Nick Fouche, directeur général de la croissance chez PMC Avec l’aimable autorisation de Palabora Copper Mountain
Lorsque la société Palabora Mining Company (PMC) décidait de transformer sa mine géante à ciel ouvert en une exploitation souterraine il y a près de 15 ans, le producteur de cuivre sud-africain se lançait un défi phénoménal, celui de construire une gigantesque mine exploitée par foudroyage par blocs dans l’une des formations rocheuses les plus dures d’Afrique. L’exploitation qui en a résulté, baptisée Lift I, a établi des critères de référence dans l’industrie en matière de préconcassage et de conception intégrée, mais n’a pas pour autant été épargnée des difficultés initiales. Aujourd’hui, alors que PMC développe sa seconde exploitation, Lift II, plus grande et plus profonde, elle tire les enseignements du passé et s’appuie sur les nouvelles technologies pour s’assurer que ce projet d’une valeur d’un milliard $ soit couronné de succès.
En théorie, la technique du foudroyage par blocs (ou méthode d’exploitation par blocs foudroyés) est relativement simple. Les travers-bancs dans la roche se trouvant en dessous du corps minéralisé provoquent un affaissement progressif des parois, formant ainsi une caverne artificielle dont les gravats s’écoulent vers le bas dans un système de canaux et de tunnels préconstruits.
« Imaginez cette exploitation comme une mine à ciel ouvert renversée qui permet d’extraire les mêmes types de corps minéralisés massifs », expliquait Nick Fouche, directeur général de la croissance chez PMC. Pour une société dont l’expérience remonte à près d’un demi-siècle, et dont la production dans sa précédente mine à ciel ouvert s’élevait à 82 000 tonnes par jour (la plus grande en Afrique du Sud), cette transition en une mine équivalente sous terre aurait dû être relativement simple.
L’expérience lui a cependant rapidement montré que la technique du foudroyage par blocs était loin d’être simple.
« Notre expertise en matière de foudroyage par blocs faisait partie des meilleures de l’industrie, mais nous évoluions dans des terres encore inexplorées et il manquait de nombreux éléments à la société lorsqu’elle a commencé à développer l’exploitation Lift I il y a 15 ans », expliquait M. Fouche. « Notre équipement et nos procédés n’étaient pas toujours adaptés, et nous manquions d’expérience ; aussi, nous avons dû résoudre ces problèmes avant que l’exploitation ne devienne un exemple de réussite. »
À l’heure actuelle, PMC est le seul producteur de cuivre en Afrique du Sud et la société fournit près de 80 % des métaux raffinés sur le marché local. L’exploitation à ciel ouvert dans la province de Limpopo est arrivée en fin de vie à la fin des années 1990, et la société a été l’une des premières au monde à directement transformer sa mine à ciel ouvert en une exploitation souterraine à l’aide de la méthode par blocs foudroyés, créant des précédents dans l’industrie avec un volume final de 30 000 tonnes par jour (t/j) et une caverne centrale de 450 mètres de hauteur. L’exploitation Lift I avait commencé à extraire du minerai en 2001, mais il faudra compter entre quatre et cinq ans avant que la production à Lift II n’atteigne sa pleine capacité en raison des problèmes rencontrés au niveau de la fragmentation de la roche. L’exploitation souterraine n’a pas fait l’objet d’une surveillance approfondie, aussi les estimations de la teneur du minerai n’étaient pas toujours précises. Ajoutez à cela l’affaissement de la paroi nord, et la mine devra arrêter ses activités bien plus tôt que prévu, abrégeant ainsi la durée de vie de l’exploitation à la fin de l’année 2015, et non en 2023.
« Au vu de cette situation, nous avons commencé à envisager en novembre 2011 la possibilité d’un deuxième agrandissement de l’exploitation par foudroyage par blocs, 450 mètres juste en dessous de Lift I », expliquait M. Fouche. Une étude basée sur des données de 72 000 mètres de carottage a permis de conclure que le corps minéralisé plus profond est très identique en termes de taille, de forme et de teneur à celui de l’exploitation Lift I, à 0,64 % de cuivre ; ainsi, la société peut utiliser la même méthode pour exploiter la mine de manière économique. Lift II prévoit un volume de 33 500 t/j et un niveau de production situé à 1 650 mètres en dessous de la surface. Lors de la première extraction de minerai à la fin de l’année 2017, cette mine sera l’un des plus grandes et des plus profondes exploitée par foudroyage par blocs au monde. « Nous avons fait notre possible pour nous assurer que l’agrandissement soit réussi dès le départ », indiquait M. Fouche.
Sous les hauts arbustes et les prairies de la célèbre région de Bushveld dans la province de Limpopo se trouvent certains des gisements les plus riches en minéraux d’Afrique, dans l’un des complexes de roches les plus dures du continent. Les exploitations minières de PMC se trouvent sur une formation de pyroxénite riche en apatite dans la région nord-est de la province ; seul le complexe du Bushveld présente des roches plus compétentes dans la région.
« Les problèmes associés à l’augmentation de la production à Lift I étaient bien connus dans le secteur et concernaient le calibrage des blocs rocheux en fragments de taille permettant leur passage vers les points de soutirage », indiquait Hans-Dieter Paetzold, géologue en chef de Palabora. « Nous nous attendions à une fragmentation bien plus importante en raison de la grande résistance de la roche. »
La production a atteint un maximum de 20 000 t/j en raison des goulots d’étranglement au niveau des entonnoirs de soutirage et des concasseurs car les blocs rocheux étaient trop gros. La société a fini par mandater une équipe interne d’experts en extraction et en traitement pour concevoir un système de préconcassage avec un équipement adapté afin de pouvoir augmenter la production de manière plus méthodique et prévisible. Il a fallu pratiquement deux années supplémentaires à l’exploitation pour que la production atteigne sa pleine capacité ; mais lorsque ce moment est enfin arrivé, Lift I disposait « de l’un des meilleurs systèmes de préconcassage au monde », indiquait M. Fouche.
Pour ce qui est de Lift II, plutôt que de conserver la même configuration à quatre concasseurs, chacun ne disposant que d’un seul point de bascule, PMC prévoit d’utiliser deux concasseurs à cône BK 63-75 de ThyssenKrupp pouvant traiter 2 000 tonnes par heure (t/h). Ces concasseurs sont équipés de gueulards plus larges, ce qui leur permet de traiter du minerai plus volumineux, et de quatre points de bascule par concasseur, ce qui permet aux chargeurs-transporteurs de déverser leur chargement dans huit points de bascule différents au total.
La configuration à deux concasseurs permet également d’envisager l’utilisation de chargeurs-transporteurs électriques en raison des plus courtes distances qui séparent les travers-bancs des points de bascule au centre. « L’utilisation de chargeurs-transporteurs électriques nous permet de contrôler la forte chaleur qui règne dans la mine », expliquait M. Paetzold. Les températures des rochers vierges dans les profondeurs de Lift II devraient atteindre 58° Celsius, et il est important de prévoir l’empreinte au sol des véhicules électriques pour la mine afin de considérablement réduire la charge thermique globale. L’équipe du projet évalue encore les avantages possibles des chargeurs-transporteurs électriques (qui affichent une meilleure capacité de refroidissement) par rapport aux machines fonctionnant au diesel (plus flexibles et plus autonomes) ou aux unités alimentées par batterie (qui requièrent des bornes de recharge).
Anticipation
La configuration du préconcassage de Lift I a fini par devenir une référence pour l’industrie en matière de concassage de minerai extrêmement compétent, contrairement aux systèmes de surveillance de la caverne de l’exploitation qui n’ont jamais atteint un tel succès. « Nous ne disposions pas dès le début de programme complet de surveillance du développement de la caverne », expliquait M. Paetzold. « Nous avions bien quelques outils de surveillance et échantillons d’entonnoirs de soutirage, mais après plus ou moins huit ans, il est devenu difficile de prévoir le comportement de la caverne. »
Avec seulement quelques réflectomètres temporels (TDR) dans le corps minéralisé de Lift I, le système sismique très général ne fournissait tout simplement pas suffisamment d’informations pour obtenir une vision d’ensemble de la mine à tout moment. Ainsi, la paroi nord du puits a fini par s’effondrer en 2004, après que le pilier de couronne de la caverne de Lift I se soit fendu au pied de la paroi nord de la mine à ciel ouvert. Pendant 18 mois, un glissement de près de 800 mètres par 300 s’est formé le long de la paroi depuis l’accrochage. Depuis, la dilution de jusqu’à 100 millions de tonnes de stériles dans le minerai du gisement a considérablement réduit sa teneur ainsi que la durée de vie de la mine de 5 ans.
« Nous sommes maintenant conscients de l’importance de la surveillance prédictive et sommes en train d’installer un système complet pour Lift II », expliquait M. Fouche. Des TDR et des marqueurs intelligents placés dans des trous en découvert seront installés afin de couvrir la zone exploitée par foudroyage par blocs entre Lift I et Lift II. Les données collectées seront ensuite stockées et analysées à l’aide d’un logiciel GEMS. En outre, un système sismique existant est actuellement mis à niveau de manière à déterminer le moment précis auquel la caverne la plus profonde commencera à affecter les activités et l’infrastructure située au-dessus.
Premiers travaux
La vie de cette mine s’arrêtera en décembre 2015, mais la production en dehors de la caverne se poursuivra jusqu’à fin 2018 afin de réduire les pertes de réserves. La mine en activité exploitée par foudroyage par blocs se trouvant au dessus de l’espace de développement de Lift II, la société a dû élaborer une stratégie de construction afin de construire Lift II sans arrêter les activités de l’exploitation existante.
Cette stratégie a donné naissance au programme de 220 millions $ dédié aux premiers travaux en 2011, lesquels impliquaient de construire des descenderies jumelées ainsi que d’améliorer le système électrique et d’aérage afin d’alimenter les exploitations Lift I et II simultanément. « Nous avons souhaité éviter une longue discontinuité des activités entre les deux exploitations étant donné que nous disposons des connaissances et de l’expérience uniques nécessaires en matière de foudroyage par blocs, et avons l’intention de conserver la compétence de la mine exploitée à l’aide de cette technique pour Lift II », indiquait M. Fouche.
On remarque bien cet état d’esprit dans l’allure folle à laquelle la construction progresse et dans les nouveaux procédés et technologies qu’utilise Palabora pour y parvenir. La construction de descenderies jumelées dans l’environnement souterrain limité signifie généralement que la progression des travaux ne dépasse pas les sept mètres par jour (m/j). Cependant, la société a collaboré avec l’entrepreneur Byrnecut pour développer un procédé capable de creuser 10,5 m/j. « Plutôt que de procéder à deux déblais, un sur chaque galerie d’avancement, nous avons réussi à modifier les angles d’inclinaison des tunnels et à obtenir trois déblais dans les deux galeries chaque jour », expliquait M. Fouche. Les taux de progression ont également été maintenus en utilisant une chargeuse frontale Sandvik LH621, le plus grand modèle jamais envoyé sous terre dans un puits de mine de 1 200 mètres et la plus grosse chargeuse frontale utilisée sous terre en Afrique.
L’autre engin qui contribue à l’avancement des travaux est la foreuse de montage RD8 de l’entrepreneur Master Drilling. La modélisation indique que l’agrandissement de la caverne risque d’entraîner l’effondrement des tours de ventilation actuelles, aussi « il est indispensable d’installer les premières nouvelles tours de ventilation d’ici décembre 2016, moment auquel le stade de la construction dépassera les capacités actuelles d’aérage », expliquait M. Paetzold.
La société a choisi d’utiliser la méthode de forage par montage plutôt que celle, plus traditionnelle, de fonçage de puits borgnes pour développer les deux tours de ventilation de 6,1 mètres de diamètre, qui s’étendent sur 1 200 mètres entre la surface et le niveau de Lift I. La RD8 est la plus grande foreuse de montage, et la plus sophistiquée, utilisée en Afrique du Sud ; elle peut forer des trous atteignant 8,0 mètres de diamètre et 1 500 mètres de profondeur. Cette machine utilise la puissance électrique et hydraulique pour alimenter les pistons et le moteur, et elle peut être exploitée et surveillée à distance par seulement quatre personnes.
Les données indiquent que les tours croiseront des structures géologiques qui peuvent présenter des problèmes pendant la phase de construction lorsqu’elles sont exposées. Cependant, la RD8 est également livrée avec le nouveau système Remote Operated Shaft Support (ROSS, un système de surveillance de la stabilité des puits commandé à distance) de l’entrepreneur, spécifiquement développé pour ce projet. Plutôt que d’attendre que le puits soit terminé et fraisé, le système ROSS permet à l’équipe d’installer à distance un système de surveillance de la stabilité du puits situé à 1 200 mètres ou moins de la machine de forage pendant le procédé de forage. « Si nous suspectons une retombée ou un glissement, nous pouvons momentanément arrêter l’alésage, raccorder le système, inspecter la zone concernée et la clôturer immédiatement », indiquait M. Paetzold.
Il indiquait également que la construction des fondations était un facteur extrêmement important dans la décision. Un procédé normal de fonçage de puits borgnes implique généralement de procéder à une coupe verticale et d’entièrement creuser la zone jusqu’à ce que l’on trouve une roche appropriée pour placer les fondations. Cependant, il est possible d’installer des pieux pour soutenir des fondations avec la méthode de forage par montage, ce qui permet de considérablement réduire le temps de construction.
D’après M. Paetzold, la construction du premier des deux puits, sur lequel PMC travaille depuis mars, sera terminée d’ici la fin de l’année 2016. « Les deux puits seront construits bien plus rapidement que si nous avions décidé de foncer un seul puits borgne de huit mètres de diamètre, et cette solution sera également bien moins onéreuse. »
Le développement de Lift II devrait prolonger la durée de vie de la mine jusqu’en 2033, et cette fois-ci, l’équipe de Palabora est convaincue qu’elle partira sur de bonnes bases. « La technique de foudroyage par blocs est une option unique que l’on apprend avec le temps et en acquérant l’expérience nécessaire », indiquait M. Fouche. « Nous avons cette grande chance d’avoir pu la parfaire dans le cadre de notre deuxième projet. »