L'usine de traitement, attenante au gisement Touquoy, peut traiter 250 tonnes par heure. Avec l'aimable autorisation d'Atlantic Gold

Maryse Bélanger est fière du premier projet qu'elle dirige au sein de la société Atlantic Gold. Le projet Moose River Consolidated en Nouvelle-Écosse, dont la valeur est de 137,3 millions $, devrait commencer sa production d'or d'ici octobre. « C'est un projet de petite envergure, mais il est bien fait et pensé intelligemment », déclarait Mme Bélanger, directrice de l'exploitation chez Atlantic Gold depuis juillet 2016. « Comme vous pouvez le constater, ce projet me tient beaucoup à cœur. »

Moose River commence tout doucement, par ce que la société qualifie de « première étape » du projet. Les réserves minérales prouvées et probables du projet Touquoy sont de 425 000 onces sur la base d'une production de 9,2 millions de tonnes (Mt), à une teneur moyenne de 1,44 gramme par tonne (g/t) ; celles du projet Beaver Dam à proximité sont de 335 000 onces sur la base d'une production de 7,25 Mt, à une teneur de 1,44 g/t.

Moose River a une longue histoire. Une étude provinciale de 1861 a entraîné une ruée vers l'or en Nouvelle-Écosse et la désignation d'un total de 65 districts d'exploitation aurifère au début des années 1900, dont Sherbrooke, Seal Harbour et Tangier. La Nouvelle-Écosse, et plus spécifiquement la grauwacke de la période cambrienne et l'ardoise sus-jacente que l'on trouve dans le groupe de Meguma dans le sud, sont devenues célèbres pour leurs filons de quartz aurifère, souvent de haute teneur et auxquels on accède par des chantiers souterrains. Entre 1877 et la Première Guerre mondiale, les mines d'or de Moose River ont produit environ 21 500 onces.

Au milieu du XXe siècle, l'exploitation minière dans la province n'était pas très intense. Pourtant, dans les années 1980 et 1990, une série de sociétés ont exploré les possibilités qu'offrait l'exploitation à ciel ouvert au gisement Touquoy, où était disséminé dans de l'argilite de l'or de teneur moyenne mais non réfractaire. Atlantic Gold s'est engagée dans ces activités au début des années 2000, une période très prospère. Outre Touquoy et Beaver Dam, la société explore deux autres gisements, Cochrane Hill et Fifteen Mile Stream, un investissement qu'elle qualifie globalement de « collier de perles ».

Pour l'instant, Touquoy est la seule mine produisant de l'or dans la province, et elle emploiera directement jusqu'à 215 personnes d'ici l'automne.

Élimination des surcoûts

Dans un élan inhabituel, Atlantic Gold a signé un contrat d'ingénierie-approvisionnement-construction (contrat IAC) à prix fixe avec la société Ausenco. Il s'agit du premier contrat en son genre pour une usine de traitement de l'or, qui réduit les risques de surcoûts en garantissant à la société minière qu'elle n'en subira pas les contrecoups. Pour le contractant, les avantages se traduisent à la fois par la possibilité d'offrir un coût prévisible, et par une grande motivation pour travailler efficacement. D'importants travaux préparatoires sont cependant nécessaires pour les deux parties, ce qui, selon Mme Bélanger, est l'une des raisons pour lesquelles cette option est souvent négligée. « Tout le monde doit faire preuve de clarté », indiquait-elle. « Côté client, on doit énoncer ce que l'on désire ; côté contractant, on doit annoncer le coût total. » Les travaux d'ingénierie circonstanciés doivent inclure une sélection précise de l'équipement, incluant jusqu'au modèle de pompes et leur taille ; quant aux fournisseurs, ils doivent présenter des devis exacts.

Du point de vue de Mme Bélanger, ces travaux en valaient la peine. « Cette expérience s'est révélée très enrichissante », indiquait-elle. « En tant que client, nous avons un calendrier et un budget bien établis. »

Le processus de construction ne s'est cependant pas déroulé sans tracas. Mme Bélanger nous a fait part des leçons qu'elle a apprises à ses dépens. « N'essayez pas de construire en hiver une base en argile pour une digue à stériles. » Lorsque des lentilles gelées se forment dans l'argile, il faut jeter le matériau ; étant donné les températures durant la période hivernale en Nouvelle-Écosse, la plage horaire permettant de travailler en toute sécurité avec l'argile n'est que de deux heures en milieu de journée.

Broyage écoénergétique

À de nombreux égards, ce projet est une exploitation à ciel ouvert et une usine de traitement traditionnelles. Le gisement Touquoy sera exploité à l'aide de matériel loué, et une fois les ressources épuisées après cinq années d'activités minières, ce sera au tour du gisement Beaver Dam d'être exploité. Tout le minerai sera traité à l'usine de traitement de Touquoy, dont la capacité est de 250 tonnes par jour. L'usine repose sur des méthodes de broyage standards, à savoir un circuit de concassage en trois étapes, puis un broyeur à boulets, un concentrateur gravimétrique, un circuit de lixiviation au carbone et une fonderie qui produira des lingots d'argent aurifère. Dans le cas de figure de cette première étape, le site produira annuellement quelque 87 000 onces en moyenne sur une période d'au moins huit ans et demi, pour des coûts nécessaires au maintien de la production estimés à 690 $ l'once et un taux de récupération de l'or de 94 %.

TouquoyUne fois le minerai extrait à Touquoy, le concasseur à mâchoires et l'alimentateur-scalpeur à grille seront transférés au gisement de Beaver Dam. Avec l'aimable autorisation d'Atlantic Gold

Mme Bélanger est cependant satisfaite des détails sur lesquels a travaillé Ausenco dans l'usine de traitement. « En tant que groupe, nous sommes très fiers des aspects techniques intelligents qui ont été intégrés dans la conception », indiquait-elle. Outre ses travaux antérieurs chez Mirabela Nickel, Goldcorp et Kinross Gold, Mme Bélanger a également été directrice de la Coalition for Eco-Efficient Comminution (CEEC, la coalition pour le broyage écoénergétique) ; c'est la possibilité de mettre en œuvre des pratiques de type mine-to-mill (« de l'extraction au broyage ») en se concentrant sur l'énergie qui l'a attiré chez Atlantic, entre autres.

Le bâtiment abritant le concentrateur a une hauteur de plafond de 45 mètres afin de pouvoir accueillir du matériel de grande taille, mais le reste de l'usine a un plafond plus bas de manière à économiser sur le chauffage, l'aération et la climatisation. Le projet Moose River appliquera également des pratiques d'optimisation de l'abattage. « De plus en plus de personnes adoptent cette approche », indiquait Mme Bélanger, « car nous sommes bien conscients que dans certains cas, il est parfois 30 fois moins coûteux de concasser le matériau dans la mine plutôt que dans l'usine ».

Les sept cuves de lixiviation ont été fabriquées pour Atlantic Gold par la société Modular Fabrication établie à Miramichi, dans la province voisine du Nouveau-Brunswick. « Leur installation, qui requiert normalement trois ou quatre semaines, ne nous a pris que quatre ou cinq jours », indiquait-elle, « car tout était préfabriqué et il nous a suffit d'encastrer les pièces et de remplir les cuves ». La proximité du fabricant a également facilité les visites de contrôle.

La même approche a été adoptée pour le circuit de concassage, conçu par Metso mais fabriqué à Miramichi. D'une part, cette proximité a réduit le temps d'installation à un mois ; d'autre part, elle permettra de transférer le matériel de concassage primaire à Beaver Dam une fois le gisement de Touquoy épuisé. Le concasseur à mâchoires et l'alimentateur-scalpeur à grille seront transférés à Beaver Dam ; le minerai sera transporté sur 37 kilomètres (km) au concentrateur de Touquoy pour le concassage secondaire.

Automatisation du concentrateur

Dans le cadre de ses efforts pour réduire la consommation d'énergie, Atlantic cherche à installer une commande de processus automatisée dans son concentrateur. Le broyeur à boulets aura un entraînement à vitesse variable, et d'après une première évaluation, la mine pourrait réaliser d'importantes économies en installant un système qui adapte la vitesse de l'entraînement aux caractéristiques spécifiques du minerai, lesquelles seront détectées par des capteurs sophistiqués. L'équipe Métallurgie du site sera chargée de perfectionner le système de commande au fil du temps à mesure que l'on appréhende mieux les impacts d'une qualité et d'une quantité variables du minerai. Ce système présentera également des avantages en termes d'entretien ; on pourra notamment détecter des boulets broyants coincés, réduire les dommages causés au réseau électrique du site en raison d'irrégularités au niveau de la tension, et modérer l'usure des revêtements.

Pendant la production, ceci permettra de respecter le calendrier de la concentration, d'éviter le surbroyage et de réduire l'utilisation d'énergie par le projet. La consommation énergétique annuelle du broyeur à boulets est de 13 882 mégawattheures par an (MWh/an), soit presque la moitié de la consommation énergétique totale de l'usine de Touquoy. Il est particulièrement important de réduire les périodes de pointe de la demande d'énergie. « La demande de pointe est un élément fondamental de la tarification établie par Nova Scotia Power », déclarait Mme Bélanger. « L'indice de consommation d'électricité aux niveaux industriel et résidentiel en Nouvelle-Écosse fait déjà partie de l'un des plus élevés en Amérique du Nord ; ainsi, des améliorations dans ce domaine pourraient se traduire par d'importantes réductions des coûts. »

Parmi les autres plans d'économie d'énergie figurent les évaluations de l'oxygène dissous dans le processus de lixiviation, qui pourraient fournir de meilleures commandes au système de soufflerie. Si Mme Bélanger s'attend à ce que la plupart des idées relatives aux économies d'énergie soient mises en œuvre, Atlantic n'a pas encore en main les devis des fournisseurs de capteurs et de logiciels. Grâce aux économies importantes envisagées, il est fort probable que le programme dédié à l'efficacité énergétique de la Nouvelle-Écosse finance une partie de ces nouvelles technologies.

Forage de contrôle de la teneur

Ces dernières années, Atlantic Gold avait procédé à une planification préparatoire en appliquant la méthode de forage par circulation inverse sur des grilles de cinq mètres sur cinq, ou cinq mètres sur dix. « Nous forons quatre gradins avant d'entamer la production », expliquait Mme Bélanger. « Nous pouvons ainsi obtenir des informations de très forte densité avant de commencer l'extraction ; cela nous donne la possibilité d'adapter notre modèle à faible portée et permet une meilleure planification de la mine car nous pouvons mieux définir la séparation des déchets et du minerai. Actuellement, nous avons 14 mois de forage derrière nous et nous constatons une très bonne corrélation avec notre modèle de blocs de ressources. »

Ce forage intense coûte environ 20 cents par tonne extraite. « Si l'on considère le coût de toutes ces décisions, notamment en termes de transport du minerai vers le terril ou des déchets vers l'usine, ces 20 cents par tonne sont insignifiants en comparaison », ajoutait-elle.

PAL machineL`exploitation comprend une machine de pulvérisation et lixiviation qui servira à la planification de la mine et à la réconciliation.. Avec l'aimable autorisation de John Cooper/Mineral Process Control

Cette méthode s'appelle le forage de contrôle de la teneur, ou forage relatif à la densité de la production. Si elle est largement utilisée en Australie et en Afrique occidentale, elle est unique au Canada, où les exploitations ont plutôt tendance à tester les trous de mine pour préparer un modèle de planification à faible portée, expliquait Mme Bélanger. « De notre point de vue, c'est une solution de dernière minute. En fonction de la foreuse ou de la machine, il est difficile de commencer l'exploitation. » En outre, indiquait Mme Bélanger, la taille des échantillons recueillis n'est pas adaptée à la minéralisation disséminée. Elle ajoutait qu'Atlantic est la seule société minière d'Amérique du Nord à posséder une machine de pulvérisation et lixiviation qui évalue des échantillons pouvant atteindre un kilogramme (kg). « Nous avons travaillé d'arrache-pied pour peaufiner et améliorer les protocoles d'échantillonnage et de séparation afin d'optimiser la précision des échantillons dans ce type de roches avant les pressions imposées par l'exploitation minière et la production. »

Un autre avantage, expliquait Mme Bélanger, est que « le forage de contrôle de la teneur constitue également un outil de réconciliation des tonnes et de la teneur dans les blocs miniers à l'aide de données à haute densité. Mis à part l'exploitation même de ces blocs, il s'agit là de la méthode la plus précise pour prévoir les tonnes et la teneur réelles ».

Création d'une équipe

Pour Mme Bélanger, qui a travaillé pendant de nombreuses années avec de plus grandes sociétés minières, travailler dans une petite société et y créer une équipe était nouveau. « Peu de personnes ont la possibilité de prendre un projet dès le début, et je peux vous assurer que c'est une expérience exceptionnelle », déclarait-elle.

Maryse Belanger
Maryse Bélanger Avec l'aimable autorisation d'Atlantic Gold

Sept membres de l'équipe de direction à Vancouver surveillent les deux mines ainsi qu'une installation de traitement en Nouvelle-Écosse. Étant donné l'ampleur de ces projets, il semblait raisonnable de disposer sur place des compétences techniques requises et d'accorder un maximum de liberté en termes de prise de décision. Atlantic Gold a commencé à appliquer des principes d'exécution des travaux en toute sécurité et de responsabilisation, aussi la société a également souhaité que sa structure hiérarchique soit loyale et simple. Dans la pratique, ceci s'est traduit par une main-d'œuvre travaillant à plein temps et ayant un soutien minimal du contractant. « Tout le monde doit se comporter comme le propriétaire, ce qui est difficile à mettre en œuvre avec un contractant », expliquait Mme Bélanger.

 La main-d'œuvre est composée à 98 % d'habitants de la Nouvelle-Écosse. Atlantic Gold a cherché à ramener dans la province des personnes hautement qualifiées sur le plan technique, et selon Mme Bélanger, cet effort a été couronné de succès. « Nous avons eu la grande chance de trouver des professionnels hautement qualifiés », déclarait-elle. « Nombre d'entre eux étaient originaires de Nouvelle-Écosse, mais n'ont jamais travaillé dans la province. Pour certains, c'était un choix de vie ; ils avaient le choix entre continuer de faire la navette entre leur lieu de vie et de travail, de travailler dans la jungle ou de revenir travailler ici et de rentrer chez eux tous les soirs comme tout le monde. »

La durée de vie de huit ans et demi initialement envisagée pour la mine est susceptible d'être prolongée, car les propriétés sont en cours d'exploration. La campagne de forage la plus récente a établi une estimation des ressources mesurées et indiquées pour Cochrane Hill à 10,6 Mt, dont la teneur est de 1,16 g/t pour 398 000 onces, avec une teneur de coupure de 0,35 g/t ; pour Fifteen Mile Stream, ces ressources sont de 10,5 Mt, avec une teneur de 1,33 g/t pour 452 000 onces. Atlantic Gold devrait achever son étude de préfaisabilité dans le courant du quatrième trimestre 2017 ; l'exploitation minière à Cochrane Hill pourrait commencer d'ici quelques années, ajoutant une valeur certaine au collier de perles d'Atlantic.