Le puits de la mine K3 a hissé son premier godet rempli de potasse en fin d’année dernière, et continuera de remonter du minerai en surface pendant encore au moins un demi-siècle. Avec l'aimable autorisation de The Mosaic Company / Greg Huszar

Le chevalement Nord de la nouvelle mine de potasse K3 d’Esterhazy de The Mosaic Company (Mosaic) s’érige à 114 mètres au-dessus des plaines du sud de la Saskatchewan. Cette structure massive, sans doute le chevalement le plus élevé au Canada, mesure 18 mètres de haut et autant de large à sa base, et renferme deux énormes treuils. Le treuil d’extraction minière Koepe destiné à la production a été mis en service en 2018. Il hissera jusqu’à la surface des bennes pouvant contenir 60 tonnes de potasse, extraites à plus d’un kilomètre sous terre ; le treuil Blair, plus petit, est équipé d’une cage de 27 tonnes qui transporte personnes et équipement. L’installation du treuil à tambour Blair dans les limites imposées par le chevalement a été l’un des nombreux exploits techniques de ce projet.

Le treuil Koepe dans le chevalement Nord peut hisser 11 millions de tonnes américaines par an ; un second treuil Koepe le rejoindra bientôt à 137 mètres de là dans le chevalement Sud, dont la construction devrait débuter au printemps 2020. À pleine capacité, les deux treuils pourront transporter plus de 20 millions de tonnes américaines de potasse à la surface chaque année, permettant ainsi à Mosaic de construire et d’exploiter la plus grande mine souterraine de potasse et la plus compétitive au monde, un objectif qu’elle s’est fixé pour 2024.

Le chemin parcouru

Mosaic a lancé son projet d’agrandissement de la mine K3 d’Esterhazy en 2011 pour échapper aux problèmes d’arrivée de saumure dans la mine contre lesquels se bat la société dans ses exploitations K1 et K2 depuis 1985. Pendant plus de 30 ans, Mosaic a investi des millions de dollars chaque année pour éliminer la saumure par pompe dans ses mines K1 et K2 afin de pouvoir poursuivre ses activités. Rien qu’en 2012, la société a dépensé 250 millions de dollars américains dans la gestion des arrivées de saumure à Esterhazy.

Lawrence Berthelet, vice-président du génie et du capital pour l’unité commerciale dédiée à la potasse de Mosaic, indiquait que l’emplacement de K3 avait été soigneusement choisi pour accéder à la même couche de potasse d’Esterhazy que celle extraite sur les sites K1 et K2, mais aussi pour apposer une zone tampon entre les anciennes et les nouvelles mines afin d’éliminer le risque d’arrivée d’eau.

  1. Berthelet, qui a rejoint Mosaic pour diriger le projet de construction de la mine K3, entretient un lien familial unique avec la mine ; en effet, son père travaillait pour la société de construction qui a bâti K1 en 1957.

Mosaic a fait équipe avec Hatch, une société spécialisée dans les services d’ingénierie, d’approvisionnement et de gestion de la construction (IAGC), ainsi que plusieurs autres grands entrepreneurs pour construire K3. Les travaux préparatoires de ce projet de 3,2 milliards de dollars ont commencé en 2012, avec la construction des chevalements Nord et Sud qui abriteraient l’équipement nécessaire au fonçage du puits.

Des techniques de congélation ont été employées pour contrôler l’arrivée d’eau tout en fonçant des puits de six mètres de diamètre. Des trous ont été creusés autour du périmètre des puits et un fluide caloporteur à - 35 degrés Celsius (- 35 °C) a été envoyé par pompe le long de manchons insérés dans les trous de forage pour congeler le sol. Dans ce noyau de protection gelé, on a effectué des opérations de forage, d’abattage à l’explosif et de marinage pour l’excavation couche par couche du puits de mine. Des excavatrices ont été suspendues en dessous d’une plateforme de fonçage de puits de mine (Galloway) pour charger les débris résultant de l’explosion et s’en débarrasser ; le puits a ensuite été couvert d’un revêtement pour empêcher les arrivées d’eau.

Mosaic touche le fond, enfin

En février 2017, Mosaic a atteint la couche de potasse tant attendue à 1 021 mètres sous terre, et remonté son premier godet rempli de potasse à la surface. L’objectif était de poursuivre le puits jusqu’à 1 088 mètres, mais cette victoire a marqué un tournant historique pour la société et la province, car K3 est devenu le premier puits de production de potasse foncé en Saskatchewan ces 50 dernières années.

L’étape suivante a été atteinte en mai de cette même année, lorsque Mosaic a terminé la connexion des galeries d’accès entre les puits Nord et Sud, ce qui a permis l’aérage à renouvellement continu nécessaire à l’équipement fonctionnant au diesel pour le développement souterrain.

L’approche modulaire

Deux des plus grosses difficultés rencontrées lors du projet d’agrandissement de K3 étaient la pénurie de main-d’œuvre d’une part, et les conditions météorologiques de l’autre. Pour surmonter ces difficultés, Hatch a eu recours à une approche modulaire pour la phase de construction. Waiward, une société de fabrication de Saskatoon, a été sélectionnée pour fabriquer et pré-assembler les profilés en acier, qui ont ensuite été transportés par camion vers le site.

« Notre objectif était de réduire le risque pendant la construction des points de vue de la sécurité, du coût et du calendrier. La conception et la construction modulaires nous ont permis d’atteindre ces trois objectifs, car nous avons pu éliminer du site des milliers d’heures de travail risqué », déclarait Mark Deziel, directeur de l’exploitation minière pour l’Amérique du Nord chez Hatch. « Depuis que nous avons mis en œuvre ce programme modulaire, nous avons installé 250 tonnes d’acier modulaire durant le projet de transition relative au chevalement Nord et transporté environ 300 tonnes d’acier dans le fond du puits. »

La plus grosse pièce à avoir été transportée sur les 400 kilomètres séparant Saskatoon à Esterhazy était le module constituant le centre du point de déchargement pour le chevalement qui, avec ses 18 mètres de long et 6 mètres de large, pesait 56 tonnes.

D’après M. Deziel, l’approche modulaire a permis de gagner 45 jours de travail sur le calendrier, soit 25 %, en réduisant le temps de construction sur le site. « Le chevalement Sud, qui se trouve actuellement en phase de conception détaillée, sera constitué à 100 % d’acier installé à l’aide de pièces pré-assemblées ; ceci devrait permettre à Mosaic de diminuer le travail sur place de 24 000 heures, de réduire son calendrier de construction de 6 mois et d’économiser 20 millions de dollars en coût en capital », expliquait M. Deziel, ajoutant que « la planification de la construction dès la phase de conception est essentielle ».

Beaucoup de gros éléments de l’équipement minier ont également été amenés sous terre au niveau de la mine dans de grandes sections à l’aide des treuils de fonçage. Fin 2017 et début 2018, l’équipe a amené sous terre une machine d’extraction à tambour en seulement quatre pièces.

« Il s’agit du plus gros élément descendu dans un puits de potasse dans l’histoire du Canada », indiquait M. Berthelet. « Nous avons procédé quatre fois sans aucun incident. Normalement, il faut compter deux ou trois mois pour assembler une machine d’extraction à tambour, et la décomposer en multiples pièces. Nous avons réussi à descendre cette machine sous terre en seulement quatre morceaux. La plus grosse pièce pesait 60 tonnes, et nous l’avons assemblé en environ 10 jours. »

Une artère terrestre

Le projet a passé un autre tournant en décembre 2018, lorsque la mine a envoyé sa première benne remplie de potasse le long du nouveau transporteur terrestre de 11 kilomètres qui relie la mine K3 au concentrateur K2 d’Esterhazy. Plutôt que d’investir des milliards de dollars pour construire de nouvelles installations de traitement et de gestion des résidus à K3, Mosaic a fait des investissements de capitaux ces dernières années pour progressivement moderniser les circuits et les équipements dans les usines de traitement existantes de K1 et K2, ainsi que pour utiliser les nouvelles courroies de transport de 11 kilomètres permettant d’acheminer le minerai de K3 jusqu’aux installations de K1 et K2.

« Avec sa production de 21 millions de tonnes américaines, la mine K3 deviendra la plus grande mine de potasse du monde », déclarait M. Berthelet. « Nous prévoyons de pouvoir traiter tout ce minerai une fois que nous aurons atteint notre capacité à K3. »

Le transporteur de K3 à K2 étant désormais en service, la prochaine étape consistera à mettre en service le transporteur entre K3 et K1 ; d’après M. Berthelet, cela est prévu pour le milieu ou la fin de l’année 2020. Le treuil d’extraction minière Sud devrait être opérationnel d’ici 2022.

Intensification de la productivité

Afin d’optimiser le rendement et la productivité à la nouvelle mine, Mosaic applique au site K3 les enseignements qu’elle a tirés de ses 50 années d’exploitation minière à K1 et K2, en y ajoutant de nouveaux équipements automatisés plus efficaces en souterrain, et en installant sous terre un réseau de communication de base en Wifi pour une communication et un transfert de données plus performants. Lorsque Mosaic approchera de sa pleine capacité à K3, les mines K1 et K2 seront déclassées.

« Nous sommes en bonne voie pour atteindre notre pleine capacité à K3 d’ici 2024 », expliquait M. Berthelet. « Il est cependant encore trop tôt pour donner un calendrier précis du déclassement. »

La difficulté actuelle à K3 est de remplir la zone souterraine avec suffisamment de perforatrices qui pourront couper la potasse et alimenter ce nouveau treuil affamé.

Spécificités du projet :

Déclassement de K1 – 2021

Déclassement de K2 – 2023

Hauteur de la couche de potasse à Esterhazy – 8 pieds (environ 2,5 mètres)

Réserves de potasse : 879 millions de tonnes (MT), dont concentration en K2O de 24,7 %

Durée de vie de la mine : plus de 50 ans