La plaque tournante installée dans une salle d’abattage à la mine Young-Davidson permet de creuser deux montages à partir du même endroit. John Hodgins avec l’aimable autorisation de Dumas Contracting

Depuis 2016, le complexe minier Young-Davidson situé près de Matachewan, en Ontario, produit de l’or par intermittence. À ses débuts, la mine consiste en deux exploitations souterraines (Young-Davidson et MCM) qui, ensemble, génèrent des millions d’onces d’or pendant 13 ans, avant leur fermeture en 1957. En 2011, la mine reprend vie et devient une exploitation à ciel ouvert ; en 2013, le complexe produit de nouveau de l’or en souterrain avec deux puits de mine, l’un des premiers baptisé MCM et un nouveau puits de 5,5 mètres de diamètre, creusé par excavation ascendante, baptisé Northgate.

Cherchant à atteindre le minerai à faible teneur auquel les premiers mineurs n’avaient pas prêté attention, Alamos Gold Inc. s’efforce d’agrandir le niveau inférieur de la mine et d’ajouter 14 années de vie à la mine. Le projet de développement comprend une automatisation accrue, une réduction de la manipulation répétée du minerai, des trémies à minerai de capacité supérieure, des chantiers plus grands et un chargement plus efficace des bennes ainsi qu’une expérience avec le gunitage (projection de béton) robotisé. Toutefois, la clef de voûte de ce projet réside dans l’intégration d’une innovation du XIXe siècle, une plaque tournante positionnée à l’envers afin de faciliter le processus de développement.

Agrandissement du niveau inférieur de la mine

D’après Leon Grondin-Leblanc, surintendant de l’exploitation souterraine à Young-Davidson, l’agrandissement du niveau inférieur permettrait d’augmenter la capacité de la mine des 6 700 tonnes par jour qu’elle produit actuellement à 8 000 tonnes, et de hisser la production annuelle moyenne à 200 000 onces. Les travaux antérieurs portaient notamment sur la restauration du puits de mine MCM et sur un agrandissement de 750 mètres afin qu’il atteigne le niveau 1 500 mètres sous terre. Dans le même temps, le puits de production Northgate a aussi été approfondi. Alors que les travaux se poursuivaient, expliquait M. Grondin-Leblanc, « nous avons créé au milieu de la mine une zone de chargement et une station de concassage qui nous permettent d’être opérationnels en utilisant la première portion du puits Northgate. Depuis 2017, beaucoup de travail [a été fait] concernant le processus parallèle de fonçage du puits ».

Une fois terminés les travaux relatifs au puits, Alamos a pu se concentrer sur l’excavation du niveau inférieur de la mine. M. Grondin-Leblanc, qui décrivait le niveau inférieur de la mine comme une « zone captive », expliquait qu’on peut uniquement y accéder depuis la surface via le puits de mine MCM ou sous terre via le puits Northgate. Pour envoyer les matériaux de construction dans le niveau inférieur de la mine, il fallait les transporter le long de la descenderie ou les envoyer dans le puits de mine interne. « En soi, ce n’est pas une approche innovante, mais elle vient ajouter un degré de complexité car, en plus du mouvement normal des matériaux nécessaires aux opérations, nous devons déplacer les matériaux de construction », expliquait M. Grondin-Leblanc.

Il indiquait que depuis fin décembre 2019, 85 % des montages étaient creusés. Les passages seront renforcés à l’aide de béton projeté. Ce travail sera réalisé à l’aide de méthodes d’excavation traditionnelles par Alimak (une plateforme qui circule dans une cheminée d'exploitation) et d’un robot de projection de béton que la société teste actuellement.

Ce robot, qui se déplace plus facilement sur les surfaces lisses que crée l’excavation ascendante de montages, a rencontré des difficultés avec le changement d’angle dans le passage, ainsi qu’avec la surface plus accidentée créée par l’Alimak, ajoutait-il. Ainsi, Alamos a collaboré avec Multicrete pour fixer des rouleaux sur l’engin afin de limiter le frottement des câbles du robot sur l’orifice du montage.

« Une fois les travaux terminés et les coûts consolidés, et lorsque nous aurons un peu de temps pour nous pencher sur la performance, le coût et la qualité de l’application et de l’utilisation de béton projeté, nous pourrons indéniablement tirer des enseignements », indiquait-il. « Si la méthode fait ses preuves, nous l’envisagerons comme possibilité pour nos travaux futurs. »


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Creuser deux montages simultanément

Au vu des travaux de développement et de construction nécessaires, Alamos a établi des échéanciers serrés pour l’achèvement des travaux dans le niveau inférieur de la mine, obligeant avant tout les équipes à creuser les deux montages (le fondement du projet) en même temps. Les deux montages, qui mesuraient environ 275 mètres de long, devaient être creusés à partir du même endroit au niveau où la station d’abattage était prévue, créant une difficulté supplémentaire.

L’excavation des deux montages simultanément n’a pas été simple. « À défaut de pouvoir creuser ces deux montages en même temps, il nous aurait fallu ajouter près de trois mois supplémentaires au projet de construction », indiquait M. Grondin-Leblanc.

La mine Young-Davidson est située le long de la zone sud-ouest de la ceinture de roches vertes de l’Abitibi, qui abrite de nombreux gisements aurifères. Avec l’aimable autorisation de Alamos Gold

Au-delà des contraintes temporelles, l’équipe du projet a également rencontré des contraintes spatiales, notamment pour parvenir à tout intégrer en respectant une empreinte physique extrêmement limitée et un minimum d’excavation. Alamos ne souhaitait pas suspendre les Alimaks l’un au-dessus de l’autre, car il aurait alors fallu creuser un espace d’abattage de 20 mètres de haut (soit près de la moitié de la hauteur d’un chantier). En raison des angles fermés et de la géométrie du site, un double Alimak n’aurait pas suffisamment d’espace pour manœuvrer. Alamos a alors pris contact avec Dumas Contracting Ltd. afin de trouver une solution créative à ce problème.

La solution a été conçue selon le modèle d’une plaque tournante, un dispositif utilisé dans le secteur ferroviaire qui repositionne les engins d’une voie sur l’autre.

« Lorsqu’on l’a conceptualisé, on la décrivait comme un monorail circulaire, pour ainsi dire l’élément central de la plaque tournante », expliquait l’ingénieur Tony Linton, directeur des services techniques chez Dumas. On y accroche le principal balancier qui soutient l’Alimak. On arrime un monorail circulaire à l’arrière (ou au plafond) de la zone à creuser et, à partir de ce monorail circulaire, on accroche le dispositif que l’on souhaite orienter (ou tourner) avec les mesures angulaires du montage.

Telle quelle, la plaque tournante (dont le brevet est déposé) est dotée d’un balancier d’environ 6 mètres de long. D’après M. Linton, la hauteur de l’unité, de haut en bas (Alimak non compris) est d’environ 2,5 mètres. M. Grondin-Leblanc indiquait que l’espace où est placé l’engin mesure 30 mètres de long et entre 12 et 15 mètres de haut.

« Lorsque la plaque tournante est à l’intérieur, elle prend toute la place », expliquait-il. « L’extrémité arrière de l’Alimak dépasse au niveau de l’entrée de la salle d’abattage située au-dessus ; ainsi, tout le marinage a lieu en dessous de la plateforme. L’extrémité est positionnée de manière à pouvoir placer le second Alimak et à accéder à cette extrémité si nécessaire. On y a installé une petite station d’entretien. »

Actionner la plaque tournante

La manipulation de la plaque tournante pour positionner l’Alimak est un travail manuel effectué par des opérateurs à l’aide de barres de purgeage. Au départ, Dumas avait envisagé de l’équiper d’un moteur, mais M. Linton expliquait que les exploitants trouvaient cette approche « trop restrictive ». Même sans automatisation, M. Linton indiquait que l’équipe minière peut introduire les deux Alimaks dans les montages en moins de 30 minutes. « Autrement dit, ce n’est pas tellement plus long que d’en introduire un seul. »

Le positionnement et l’introduction des Alimaks à l’aide de la plaque tournante exigent des employés qu’ils prennent quelques mesures supplémentaires par rapport aux opérations classiques. Le premier Alimak est placé sur la plaque tournante et aligné avec le premier montage ; l’équipe se prépare et commence l’ascension du montage. La plaque tournante étant maintenant libérée, on y installe le deuxième Alimak et on réitère la procédure. M. Grondin-Leblanc indiquait que ce processus peut avoir lieu « sans se bousculer », car les galets de la plaque tournante en font une conception efficace, et également car un autre membre du personnel doit s’assurer que les Alimaks sont correctement préparés et chargés avec l’équipement nécessaire.

M. Linton expliquait que les préposés au fonctionnement de la plaque tournante sont les mêmes qui l’ont assemblé sous terre. L’assemblage leur a permis de parfaitement comprendre son fonctionnement. Selon lui, le fait que les travailleurs ont participé au processus d’assemblage a certainement contribué à l’acceptation et l’adoption rapide et sans encombres de l’équipement.

Si le concept fondamental de la plaque tournante est simple, il a tout de même demandé des travaux techniques complexes.

« Nous avons dû trouver un type spécifique de fixation pour la conduite d’eau et d’air », indiquait M. Linton, expliquant que Dumas avait dû concevoir une « cassure » (autrement dit une déconnexion du rail) de manière à pouvoir réintroduire l’air et l’eau à l’arrière du système. Cette conception, d’après M. Linton, a valu à la société d’obtenir une certification de la Technical Standards and Safety Authority (TSSA, la commission des normes techniques et de la sécurité), qu’elle pourra utiliser dans ses futurs projets.

La réussite du projet a également reposé sur l’étude de surveillance stricte et précise de la cavité afin de déterminer la longueur et le positionnement des points d’ancrage nécessaires pour soutenir la plaque tournante, qui n’a aucune colonne la rattachant au sol, expliquait M. Linton.

Un autre élément ayant contribué au succès du projet est la prévoyance de l’équipe quant à ce que le système de double Alimak requiert, indiquait M. Grondin-Leblanc. Avec deux Alimaks utilisant de l’air comprimé pour les trépans, Alamos a augmenté sa capacité d’air comprimé en ajoutant un compresseur électrique mobile à proximité de la plateforme. Alamos a aussi compris que les exigences en termes de pression de l’eau et de volume seraient doublées, aussi des caisses à eau et des citernes ainsi qu’une pompe séparée et une conduite sous pression ont été installées.

Le succès de cette conception à Young-Davidson a encouragé Dumas à envisager de l’utiliser dans des applications futures. D’après les hypothèses avancées par M. Linton et ses collègues, une conception similaire pourrait permettre de creuser quatre ou cinq montages à partir d’un même emplacement. Un exploitant minier, selon lui, pourrait avoir besoin de deux cheminées à minerai ainsi que d’un montage pour l’aérage et d’une galerie de circulation.

Quant à M. Grondin-Leblanc, il envisage de réutiliser la technologie de plaque tournante dans les prochains développements à Young-Davidson. « À mesure que nous descendons plus profond, et je suis convaincu que nous pourrons ajouter un autre niveau à la partie inférieure de la mine, l’installation que nous terminons pourrait devenir un [modèle] à imiter, particulièrement si nous devons envisager d’utiliser deux Alimaks. »

Traduit par Karen Rolland