Le produit fini : du graphite naturel en paillettes. Avec l’aimable autorisation de Nouveau Monde Graphite
Située à 150 kilomètres (km) au nord de Montréal à Saint-Michel-des-Saints, la mine de graphite à ciel ouvert proposée par Nouveau Monde Graphite prévoit d’extraire quelque 100 000 tonnes par an de graphite à haute teneur. Ce qui marque véritablement la différence cependant, ce sont ses projets de se séparer de son équipement fonctionnant au diesel.
Eric Desaulniers, chef de la direction de Nouveau Monde, déclarait que cette approche innovante est une tentative de suivre la voie future que prend la technologie minière. « La principale raison de cette décision est que nous allons construire cette mine en 2020 et que nous l’exploiterons pendant plus de 25 ans ; nous sommes convaincus qu’à l’avenir, tout deviendra, doucement mais sûrement, entièrement électrique », indiquait M. Desaulniers.
D’après l’étude de faisabilité publiée en décembre 2018, le projet Matawinie est proposé en tant qu’exploitation à ciel ouvert équipée de camions électriques à batterie et de pelles à câbles électriques, avec un système semi-mobile de concassage et de transport dans la fosse minière. Le site comprendra également un concentrateur dont la capacité de production sera de 100 000 tonnes par an, et qui fonctionnera 24 heures sur 24, 365 jours sur 365. La durée de vie de la mine devrait être de 25 ans, et elle emploiera entre 60 et 70 personnes. Le coût initial de construction de ce projet est estimé à 283 millions de dollars.
La mine affiche des ressources minérales probables de 59,8 millions de tonnes (Mt) contenant 4,35 % de carbone graphitique, qui fourniront 2,52 Mt de concentré de graphite sur 26 ans. D’après l’étude préparée par Met-Chem/DRA, la fosse mesurera 2,6 km de long et 380 mètres (m) de large à la surface, avec une profondeur maximale de 235 m.
Roche hôte du gisement Matawinie. Avec l’aimable autorisation de Nouveau Monde Graphite
La mine devra être raccordée à une ligne électrique de 120 kilovolts ; cependant, sa proximité avec la ville de Saint-Michel-des-Saints et son réseau électrique signifie qu’il ne sera pas nécessaire de procéder à des extensions massives et coûteuses pour rendre le projet réalisable.
Le désir de s’équiper d’un parc de véhicules électriques s’accompagne de certaines difficultés qui dépassent la relative nouveauté de cette technologie. La gamme de véhicules de transport est limitée par rapport à un équipement traditionnel alimenté au diesel. Ce n’est pas un obstacle insurmontable en soi ; les distances dans une mine ne sont pas démesurées, mais la charge des véhicules sans encombrer le système ajoute une couche de complexité logistique que l’on ne rencontre pas avec des véhicules diesel.
« Nous devons charger le véhicule pendant au moins 30 minutes pour qu’il soit fonctionnel, aussi il est important de gérer le temps de charge par rapport à la capacité opérationnelle afin de réduire le temps d’immobilisation », indiquait-il. « Il faut s’assurer qu’un camion est mis en charge pendant que l’on remplit les autres camions, aussi la gestion du temps devient cruciale. »
Ceci signifie qu’il faudra échelonner les déjeuners et autres pauses pour assurer la rotation de l’équipement en charge, et éviter que tous les employés ne s’absentent en même temps. Les véhicules de soutien tels que les niveleuses, cependant, dépendront de la technologie de batterie qui requiert des sessions de charge moins fréquentes, mais plus longues.
D’après M. Desaulniers, il est prévu que l’exploitation s’étale sur 16 heures par jour. Pour les huit heures restantes, les véhicules peuvent charger plus lentement, ce qui requiert moins de courant, de manière à ce que le parc soit totalement chargé le lendemain matin.
Le tout électrique : un état d’esprit
S’il ne s’agit pas de la première mine à 100 % électrique du pays, Matawinie sera la première à ciel ouvert, indiquait-il. La mine Borden Lake de Goldcorp est déjà en voie de devenir une mine souterraine entièrement électrique.
David Lyon est responsable du développement à MEDATECH, et a travaillé sur les projets Borden Lake et Matawinie, préparant les sociétés à une électrification complète des activités. Il indiquait que l’une des principales difficultés pour les sociétés minières procédant à la transition concerne le changement d’état d’esprit.
« Il s’agit davantage d’une philosophie, et il faut de grands visionnaires comme M. Desaulniers et son équipe à NMG pour se rendre compte si oui ou non, l’électrification totale est possible », indiquait M. Lyon. « Avec un coût bien calculé de l’énergie, cette option est non seulement possible, mais elle s’avère également être moins onéreuse que d’exploiter une mine avec un parc de véhicules fonctionnant au diesel. Ainsi, il n’y a pas de limites. »
Dès lors que Goldcorp a montré ce qui était réalisable avec un parc électrique à sa mine Borden Lake, expliquait-il, d’autres sociétés ont pu en voir les avantages. Il pense qu’une tendance comparable suivra si Nouveau Monde parvient à fournir une validation de principe similaire.
Cette philosophie différente vient en partie du fait que l’on considère l’équipement électrique d’un autre point de vue qu’un parc traditionnel fonctionnant au diesel. C’est là qu’interviennent les changements logistiques concernant la charge de la batterie dont parlait M. Desaulniers. Une fois ce problème réglé, indiquait M. Lyon, les véhicules électriques présentent de nombreux avantages, en plus de leurs retombées positives sur l’environnement.
« Le moteur diesel est relativement peu performant, aussi si l’on doit placer un groupe motopropulseur de taille similaire en kilowatts, on pourra en faire un usage accru sur la base de l’efficacité du système », indiquait-il. « Ainsi, on peut réduire la taille du groupe motopropulseur (en le remplaçant par un moteur électrique qui égalera les performances du moteur diesel) ou, si l’on utilise le même moteur, on obtiendra des kilowatts davantage exploitables qui se répercuteront sur le régime et le couple mécanique. »
L’équipement de soutien peut également être rectifié de manière à être alimenté par batterie. Avec l’aimable autorisation de Medatech
Quant aux avantages pour l’environnement, comme on peut le lire dans une étude tierce réalisée par Globepro International dont les résultats ont été partagés avec l’équipe du CIM Magazine, la société prévoit une réduction des émissions de la mine de l’ordre de 8 545 tonnes de CO2 par an, par rapport à une mine traditionnelle de cette taille dont tout l’équipement fonctionne au diesel.
D’après M. Desaulniers, ceci ne devrait pas intervenir dans l’approbation des permis environnementaux pour la mine, car la société a envoyé ses propositions comme si elle allait mener ses activités avec un équipement fonctionnant au diesel. « Dans nos études environnementales, nous utilisons des camions au diesel [comme référence] uniquement à des fins de calculs du bruit et de dégagement de gaz », indiquait-il. « Nous présentons les cas de figure les plus négatifs. »
En outre, indiquait M. Desaulniers, les études environnementales portent principalement sur la façon dont les résidus et les activités affectent l’environnement immédiat.
Le fait d’être l’une des premières mines à ciel ouvert à 100 % électrique présentera des avantages au niveau de la réduction de l’empreinte carbone, mais également de la capacité à développer une expertise industrielle relative à une exploitation entièrement électrique.
« Le gouvernement a beaucoup à gagner ; en effet, les enjeux ne se limitent pas uniquement à notre mine qui réduira les émissions de gaz à effet de serre. Il est question de développer l’expertise nécessaire pour convertir le moteur diesel en un équipement totalement électrique. Il s’agit donc d’une expertise qui émanera du Québec et qui pourrait être exportée en dehors de la province », ajoutait-il.
Nouveau Monde prévoit de demander des subventions aux niveaux provincial et fédéral une fois que le camion de démonstration et la station de charge seront prêts. La société espère aussi pouvoir négocier des tarifs de l’électricité plus intéressants avec Hydro Québec.
L’analyse de rentabilité
M. Desaulniers précisait que la société a décidé d’augmenter la production maximale à 100 000 tonnes par an, soit près du double de ce que prévoyait l’étude de préfaisabilité, après avoir étudié la demande mondiale au cours des années à venir. Était également projetée une amélioration des perspectives en matière de levés géologiques et de forage, qui montrent des gisements de graphite environ trois fois la taille prévue initialement. La mine pourrait donc gérer la hausse de la production, sans que cela n’ait de répercussions sur sa durée de vie globale.
Jusqu’à ce que la mine soit totalement opérationnelle, la société exploite une usine de démonstration qui produit environ 1 000 tonnes de concentré de graphite par an à partir de son gisement, pour prouver la qualité du produit sur le marché. Comme l’expliquait M. Desaulniers, le gisement de graphite sur lequel travaille la mine a donné une pureté du concentré de 97 à 98 %, avec des paillettes de taille géante après la flottation, ce qui en fait l’une des plus hautes teneurs de graphite naturel.
Le graphite est réparti en plusieurs catégories, à savoir le graphite en paillettes, le graphite amorphe et le graphite de veine. Nouveau Monde produit du graphite en paillettes. On l’utilise dans toutes sortes de fabrications, notamment pour des mines de crayons à papier, des lubrifiants ou des batteries lithium-ion. D’après une étude publiée par l’United States Geological Survey (USGS, l’institut d’études géologiques des États-Unis), le graphite naturel est actuellement la forme préférée de ce minéral, car on peut le purifier à 99,9 % après affinage ultérieur.
La valeur du graphite dépend de sa pureté et de la taille des paillettes ; les grosses paillettes rapportent le prix le plus élevé car il s’agit de la matière première utilisée pour les piles à combustible, de même que le graphite sphérique que l’on utilise dans la fabrication d’anode pour les batteries. Le projet Matawinie devrait produire une gamme de paillettes qui varient entre paillettes fines et grosses paillettes. L’étude de faisabilité propose des prix moyens sur les cinq premières années du projet en fonction de la taille des paillettes et de leur pureté, allant de 1 065 dollars/tonne pour les paillettes fines à 2 548 dollars/tonnes pour les paillettes les plus grosses. À la mi-janvier, Nouveau Monde n’avait aucun accord d’écoulement en place. Le 14 février, la société annonçait un accord d’écoulement et de commercialisation avec le négociant en matières premières Traxys Group. Pour les années 2019 et 2020, Traxys recevra 200 tonnes de concentré de graphite de Nouveau Monde émanant de son usine de démonstration, que le groupe pourra commercialiser auprès des utilisateurs finaux. Une fois que la production commencera à la mine, Traxys commercialisera 25 000 tonnes par an, ce chiffre dépendant de la demande et de la capacité de production.
Lors de l’élaboration de son étude de faisabilité, Nouveau Monde a décidé d’augmenter la production maximale de manière à répondre à une hausse de la demande prévue au niveau mondial, en partie motivée par plusieurs projets d’usines de fabrication de batteries en Amérique du Nord dans les années à venir.
« Il est logique pour nous de travailler d’arrache-pied afin d’obtenir les permis et de concevoir à plus grande échelle. Dans le pire des cas, si nous constatons vers le milieu des années 2020 que le marché ne répond pas à nos attentes, nous serons toujours à temps de réduire notre production à 50 000 tonnes par an. Cependant, nous sommes convaincus que le marché justifiera l’exploitation d’une plus grande mine. »
Au début des années 2020, la plus grande mine de graphite d’Amérique du Nord exploitée par Imerys Graphite & Carbon à Lac-des-Îles, au Québec, devrait atteindre la fin de son cycle de vie. À ce moment-là, le continent ne comptera plus aucun producteur majeur de graphite.
C’est ce qui confère à Nouveau Monde l’un de ses avantages pour la mine proposée, à savoir sa proximité avec de nombreux producteurs de batteries américains, existants ou en projet, répartis entre le Michigan, l’Ohio et la Pennsylvanie. Ces trois États se trouvent à des distances réalisables par camion, ce qui rend leur approvisionnement direct très simple du point de vue logistique.
En outre, ces régions sont de grands producteurs de fer, dont le graphite est un ingrédient important, même si plus modeste. Pour les aciéristes, obtenir le prix le plus bas du graphite n’est pas une priorité car ce minéral ne constitue qu’une petite part de leurs besoins pour la production d’acier. « Ils veulent avant tout un produit fiable dans une province sûre proche de leurs usines ; ainsi, ils achètent auprès d’Imerys, même si le coût est légèrement plus élevé. »
Cette option de prédilection pour l’approvisionnement en graphite arrivant en fin de vie dans quelques années, Nouveau Monde espère récupérer cette part de marché.
Équipement
11 Camions de transport (16,3 t charge utile)
2 Excavatrice hydraulique (4,2 m3 Godet)
2 Forage de production de préclivage (Trous de 140 mm/114 mm)
2 Chargeuses sur pneus
2 Bouteurs
1 Niveleuse
2 Camions-atelier
1 Camion-atelier/camion flèche
4 Camionnettes
1 Pompe d’assèchement
Source: Nouveau Monde Graphite
Traduit par Karen Rolland