Les wagonnets du système de transport n’étant composés que de parois latérales, chaque train forme une longue rame qui peut épouser les courbes des galeries souterraines. Kelsey Rolfe

“Le point fort de ce système est indéniablement la piste de déchargement du minerai à 360 degrés », déclarait David Paquette, superviseur général entretien à la mine Goldex, à proximité de Val-d’Or, au Québec. Au terminus de Rail-Veyor, le système électrique léger sur rail de transport du minerai, M. Paquette nous décrit la boucle à 360° des rails. Après avoir parcouru une piste de trois kilomètres (km) à partir du niveau le plus bas de la mine Goldex, le système Rail-Veyor déverse le minerai qu’il transporte sur cette piste. « On se croirait à La Ronde. »

La description est assez pertinente ; en effet, cette piste de déchargement ressemble à  une version industrielle des montagnes russes du parc d’attraction de Montréal. La seule différence est qu’à La Ronde, les passagers ne sont pas brusquement propulsés hors du wagon alors qu’ils sont la tête à l’envers à 750 mètres sous terre.

Le système Rail-Veyor transporte du minerai à Goldex depuis septembre l’année dernière. Il s’agit du premier déploiement à grande échelle sous terre de ce système en Amérique du Nord. Cette technologie permet de transporter le minerai du gisement Deep 1 de la mine jusqu’à la surface ; sans lui, le gisement, en raison de sa teneur (1,59 gramme par tonne) et de son emplacement, n’aurait pas été économiquement viable pour la mine. Le gisement Deep 1 a permis d’ajouter sept ans au cycle de vie de la mine Goldex, qui ira désormais jusqu’en 2025.

« Notre gisement affiche de faibles teneurs, aussi notre production doit maintenir un haut débit », indiquait Christian Lessard, surintendant entretien à Goldex. « Le treuil d’extraction minière et le système Rail-Veyor permettent d’assurer une production élevée. » L’objectif à la mine Goldex est de maintenir les coûts liés à l’exploitation du site en-deçà des 40 dollars par tonne de minerai extrait.

Depuis sa mise en service, le système Rail-Veyor a transporté au total 439 755 tonnes de minerai depuis le gisement Deep 1, à une capacité de 2 400 tonnes par jour depuis juin. Comme l’expliquait M. Paquette, la mine œuvre actuellement à augmenter la capacité totale de Rail-Veyor à 6 000 tonnes par jour, et espère y parvenir d’ici 2019.

Au niveau 115 du gisement Deep 1, à plus d’un kilomètre sous terre, le minerai est déchargé dans un grizzly (un crible scalpeur), et les refus de crible sont envoyés dans une pièce d’abattage. Un alimentateur vibrant dépose le matériau dans l’un des 68 wagonnets des six trains. De là, le train contrôlé à distance évolue sur un circuit remontant un plan incliné à 17 %, de son point de départ au niveau 1 250 mètres de la mine Goldex jusqu’au niveau 730 mètres. Tout au long de son déplacement, il avance à l’aide de roues gonflées à la mousse vers 91 stations d’entraînement qui sont régulièrement espacées le long du circuit. Les roues horizontales de Rail-Veyor entrent en contact avec les plaques latérales des wagonnets pour les faire avancer et reculer.

Pour éviter aux roches de glisser du wagonnet en tête du train et de tomber sur la voie, le chargement commence à partir du second wagonnet.

Lorsqu’il arrive sur la piste de déchargement, le train avance sur la partie supérieure ; une fois à l’envers, le minerai transporté dans le wagonnet est déversé dans un silo. De là, le Rail-Veyor, vide, retourne à son point de départ, et le minerai est remonté à la surface.

L’or est extrait à l’aide du circuit par gravité à l’usine Goldex, où il est transporté par camion jusqu’à l’exploitation LaRonde dans un concentré épaissi qui subit une lixiviation par cyanuration. Avec l'aimable autorisation d'Agnico Eagle

Sur le chemin de Deep 1

La minéralisation qui est devenue la zone Deep 1 a été découverte en 2007. Elle est située sous la Goldex Extension Zone (GEZ, la zone d’extension de la mine Goldex) qu’exploitait Agnico Eagle, et la société a commencé les travaux de forage afin de déterminer l’ampleur de la minéralisation.

Cependant, avant de publier une estimation des ressources pour la zone Deep, Agnico a fermé Goldex trois ans après son ouverture en raison du manque de stabilité des roches au-dessus de la GEZ et de l’endroit même où avaient lieu les travaux pour la zone Deep. Un peu moins d’une année plus tard, en juillet 2012, la société approuvait le développement des zones satellites M et E sur le site de Goldex, où les roches étaient plus stables ; la mine a rouvert ses portes en 2013. La GEZ a été totalement éliminée car son exploitation présentait trop de dangers.

Les travaux ont repris à Goldex, et l’équipe a commencé à se pencher sur le développement de Deep 1 après avoir obtenu le feu vert d’Agnico en juillet 2015 ; la production commerciale a débuté à la fin du mois d’août de cette même année. Devant agrandir le système de levage existant à partir de la GEZ pour transporter le minerai du gisement le plus bas, l’équipe a envisagé plusieurs options, dont le système Rail-Veyor.

« Le plus important pour [l’équipe de Goldex] était de déterminer si elle pouvait réduire les coûts tout en prolongeant la durée de vie de la mine et ce, en creusant plus profond sans ajouter d’aérage supplémentaire », déclarait Frank Ward, vice-président des ventes et du marketing à Rail-Veyor Technologies Global, la société de Sudbury, en Ontario, à l’origine du système Rail-Veyor.


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L’équipe a constaté que cette technologie serait moins coûteuse que des camions de transport, et ne nécessiterait aucun aérage supplémentaire. En outre, contrairement à un convoyeur, ce système pourrait également être construit le long de courbes afin d’éviter des zones de terrain instables. « Nous avons rencontré des problèmes d’ordre géotechnique dans le passé lorsque nous avons commencé l’exploitation dans la GEZ », expliquait M. Lessard. « Aussi, nous nous faisons une priorité à la mine Goldex de procéder à l’excavation dans une roche de la meilleure qualité possible. »

M. Lessard précisait que cette technologie présente un avantage supplémentaire, celui de permettre à l’équipe de réutiliser les galeries d’accès existantes. « Nous avons pu utiliser ces excavations avec le Rail-Veyor, aussi nous avons pu réduire les coûts de développement », indiquait M. Lessard. Environ un quart du système a été installé le long de galeries de 4,5 mètres de large, que la société a élargies à 5,8 mètres pour permettre à un tracteur de circuler à côté des rails. « Le système Rail-Veyor peut être utilisé sur un plan incliné plus étroit, mais en termes d’entretien et de disponibilité, nous avons opté pour un plan incliné plus large », ajoutait-il.

Équipé de barrières autour des galeries et d’un contrôle d’accès pour éviter que les travailleurs ne se blessent, M. Lessard expliquait que le système Rail-Veyor présente de grands avantages en termes de sécurité. Le système s’arrête automatiquement si des travailleurs passent les barrières.  Il ne produit en outre aucune émission. « Le diesel n’engendre ni chaleur ni poussière », indiquait M. Lessard. « On ne peut nier cet avantage en termes de santé et de sécurité. »

Le plus gros atout de Rail-Veyor reste sans doute sa capacité à transporter des roches plus grosses qu’un convoyeur, aussi il n’a pas été nécessaire d’installer un concasseur ; la période de construction à la zone Deep 1 a ainsi été réduite de six mois.

Gestion des risques

Toute nouvelle technologie s’accompagne de risques. D’après M. Lessard, la plus grande préoccupation entourant l’installation de Rail-Veyor concernait l’éventualité d’un déraillement du train, notamment dans une pente aussi abrupte. « Nous ne connaissions pas le taux de déraillement, et si cela venait à se produire, nous ne savions pas vraiment comment le réparer », indiquait-il. Pour atténuer les difficultés, l’équipe a ajouté un système de sécurité ainsi que des barrières, et a instauré des procédures concernant la mise en place du train sur la voie, indiquait M. Paquette.

La taille du train est également source de complexité en termes d’entretien. Le Rail-Veyor est composé de 182 roues à ses 91 stations d’entraînement, et compte plus de 400 wagonnets, précisait M. Paquette. La société a installé des capteurs pour la maintenance préventive, et dispose d’un inventaire complet de pièces de rechange pour éviter les pannes inattendues. D’après M. Paquette, les préposés à l’entretien vérifient régulièrement les trains et les stations d’entraînement afin de s’assurer qu’il n’y ait pas de problème.

« Étant la première société à [utiliser Rail-Veyor], nous sommes plus prudents », expliquait M. Paquette. « Après cinq, voire dix ans d’utilisation de Rail-Veyor, nous espacerons les inspections. Mais pour le moment, nous investissons plus d’énergie que d’habitude dans ce genre de détails. »

M. Lessard indiquait que l’équipe essaie également de résoudre un problème au niveau des roues aux stations d’entraînement ; elles produisent une matière visqueuse noire qui affecte la friction entre les pneus et les plaques latérales des wagonnets. Agnico collabore actuellement avec Rail-Veyor et nombreuses autres sociétés sur un banc d’essai à Sudbury en vue de trouver une roue plus adaptée.

Accélération

La voie vers le premier déploiement sous terre du système Rail-Veyor en Amérique du Nord a été parsemée d’embûches. La première itération du système a été installée il y a environ 10 ans en Afrique du Sud, à la mine Phakisa de la société Harmony Gold. Après le décès en 2009 de Risto Laamanen, le créateur de Rail-Veyor, sa famille avait beaucoup de mal à gérer la société, indiquait M. Ward. Entre 2010 et 2011, de nouveaux investisseurs ont aidé à la relancer et à la refinancer.

« Jusqu’en 2015, nous avons passé de nombreuses heures à tenter d’améliorer Rail-Veyor afin d’en faire un système plus fiable et moins onéreux, et de nous rapprocher des normes automobiles plutôt que de le fabriquer de manière plus artisanale », ajoutait M. Ward. « Nous avons procédé ainsi afin de rendre le système commercialisable pour le marché minier actuel, en pleine expansion », déclarait M. Ward.

Rail-Veyor installe aujourd’hui un système de surface dans une installation de coke de pétrole au Venezuela ainsi qu’un autre système souterrain dans une mine de plomb au sud-est du Missouri. M. Ward expliquait qu’il avait fallu beaucoup de temps avant que des clients potentiels « nous demandent des renseignements » ; aujourd’hui cependant, la nouvelle s’est répandue et les demandes deviennent plus fréquentes. « L’intérêt se fait maintenant sentir au niveau international, de même qu’en Amérique du Nord. »

Quant à Goldex, M. Lessard indiquait que l’un des meilleurs arguments de vente de Rail-Veyor est que le système est expansible. Agnico envisage actuellement de développer d’autres zones à Goldex (le premier chantier pilote dans la zone South devrait être opérationnel d’ici le mois de juin), et la société investit des millions de dollars cette année dans le forage des zones Deep 2 et 3. « La zone South est à proximité de Deep 1, et elle pourrait utiliser l’installation existante », indiquait M. Lessard. « Si nous obtenons le feu vert pour développer Deep 2, nous pourrions ajouter quelques stations d’entraînement et également utiliser le système Rail-Veyor dans ces zones. »