheminée. Ainsi, en 1972, la supercheminée a vu le jour, se dressant de manière imposante au milieu du paysage.

Depuis sa construction, Vale s’est efforcée de réduire la quantité de soufre libérée par la fonderie dans l’atmosphère. D’après la société, les émissions de SO2 aujourd’hui ne représentent plus que 1 % de ce que la supercheminée dégageait lors de sa construction. Le volume d’émissions est désormais si faible que la société est contrainte de brûler du gaz naturel au point le plus bas afin de maintenir une température suffisamment élevée pour que les gaz arrivent au sommet de la supercheminée sans se condenser en acide sulfurique.

Les deux nouvelles cheminées, moins hautes, pourront gérer la concentration bien moins élevée (25 000 tonnes environ par an) de SO2, et n’auront pas besoin d’autant de gaz naturel pour fonctionner. En désactivant les brûleurs à gaz naturel de la supercheminée, Vale pourra immédiatement réduire ses émissions de dioxyde de carbone (CO2) de 40 %.

Le revêtement en acier inoxydable sera ensuite retiré de la supercheminée et le voile de béton préparé en vue de son démantèlement dans les années à venir.

Les projets de mise hors service et de démantèlement de la supercheminée « reflètent notre engagement en tant que société et communauté envers la réduction de notre impact sur l’environnement. Il s’agit pour nous d’une étape positive », déclarait M. Stefanuto.

La communauté a indéniablement franchi une étape importante, mais il reste encore beaucoup à faire. Là où, il y a des années, M. Pearson ramassait sur le sol des particules métalliques resolidifiées avec un aimant, le paysage reverdit peu à peu. On ne parle plus de la ville comme d’un « paysage lunaire », et les habitants peuvent enfin voir la nature évoluer et les feuilles jaunir au fil des saisons. Ceci vient témoigner des améliorations apportées à la fonderie de Copper Cliff et plus généralement, des efforts déployés au sein de l’industrie.

La situation demeure cependant fragile. Personne ne sait aujourd’hui si la réapparition de verdure dans la région durera sur plusieurs générations, car il s’agit d’une première tentative, expliquait M. Pearson. « Nous ne sommes pas face à un paysage naturel ou ancien ; ce nouveau paysage pourrait bien être plus vulnérable aux agressions qu’un ancien paysage doté d’un sol mature, plus à même de résister. »

Le projet Clean AER a permis à Vale de prendre des mesures positives ; en diminuant les risques de dégradations supplémentaires de l’environnement, le paysage pourra reprendre ses droits.

Pearson prévenait cependant qu’il est encore trop tôt pour se réjouir et déclarer qu’une page a été irrévocablement tournée.

« Nous pourrons parler de rétablissement d’ici une centaine d’années ; ce à quoi nous assistons aujourd’hui ne constitue que la première étape, peut-être le début de la deuxième, mais ni vous ni moi ne serons encore de ce monde pour attester que le paysage de Sudbury a définitivement retrouvé son état originel », concluait-il.